dimanche 19 avril 2015

L'Afrique lusophone s'invite : Nzingha princesse de l'Afrique de l'ouest et guerrière (mots-clés : Afrique, guerrière, amazone)


En 2000, aux Etats-Unis d'Amérique, parait, sous la plume de Patricia C. Mc Kissack, une noire américaine native du Tenessee, l'ouvrage Nzingha : warrior queen of Matamba. Il est traduit en 2006 chez Gallimard jeunesse dans la collection Mon histoire sous le titre de Nzingha : princesses africaine.



La narratrice y est généralement un personnage historique (telles Anne de Bretagne ou Blanche de Castille) et à défaut quelqu’un qui lui est proche comme la chanteuse de Vivaldi. Trois fois sur quatre, il s’agit d’une fille, celle-ci raconte à peu près une année de sa vie, celle où l'on peut considérer qu’elle passe de l’enfance à l’état adulte, sans jamais passer par une case adolescence qui à l’époque est un âge qui n’entre pas dans les concepts des humains, à quelque endroit où ils vivent. La plupart du temps, c’est à travers un journal tenu régulièrement que l’on suit la vie de la narratrice.




Nzingha est née en 1582 dans ce qui deviendra la colonie portugaise d’Angola jusqu’au milieu des années 1970, époque où non sans difficultés intérieures l’Angola accède à l’indépendance. Patricia C. Mc Kissack choisit de raconter la vie de son héroïne au travers de chroniques mensuelles en indiquant le nom du mois en culture occidentale et en kimbundu (une langue africaine). On démarre en juillet 1595 pour terminer en septembre 1596 (mois où est décidé qui sera son mari). Dès la troisième page Nzingha est présentée avec des potentialités de guerrière :
« Aujourd’hui avec mes amis, j’ai fabriqué des flèches et trempé leurs pointes dans du venin de serpent, comme Njali nous l’a appris. Njalu est le chef des Élus, les gardes du roi et il combat aux côtés de mon père ». (page 9)

C’est un Portugais le père Giovanni Gavazzi, vivant depuis environ vingt ans au Matamba dans l’entourage royal la tribu qui incite Nzingha à tenir son journal lusophone. Dans ce dernier, elle pose la question de la traversée des esclaves depuis l’Angola jusqu’au Brésil. Des auxiliaires des Portugais essaient de s’emparer d’elle alors que Nzingha est isolée avec ses deux sœurs :
« Tandis que je chargeais l’ennemi avec Mukambu, Kifunji a fait du raffut afin qu’ils s’imaginent que nous étions plus nombreux. Puis j’ai poussé un cri de guerre et j’ai lancé des flèches ». (pages 74-75)
Comme d’habitude dans cette collection des pages documentaires terminent l’ouvrage. Ici elles traitent de la vie de l’héroïne depuis son mariage jusqu’à sa mort, la présence portugaise en Angola depuis la fin du XVe siècle jusqu’au XVIIe siècle, le devenir des personnages de l’entourage de Nzingha.



Il est dommage que dans cet ouvrage comme dans La reine Nzingha et l’Angola au XVIIe siècle de Jean-Michel Deveau, il n’y ait aucune carte géographique. Dans ce dernier titre pour les adultes on suit les rapports fluctuants que notre personnage a entretenu avec les Portugais et le catholicisme. L’ouvrage rappelle que le Manicongo, un peu plus au nord, se convertit au christianisme dès la fin du XVIe siècle. Les relations de Nzingha avec son frère, lorsqu’il devint roi, furent souvent conflictuelles. Ce dernier fit égorger le fils de Nzingha et celle-ci est soupçonnée de l’avoir fait empoisonner. Pour supporter le choc psychologique des départs définitifs de milliers d’hommes vers l’Amérique, la population locale inventa un nouveau mythe qui est exposé au tour de la page 62. 

Jean-Michel Deveau explique combien on est gêné de ne pouvoir s’appuyer que sur des sources portugaises qui disent du bien d’elle lorsqu’elle est catholique et alliée et parle de sa cruauté incommensurable lorsqu’elle est l'ennemie des rois de Lisbonne. 

Une chose est certaine c’est que de 1623 à 1654 elle commandait son armée et que les succès qu’elle remporta de 1630 à 1645 le furent parce que les Hollandais passèrent alliance avec elle.
La couverture du livre de Jean-Michel Deveau porte un cliché d’une statue de Nzingha érigée à Kinaxixi en 2002 à l'occasion du 27e anniversaire de l'indépendance.

En résumé voilà deux ouvrages historiques qui permettent d’approcher une souveraine africaine devenue héroïne nationale pour l’Angola d’aujourd’hui, car porteuse d’une geste épique. Le premier insistant sur les jeunes années de Nzingha en s’appuyant sur des connaissances historiques solides, il est intéressant à lire par tous, y compris les adultes.

Pour aller plus loin :

MC KISSACK (Patricia C.), Nzingha : princesse africaine, Paris, Gallimard jeunesse, 2006, 108 p.
DEVEAU (Jean-Michel), La Reine Nzingha et l’Angola au XVIIe siècle, Paris, Karthala, 2015, 166 p.

AC


mercredi 1 avril 2015

CINEMA : Femmes en guerre et pellicules (mots-clés : cinéma, téléfilm, guerre, RAD, malgré elles, drôle de guerre, Micheline Presle)


Autant les Américains et les Britanniques ont su mettre en avant, en bien ou en mal, tant sur le ton dramatique que comique, les femmes en temps de guerre ou en uniforme des deux guerres mondiales (voir le livre d'Yvonne Tasker, Soldiers' Stories: Military Women in Cinema and Television since World War II), autant les Français peinent à réaliser des films ou téléfilms sérieux sur ces sujets. C'est regrettable mais la déception est presque toujours au rendez-vous. La cause, une méconnaissance flagrante des thèmes abordés et le peu d'intérêt marqué par les chaînes de télévision et les quelques producteurs un peu curieux. Ces rôles prennent généralement une place secondaire et quand ils représentent le sujet principal ils s'éloignent inexorablement de la réalité pour des fictions parfois franchement ridicules.



Nous passerons sur Babette s'en va-t-en guerre de Christian-Jacque (1957) ; Lucie Aubrac, de Claude Berri (1997) ; La Chambre des officiers, de François Dupeyron (2001) ; Les Femmes de l'ombre, de Jean-Paul Salomé (2008), etc., pour nous arrêter sur deux morceaux de pellicule, l'un pour le cinéma, Elles étaient 12 femmes, sorti en 1940, et l'autre pour la télévision, Malgré elles, diffusé en 2012.




Elles étaient douze femmes

Le film d’Yves Mirande (scénario-dialogue) et Georges Lacombe (réalisation), Elles étaient douze femmes, sorti le 17 avril 1940, conte, dans le genre de la comédie dramatique à la française, l’histoire imaginaire de l’une de ces œuvres d'entraide fondées pendant la Drôle de guerre :

«au début de la guerre, quelques dames des plus huppées imaginent, lors d'une descente à l'abri, de fonder une œuvre pour les soldats sans famille. À cette occasion, elles décident d'entrer en relation avec la riche madame Marion, qui n'est pas de leur monde et a mené une vie légère. Cancans, potins, mesquineries, brouilles vont se succéder. » (Wikipédia)

Bien qu'il s'agisse d'une fiction c'est un témoignage visuel et vivant d’un état d’esprit à jamais disparu avec la défaite. On y retrouve en tête d'affiche la toute jeune Micheline Presle qui n'en est pas à son premier rôle au cinéma puisqu'elle a fait ses classes en 1937 dans La Fessée de Pierre Caron. Notons aussi la présence de Gaby Morlay (madame Marion), Françoise Rosay, Marion Delbo, Simone Renant, etc. René Chateau a eu la merveilleuse idée d'éditer un DVD de ce film en 2013.



Malgré elles

Dirigé par Denis Malleval, réalisateur de deux épisodes de Joséphine ange gardien (Pour l'amour d'un ange et La Tête dans les étoiles) et écrit par Nina Barbier (documentariste) et Barbara Grinberg (scénariste), Malgré Elles, réalisé en 2012, relate l'histoire de deux jeunes Alsaciennes de 17 ans, Alice et Lisette enrôlées de force par le service du travail féminin du Reich (Reichsarbeitsdienst der weiblichen jugend ou RADwJ.). L'une frondeuse, l'autre soumise.

Après six mois dans un camp du RADwJ., où elles reçoivent une formation nationale-socialiste brutale, du moins pour celles qui refusent de s'y soumettre, elles sont affectées dans une usine d'armement comme auxiliaires de guerre (Kriegshilfdienst des Reichsarbeitdienst/KHD) pour une durée obligatoire de 6 mois. Leur tâche... remplir des obus. A ce sujet, l'atelier ressemble plus à l'arrière boutique d'une quincaillerie qu'à une usine d'armement, mais passons. Une explosion survient et aussitôt les autorités se tournent vers les deux jeunes Alsaciennes, victimes toutes trouvées aussitôt suspectées de sabotage. On les menace alors de les envoyer dans un camp de redressement. Mais pire encore les deux jeunes filles sont expédiées dans un lebensborn. 

Malgré elles est un téléfilm d'un tel manichéisme que les rapports humains frisent le ridicule. Les Allemandes s'apparentent à des chiennes de garde et les Alsaciennes à de petits moutons terrorisés par ces cerbères bipèdes. Les admirateurs de la déplorable série américaine Papa schultz (1965-1971) seront déçus, car « l'humour en noir et blanc» n'a pas de raison d'être ici, malheureusement. Quant au final façon Papy fait de la résistance ou La Chute, "les années ont passé revenons sur notre vécu"... Sans commentaire. L'excès dans cette peinture sans épaisseur, ni contraste, ne rend nullement justice aux Malgré elles, au contraire. Le jeu de l'excellente actrice qu'est Flore Bonaventura et des autres noms du casting (Macha Méril, Louise Herrero, etc.) est fade et sans saveur et n'arrive pas à relever un niveau déjà bien bas. Nombre de situations, surtout la partie relative au lebensborn, sont de l'ordre du pur fantasme. Comme nous pouvons le lire sur le site wikipédia cette improbable situation a provoqué une polémique bien légitime :

« Le 9 octobre 2012, la chaîne de télévision France 3 diffuse en première partie de soirée un téléfilm de fiction réalisé par Denis Malleval intitulé Les Malgré-elles qui associe deux thèmes qui n’ont aucun rapport : l’incorporation de force et les Lebensborn.
La documentariste Nina Barbier à l’origine du documentaire de 2009 explique que « Pour des raisons d’évolution dramatique du récit, Alice et Lisette atterrissent là. C’est cohérent dans le film, mais contraire à la vérité historique. Je me suis battue contre la production et la chaîne, qui tenaient absolument à mélanger les deux faits. Les pouponnières de SS-Kinder n’ont rien à voir avec l’Alsace : elles ont été créées en Allemagne pour des Allemandes ! ».
Hélène Delale, la productrice qui a proposé le sujet à France 3, reconnaît : « L’argument de départ était de raconter la vie de ces très jeunes Alsaciennes, enrôlées dans l’effort de guerre allemand. Mais il y a malheureusement eu ce rapprochement parce que France Télévisions trouvait que le sujet des « malgré-elles » ressemblait trop à un récit de STO, et manquait de dramatisation et de rebondissements pour un téléfilm de 90 minutes. On a donc eu l’idée de mélanger deux histoires qui, historiquement, n’ont effectivement rien à voir ». » (wikipédia)

Voilà, ite missa est.

Note : Malgré elles est sorti en DVD en 2013.