Dans le passionnant ouvrage, paru en
1905, du docteur Legrand, médecin-major au 3e régiment de dragons,
L'Assistance féminine en temps de guerre, nous pouvons lire
avec stupéfaction "le courage physique, l'audace qui mènent à
la lutte ne sont pas l'apanage exclusif du sexe fort ; l'aptitude
belliqueuse de la femmes s'est révélée en maintes occasions, par
sa participation directe au combat ; elle se manifeste à l'état
rudimentaire, dans la parodie guerrière du crêpage du chignon et
peut s'épanouir, en tout son éclat, en poussant les initiatives
féminines aux héroïques entreprises." Si de nos jours pareils
propos peuvent nous paraitre banals, il n'en est rien pour l'époque.
Des termes qui montrent une large ouverture et une réelle liberté
de ton pour un militaire d'autant plus de la cavalerie, arme ô combien traditionnelle. Cependant Legrand affirme, par l'exemple, que
la "participation habituelle des femmes aux actes mêmes de la
bataille parait toutefois être demeurée spécifique aux peuples
dans l'enfance", ce que l'auteur qualifie de "période
héroïque du féminisme militaire", que Jeanne d'Arc, Jeanne
Hachette, les femmes soldats de la révolution et les quelques
combattantes de la guerre de 1870-1871 viendront clore. En effet,
l'auteur a raison, ces épopées féminines "ne cadrent plus
avec le sort réservé à la femme dans les sociétés constituées",
occidentales et bourgeoises du 19e siècle, à mesure que s'élèvent la pression
des idées morales et religieuses.
Coll. Pineau |
En ce début du 20e siècle
"l'assistance féminine en temps de guerre" est donc à
définir, d'autant plus que les sociétés de la Croix-Rouge
française se développent et que les cantinières connaissent leurs derniers jours. Des femmes armées ? Impensable. C'est, bien entendu, la
délicatesse et l'altruisme qui intéressent chez la femme : "la
femmes est entraînée vers les oeuvres d'assistance aux blessés
militaires par sa nature éprise d'enthousiasme et de dévouement.
Aller vers la souffrance dans le décor des fins de bataille,
dispenser la douceur après la violence des luttes : c'est réaliser
les rêves de son imagination et les aspirations de sa charité."
Les velléités guerrières de la femme moderne ont donc aux yeux de
Legrand une dimension imaginaire dans l'esprit de ces dernières à
laquelle il faut répondre par l'obtention d'un rôle charitable.
Car, "en effet, l'organisme féminin n'est pas adapté par la
nature aux secousses rudes et continues des luttes violentes".
C'est donc en s'appuyant sur des notions biologiques, physiques, que
Legrand met un terme à toute possibilité d'une participation
combattante des femmes en temps de guerre. Nous sommes donc loin du
choix des rois du Dahomey qui firent des femmes, les Agolledjes, le
corps d'élite de leur armée. Dotées d'uniformes, armées de
fusils, de machettes ou de casse-tête, enrégimentées, ces
dernières combattent d'ailleurs nos troupes coloniales lors des
campagnes du Dahomey de 1890 puis de 1892 à 1894, affrontant même
les hommes de la Légion dans de violents corps à corps. "Leur
vigueur, leur agilité et leur bravoure étonnèrent" les
militaires qui se trouvèrent face à elles.
Coll. Pineau |
Coll. Pineau |
La femme combattante en France est donc
un fait impensable, considéré comme une farce de mauvais gout à la
limite de l'érotisme voire de la pornographie. La presse comme la
carte postale n'y voient qu'un travestissement qui portera atteinte
aux bonnes moeurs. La guerrière a donc sa place dans la légende
antique (Walkyries, Amazones, déesses, etc.). Il est toujours plus
facile de magnifier le passé que de répondre au présent...
Terminons par ces quelques lignes empruntées au colonel Romain dans
Les Guerrières, paru en 1931 : "C'est dans l'imaginaire
qu'est l'enthousiasme, c'est dans le coeur qu'est le dévouement. Les
femmes sont donc plus naturellement héroïques que les héros. Et,
quand cet héroïsme doit aller jusqu'au merveilleux, c'est d'une
femme qu'il faut attendre le miracle. Les hommes s'arrêteraient à
la vertu." Des propos à méditer ?
Frédéric Pineau
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire