La
pièce de théâtre "Journal d'un imbécile", de Benoît
Marbot, est le parcours que connurent bien de jeunes gens nés avant
1930. La drôle de guerre, la guerre à laquelle ils ne peuvent
participer puis l'exode imprévu, subi. L'occupation, la résistance
pour les uns, le marché noir pour d'autres, parfois la collaboration
avec l'ennemi. La Libération, l'appel du large et l'engagement pour
des années d'Indochine. L'horreur, les attentats, la maladie, le
rapatriement, les blessures, les meurtrissures, l'amour avoué ou
contrarié.
Un
texte merveilleusement mené qui se lit avec autant de plaisir que
d'allégresse, des personnages plus vrai que nature. Des dialogues
savoureux qui campent parfaitement les milieux sociaux, leurs a
priori, leurs capacités de survie en s'adaptant sans cesse au
changement, sans changer comme Giuseppe Tomasi di Lampedusa le fixait
dans son prophétique ouvrage Le Guépard. Si nous avons souhaité
présenter cette pièce c'est, outre le fait que nous soyons tombés
sous le charme d'un réalisme intemporel, en partie parce que l'un
des personnages est une jeune métisse asiatique infirmière dans un
hôpital militaire d'Indochine.
Aurélie Tasini (l’infirmière métissée) et (Arnaud) |
Bonjour
Benoît Marbot, pouvez-vous vous présenter, pour ceux qui ne vous
connaissent pas encore ?
Je
suis né en 1961 à Paris. Enfant, je voulais être à la fois
écrivain et militaire : je suis devenu enfant de troupe, j’ai
fait du théâtre au lycée puis à l’université (j’ai dirigé
la troupe du Centre culturel de l’Université de Nanterre à
l’époque où il y en avait un) et je suis parti deux ans au Japon
dans le cadre de la Coopération animer le groupe théâtral de
l’Institut franco-japonais du Kyushu. De retour en France, j’ai
créé ma propre compagnie qui, subventionnée par la Ville de
Courbevoie et le Conseil Général des Hauts-de-Seine, mène une
double activité d’action en milieu scolaire et de création
contemporaine. J’ai écrit, monté et fait publier une vingtaine de
pièces.
Quand
le Journal d'un imbécile a-t-il été créé ?
Le
Journal d’un imbécile a été créé le 12 décembre
2013 au Théâtre du Petit-Parmentier de Neuilly-sur-Seine et sera
repris au centre Culturel de Courbevoie le 21 mars 2014.
(Arnaud) et Cyrille Labbé (le capitaine Letourneau, médecin militaire) |
Avec
cette pièce vous avez renoué avec d'autres ayant pour thème les
guerres de décolonisation ? Un sujet de réflexion chez vous ?
J’ai
écrit en effet plusieurs pièces qui abordent ou traitent le thème
de la décolonisation. Je ne saurais pas vous dire exactement
pourquoi. Comme souvent ceux qui ont beaucoup vécu à l’étranger
et qui digèrent mal l’éducation qu’ils ont reçue, j’entretiens
des rapports difficiles avec mon pays natal. Le thème de la
colonisation me permet peut-être de parler de la France dans ce
qu’elle a de pire et de meilleur…
Vous
êtes-vous inspiré de personnages réels pour Arnaud, Gilles et
madame de Brémancourt ?
Oui,
bien sûr, mais chacun de mes personnages se nourrit de plusieurs
existences, réelles ou fictives, que je serai bien en peine
d’identifier… J’ai été fortement influencé par certaines
lectures (Pierre Shoendoerffer, Jean Hougron, Lucien Bodard) ainsi
que par des rencontres et des personnes de mon entourage mais je ne
peux par dire qu’un personnage soit la reproduction littéraire
d’une personne existante.
Denise
(l'infirmière asiatique) occupe un rôle pivot dans la pièce ?
Pourquoi une métisse de marocain et d'asiatique ? Marque-t-elle une
rupture dans le récit ?
Par
son métissage Denise est a cheval sur plusieurs cultures ; elle
n’a pas non plus une nationalité propre qui l’obligerait, dans
un premier temps, à choisir un camp plutôt qu’un autre… Aussi
apparaît-elle comme suspecte : on l’accuse de trahir tout le
monde et de n’être finalement fidèle à personne. Or ce qui guide
Denise, c’est l’amour : celui qu’elle éprouve d’emblée
pour Arnaud lui donnera le courage d’affronter la bêtise et la
cruauté de ses contemporains. Elle n’est pas le seul personnage
positif de cette histoire mais elle a une grande influence sur le
comportement et finalement des choix du personnage principal, Arnaud
de Brémancourt.
(Arnaud) et Aurélie Tasini (l’infirmière métissée) |
Avez-vous
lu les mémoires que nous ont laissé les infirmières ou les
médecins militaires ayant servi en Indochine ?
Oui,
bien sûr. Celui du docteur Gauwin J’étais médecin à Dien
Bien Phu m’a le plus impressionné.
Les
rapports entre Arnaud, Gilles et Denise sont fort complexes.
Ils
évoluent au cours du spectacle. Arnaud et Denise vont s’initier
mutuellement à l’amour mais Gilles change peu : il s’adapte
très facilement mais ne comprend pas grand-chose à ce qui se passe
autour de lui, sans doute parce qu’au fond, il ne s’intéresse
vraiment à rien – pas même à l’argent !
Pouvez-vous
nous présenter les différents comédiens de la pièce.
Il
y a Rosa Ruiz (Madame de Brémancourt, la mère d’Arnaud) et
Cyrille Labbé (qui joue le capitaine Letourneau, médecin militaire
dont nous n’avons pas parlé mais qui joue un rôle essentiel dans
cette histoire) avec qui j’ai déjà travaillé et trois comédiens
plus jeunes : (Arnaud), Nicolas Montanari (son
cousin Gilles) et Aurélie Tasini (l’infirmière métissée).
Madame
de Brémancourt (Rosa Ruiz) et son fils Arnaud
|
Un
dernier mot ?
Ce
spectacle devrait être repris à Levallois et à Paris à la fin de
cette année. J’espère que nous pourrons aussi le présenter en
province.
Pour
ceux qui n'auront pas le loisir de voir la pièce, son texte est
publié aux éditions L'Harmattan :
Benoît
Marbot, Journal d'un imbécile, théâtre des cinq continents, Paris,
L'Harmattan, 2013, 11,50€
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