"Où sont les femmes... ?".
Oui, où sont les femmes ? Du moins, quelles femmes. Au travers de
ces 144 pages en couleurs, Franck et Michèle Jouve ouvrent la porte
aux femmes de la Grande Guerre. Le titre, alléchant, La Vraie
histoire des femmes, 14-18, laisse entendre une histoire
nouvelle, lavée de ses idées fausses, des erreurs passées,
déterminée à dire la vérité. Qu'en est-il ?
Dès les premières pages, nous entrons
dans le vif du sujet comme dans du beurre sans aucune préface
introductive. Les 11 chapitres s'égrènent ainsi sans réelle
jointure : Les femmes témoins, Les pionnières et visionnaires,
Hommage aux héroïnes, etc. On ne sait si les femmes honorées sont
les Françaises ou les Européennes, même si l'élément français
prédomine. Cette réflexion n'est pas anodine, car les enjeux et les
implications ne peuvent se mélanger d'une nation à l'autre. De la
femme russe, à la femme belge, en passant par l'allemande, la serbe,
la britannique ou la française, des destinées variées propres au
foyer national, à l'héritage social, au statut des femmes, à la
situation géographique du temps de guerre, etc. modèlent l'engagement.
Les sujets abordés : héroïnes,
espionnes, infirmières, écrivains, artistes sont, certes, pour
quelques-uns, les figures emblématiques incontournables de la femme
de la Grande Guerre, particulièrement les infirmières et plus
anecdotiquement les héroïnes. Selon nous, la guerre a créé, chez
les femmes, de nouvelles catégories sociales, augmenté et renouvelé
les effectifs dans d'autres milieux : infirmières, prostituées,
veuves de guerre, marraines de guerre, ouvrières, paysannes, ainsi
que toutes ces femmes qui ont remplacé les hommes mobilisés
(transports, administrations, etc.), "voilà l'ami camarade !"
oserions-nous dire. De cet ensemble, compact, varié, si
dissemblable, sont sorties quelques héroïnes et martyres. Le
dernier chapitre (En poste sur tous les fronts) laisse à penser un
sot dans cette recomposition sociale, mais il n'en est rien. Il se
résume en des photos (intéressantes) mais pas étayées par un
texte explicatif, si ce ne sont des légendes très convenues. Les
ouvrières, les veuves et les prostituées sont les grandes absentes.
La littérature sur les femmes de la
Grande Guerre est bien trop marquée par les sciences sociales au
détriment d'une histoire du réel et du vécu. Trop souvent
l'engagement féminin se résume en des figures choisies avec les
yeux d'aujourd'hui, en des rapports hommes/femmes dans une guerre
larvée des sexes et en des bizarreries de "genre". La
littérature sur la Grande Guerre des femmes publiée depuis les
années 1990 en est symptomatique. Elle répond à des attentes, non
à des faits, et encore moins à des réalités. Constat : une
histoire féministe et de lutte sociale plutôt qu'une histoire des
femmes.
L'ouvrage finit sur une phrase de
Gustave Lebon "La guerre aura plus fait pour l'indépendance des
femmes que toutes les élucubrations féministes pendant cinquante
ans." Ce dernier devait ignorer l'engagement patriotique des
féministes réformistes pendant la guerre ; un travail important qui
permit de placer les femmes, de mettre en place un soutien social aux
ouvrières, de créer les premières conductrices militarisées aux
armées, d'aider les femmes démunies, etc. Le changement ne vint pas
non plus avec la victoire puisqu'il était amorcé dès avant la
guerre qui d'ailleurs ne fut nullement émancipatrice comme on aime à
le dire.
Qui aime bien chatie bien dit-on.
Malgré ces lignes, nous reconnaissons l'intérêt de chapitres comme
Les marraines de guerre ; Les femmes à la page ; Les femmes sur
scène ; les Figures sacrées et profanes, comme les fameux
porte-bonheur en laine, Nenette, Rintintin et leur enfant Radadou.
L'iconographie se fortifie des milliers de visuels existant sur les
femmes de la Grande Guerre. Nous déplorons cependant que des photos
d'infirmières allemandes ou britanniques illustrent l'effort de
guerre des infirmières Françaises de la Croix-Rouge.
Somme toute, un beau livre pour les
fêtes.
Franck et Michèle Jouve, La Vraie
histoire des Françaises, Chronique éditions, 2013
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