La série Les Reines de sang, qui avait publié Constance d’Antioche, vient de sortir le premier tome de la bande dessinnée Njinga la lionne du Matamba. Ce livre n'est pas le premier sur le sujet.
En 2000, parait, aux Etats-Unis d'Amérique, sous la plume de Patricia C. Mc Kissack, une américaine native du Tenessee, l'ouvrage Nzingha : warrior queen of Matamba. Six en ans plus, il est traduit chez Gallimard jeunesse dans la collection "Mon histoire" sous le titre de Nzingha : princesses africaine.
Enfin, en France, Jean-Michel Deveau avec, La reine Nzingha et l’Angola au XVIIe siècle, propose un ouvrage historique à destination d’un lectorat adulte.
Si l'on remonte bien plus loin encore, l’auteur de l’Histoire universelle depuis le commencement du monde jusqu’à présent, publiée à Amsterdam en 1765, cite quarante-deux fois le personnage de la reine Njinga. On reste toutefois dans un joli flou artistique quant à sa vie qui manque de précisions.
Njinga une reine pas si mythique
Njinga (ou Nzingha) est une reine mythique quoique personnage historique avéré, d’une partie du nord de l’Angola actuel, morte en 1663, à quatre-vingt-deux ans. Elle épouse la foi chrétienne espérant que les Portugais ne chercheront plus d‘esclaves au sein de son peuple, mais n'en est pas moins l'un des instruments.
Le scénariste Jean-Pierre Pécau tient un discours où les Portugais sont présentés comme des êtres fourbes uniquement préoccupés par le désir d’alimenter le trafic d’esclaves et de s’emparer de certaines richesses locales. Rappeler que les tribus africaines sont les principales pourvoyeuses d'esclaves - les Portugais n'ayant que peu de moyens pour mener des razzias - n’est pas le moindre intérêt de l’ouvrage à une époque où le politiquement correct s’impose dans certains milieux médiatiques. Si l'on peut louer la résistance de Njinga face à l'hégémonisme portugais, on ne peut en faire une héroïne de la lutte contre l’esclavagisme car la traite finançait le budget de son royaume.
Dona Ana de Sousa
Njinga est présentée comme maîtrisant parfaitement la langue de Bernardim Ribeiro (c’est lui qui fonde le genre du roman pastoral et le roman à clef dans la péninsule Ibérique du XVIe siècle). Si les provocations du gouverneur à son égard sont ahurissantes, les réactions de Njinga sont bien excessives dans leur impertinence. Bref on est parfois là dans un discours fictionnel se souciant peu du contexte culturel de l’époque. En se convertissant au christianisme, notre héroïne adopte le nom de Dona Ana de Sousa en hommage à l'épouse du gouverneur, qui fut également sa marraine ; il est donc inconcevable que ce haut fonctionnaire portugais ait pu lui tenir des propos extrêmement blessants.
Conflit avec le Portugal
La première mention de Njinga, dans les sources européennes, date de 1632 quand son frère, alors roi, lui demanda d’aller négocier une paix avec le gouverneur portugais João Correia de Sousa. Le récit de cette BD ouvre sur cet évènement. Les raisons du conflit entre elle et son frère sont le fruit de l’imagination du scénariste. Devenue reine à la mort de son frère, elle commanda effectivement les troupes du royaume face au Portugal qui n’avait pas respecté ses engagements. Les guerres des tribus africaines entre elles et mettant aux prises le Portugal et le royaume du Ndongo, tiennent une large place dans ce premier tome.
Des allusions au cannibalisme sont présentes, sa prétendue pratique servit d’argument à la colonisation et à la christianisation ; l’historien s’interroge sur sa réalité effective en Afrique. Dans le volume suivant, on verra vraisemblablement que les Hollandais firent de Njinga leur allié. Quelques pages contiennent des images érotiques. Le graphisme est très élégant, les couleurs lumineuses et la mise en page, quoique classique, se renouvelle constamment.
PÉCAU, DE VINCENZI, SAYAGO, Njinga la lionne du Matamba, Sayago, Delcourt, 2020
Alain CHIRON
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