La
brillante carrière du maréchal Hubert Lyautey est connue de tous
(du moins presque...), pourtant celle de son épouse Inès Lyautey,
née Inès de Bourgoing, restée dans l'ombre de son époux, n'a
presque jamais été évoquée. Elle n'a cependant rien a envier à
son illustre et "étoilé" mari.
Née
un 5 janvier 1862, Inès Lyautey obtient son diplôme d'infirmière
le 21 juin 1901. Diplômée, elle sert au Maroc en 1906, participe à
la Grande Guerre, etc. Sa vie se partage entre France et Maroc. Les
affectations se suivent ainsi jusqu'au mois
d’août 1940, date à laquelle elle est appelée à la
vice-présidence de la Croix-Rouge française unifiée tout juste
naissante. Faite commandeur de la Légion d'honneur en 1946, elle
décède le 9 février 1953 à Casablanca au Maroc.
Son
histoire est évoquée dans un ouvrage de 259 pages bien fournies
écrites sous la plume de Marie-José Chavenon. Inès Lyautey, paru
aux éditions Gérard Louis, en 2010, est un ouvrage richement
documenté, bien mené, fourmillant d'anecdotes connues ou l'étant
moins. Mais laissons donc la parole à Marie-José Chavenon pour nous
présenter "son" Inès Lyautey.
1/ Pourquoi ce choix
d’Inès Lyautey ?
Infirmière
récemment retraitée, j’ai lu en 2002 un article, dans un magazine
professionnel, sur cette personnalité dont je n’avais jamais
entendu parler, alors que, passionnée d’Histoire, je connais bien
le parcours du maréchal Lyautey. Intriguée, cherchant à en savoir
plus et comprenant que rien n’avait été publié sur cette
inconnue, j’ai décidé d’en écrire la biographie.
2/ La campagne du Maroc
une période formatrice dans sa carrière ?
Inès
de Bourgoing, veuve du colonel Fortoul, a débarqué pour la première
fois au Maroc en 1907, où l’armée menait une campagne destinée à
pacifier les populations tribales agitées dans la région de
Casablanca. Les 2 mois de sa mission l’ont marquée profondément
et durablement. Elle s’est plongée dans le travail en développant
des qualités de soignante remarquées par sa hiérarchie, tout en
découvrant le charme du pays. La rencontre avec Lyautey, quelques
jours avant la fin de sa campagne, a-t-elle contribué à l’enraciner
dans l’amour du Maghreb, ou aurait-elle eu ce même désir sans
lui ? Il est certain qu’elle aurait demandé à exercer dans
les colonies, si l’on en croit ses lettres écrites avant la
rencontre.
3/ Un mot sur
l’infirmière
Issue
d’un milieu aristocratique et fortuné, son père, le baron
Philippe de Bourgoing était Ecuyer de Napoléon III, et sa mère,
héritière des filatures D.M.C. de Mulhouse, elle a suivi
tardivement ses études à la Croix-Rouge, diplômée à 39 ans,
moins par vocation que pour satisfaire au dévouement socialement
valorisant de son milieu, lié à l’obligation rituelle de prendre
soin d’autrui par idéologie religieuse. D’un caractère affirmé,
elle est rapidement montée dans la hiérarchie avec des
responsabilités importantes, tout en restant toujours très active
sur le terrain. Être nommée directrice générale de la
Croix-Rouge à l’âge de 78 ans, confirme sa puissance de travail
ajoutée à son autorité naturelle.
4/ Un mot sur la maréchale
Elle
fut d’abord la générale par son mariage en 1909, puis la maréchale lorsque Lyautey fut nommé maréchal de France en 1921.
Elle n’accordait pas plus d’importance à ce titre qu’aux
nombreux autres, reçus au fil des années, même si elle a parfois
laissé paraître sa fierté d’être alliée au grand homme. Elle
savait néanmoins se servir de ce statut lorsqu’elle avait besoin
d’appuis et de fonds pour faire avancer la cause de la Croix-Rouge
en Afrique du Nord.
5/ Quel impact son travail
social a-t-il eu au Maroc ?
Elle
n’a eu de cesse de créer en permanence des hôpitaux,
dispensaires, maternités, gouttes de lait (PMI), sanatoriums,
maisons de convalescence, etc. Elle insistait beaucoup sur
l’éducation sanitaire des populations, attentive à quadriller le
pays jusque dans les bleds les
plus reculés. Elle a ouvert des écoles d’infirmières dans les
grandes villes, et la formation d’un personnel marocain destiné
aux hôpitaux (brancardiers, femmes de ménage, cuisiniers, etc.)
Grâce
à son action efficace (elle allait même supplier la Red
Cross américaine
lorsque la française avait du mal à suivre !), le Maroc a pu
se doter d’une puissante infrastructure médicale, œuvre
gigantesque dont les bâtiments sont toujours présents et
opérationnels de nos jours. Ce travail majeur a fait sortir le Maroc
de la misère médico-sociale qui sévissait encore avant la
nomination de Lyautey comme gouverneur en 1912. Des maladies
endémiques ont été éradiquées, d’autres efficacement soignées,
sans jamais oublier la prévention spécifique à chaque type de
maladie.
6/ Une femme discrète ?
Inès
Lyautey ne s’est jamais mise en avant, pratiquant l’humilité
comme une seconde nature. Elle acceptait les remises de récompenses
et médailles comme une obligation liée à son travail, n’en
tirant aucune gloire, absolument muette sur le sujet. Aimable,
conviviale, toujours à l’écoute des problèmes, elle faisait
l’unanimité autour d’elle. En revanche, s’il fallait « monter
au créneau » pour mener à terme ses projets professionnels,
elle pouvait être têtue et mordante avec les interlocuteurs.
7/ A-t-elle vécu à
l’ombre de son mari ?
Vraiment
pas. Elle est toujours restée indépendante et active, n’hésitant
pas à déserter continuellement le foyer, toujours dans le cadre de
son travail. Lyautey, qui appréciait sa présence rassurante et ses
qualités de maîtresse de maison, tant pour les réceptions
officielles que pour le confort de leur intimité, pestait contre ses
absences trop longues à son goût.
8/ Comment la
définiriez-vous en deux mots ?
Jolie et jouissant d’une excellente santé, elle était intelligente, cultivée, consciencieuse, raffinée, élégante et en un mot, brillante. Elle était aussi têtue, insistante, autoritaire, sévère, dans le cadre d’activités professionnelles qu’elle menait de main de maître, où elle ne tolérait aucune erreur, ni aucune faiblesse, appliquant ce concept en priorité à elle-même, en travaillant jusqu’à l’âge de… 90 ans !
Jolie et jouissant d’une excellente santé, elle était intelligente, cultivée, consciencieuse, raffinée, élégante et en un mot, brillante. Elle était aussi têtue, insistante, autoritaire, sévère, dans le cadre d’activités professionnelles qu’elle menait de main de maître, où elle ne tolérait aucune erreur, ni aucune faiblesse, appliquant ce concept en priorité à elle-même, en travaillant jusqu’à l’âge de… 90 ans !
Ouvrage
disposible sur les sites de vente en ligne : Amazon, Fnac,
Priceminister, etc.
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