Dans
l’introduction, l’auteur répond à une question essentielle :
« Quelles furent les motivations de ces femmes ? La
misère le plus souvent, le goût de l’aventure parfois, la
vengeance dans certains cas, ou simplement l’envie d’échapper à
un destin tout tracé qui ne convenait pas à leur tempérament ».
D’autre
part, elle avance le cas d’« Anne Chamberlyne, fille
unique d’un homme de loi londonien, qu’aucune nécessité sociale
ou économique n’a poussée à suivre son frère pour participer à
la bataille de Beachy Head contre les Français en 1690. Six heures
de bataille navale dont elle sortit indemne… pour mourir en couches
l’année suivante ».
Sont
présentées dans cet ouvrage: Fu Hao, Mathilde de Toscane, Florine
de Bourgogne et sœur Marguerite deux héroïnes des croisades, María
de Estrada et les conquistadoras de Cortés,
Philippine-Christine de Lalaing, Catalina de Erauso, Hannah Snell,
Thérèse Figueur et Nadejda Dourova.
Fu
Hao (妇好)
fut
l’une des épouses officielles de Wu Ding, le vingt-deuxième roi
de la dynastie Shang ; leur tombe a été retrouvée dans la
région d’Anyang au nord de la province du Henan traversée par le
Fleuve jaune. Elle vécut vers 1250-1200 avant notre ère ; elle
devint grande prêtresse et commandant en chef des armées. A ce
titre, elle mena les troupes Shang à la victoire dans la campagne
contre les tribus barbares environnantes. Ajoutons que Mulan (Huā
mùlán 花木蘭
en
chinois) dite la "Jeanne
d’Arc chinoise" est par contre le fruit d’une création
littéraire. La
première version de cette légende date de la période de 420 à
589, dite des dynasties du Nord et du Sud, elle fut popularisée par
Xu Wei sous la dynastie des Ming au XVIe siècle, sous une forme
théâtrale.
Mathilde
de Toscane est, par sa mère, la petite-fille de Frédéric III,
comte de Bar et duc de Haute-Lotharingie (espace qui allait devenir
la Lorraine). L’empereur Henri III se rend en Toscane et emmène
Mathilde et sa mère Béatrice de Bar avec lui en Allemagne où elles
restent retenues à la cour impériale durant une année, n’étant
libérées que par le fait que Henri III meurt en 1056. Mathilde
épouse Godefroid III de Basse-Lotharingie ou Godefroid III
d'Ardenne ; dans la Querelle des investitures, elle prend le
parti des papes et accueille Grégoire VII dans son château de
Canossa où l’empereur Henri IV va faire amende honorable en 1077.
Toutefois dans les années 1080, le conflit devient armé entre les
partisans du pape et ceux de l’empereur, aussi Mathilde
devient-elle stratège militaire. Notons que Mathilde « est
en effet la fondatrice de l’abbaye d’Orval, située dans
l’actuelle province belge du Luxembourg, où se brasse la célèbre
trappiste qui fait aujourd’hui la renommée du monastère ».
Florine
de Bourgogne est
la fille d'Eudes I de Bourgogne et Sybille de Bourgogne, née en
1083, elle meurt en 1097, sans avoir tiré l’épée, tuée par les
Turcs en Cappadoce, avec plus de mille guerriers danois dont son
époux Sven
le Croisé. Parmi les héroïnes
des croisades, on relève le nom
d’Ida de Cham, la margravine d’Autriche ; veuve de Léopold
II d’Autriche, elle est présente, avec Guillaume IX
d’Aquitaine (grand-père d’Aliénor), Hugues de Vermandois et
Welf Ier de Bavière au tout début du XIIe siècle lorsqu’une
des armées croisées est décimée à Ereğli par les Seldjoukides.
Aliénor d’Aquitaine et Louis VII, son premier époux, roi de
France sont présents à la seconde Croisade.
« Nicétas Choniatès signale la présence dans l’armée de
Conrad III de Hohenstaufen, empereur du Saint Empire romain
germanique, d’un bataillon féminin composé de cavalières armées
de javelots et de haches. Il est commandé par une femme à la
rutilante parure, surnommée "la
dame aux jambes d’or" ».
Nous avons la trace de véritables combattantes chez des chroniqueurs
musulmans (et marginalement par l’archéologie), mais la seule dont
on connaisse le nom et la vie aventureuse est la sœur Marguerite. La
concernant des vers ont été rédigés après qu'elle eut été
convaincue d’intégrer le monastère de Montreuil-sous-Laon. En
1301 des dames génoises se sont portées volontaires pour aller
reconquérir la Terre sainte, vidée de toute présence latine depuis
dix ans ; elles se sont faites fabriquées des cuirasses
adaptées pour cela, mais celles-ci n’ont jamais servi.
Le
5 octobre 1581, le siège de Tournai commence. Les habitants de
la cité sont passés majoritairement à la Réforme accueillant des
protestants wallons sujets à persécutions. Philippine-Christine de
Lalaing, en l’absence de son mari gouverneur de la ville, va
défendre Tournai face aux Espagnols commandés par Alexandre
Farnèse.
Autre
figure, celle de Catalina de Erauso qui connaît une vie aventureuse
dans les colonies espagnoles d’Amérique au début du XVIIe siècle,
tuant notamment en duel un nombre non négligeable de personnes.
On
poursuit avec Hannah Snell : « Le 27 novembre
1745, désormais sans revenus, sans époux et sans enfant, Hannah
Snell, âgée de 22 ans, emprunte un costume à son beau-frère et,
s’attribuant également son identité, se rend à Coventry pour
s’engager dans le 6e régiment d’infanterie de Warwick (le
célèbre « Sixth » du colonel John Guise) sous le nom de
James Gray ».
Passons
à Thérèse Figueur qui n’est autre que la véritable Madame
Sans-Gêne. Elle n’a pourtant rien à voir avec la truculente
Maréchale Lefebvre, que Victorien Sardou a choisi, au mépris de
l’Histoire, de populariser dans une pièce. La nôtre est une
Bourguignonne née le 17 janvier 1774 à Talmay et morte le 4 janvier
1861, à l’hospice des Petits-Ménages dans le 7e arrondissement de
Paris. Officiellement cantinière, elle combat à plusieurs occasions
dans les guerres de la Révolution et de l’Empire.
Plus
à l'est, Nadejda Dourova est la première femme officier de
cavalerie russe. En 1807, alors qu’elle est âgée de vingt-quatre
ans, elle s'habille en garçon et, sous le pseudonyme d'Alexandre
Sokolov, combat les armées napoléoniennes jusqu’à la fin 1812.
Nous parcourons agréablement ces récits hauts en couleurs, qu'un carnet central accompagne d'illustrations peu connues, variées et bien choisies.
STENUIT
(Marie-Ève), Femmes en armes : les guerrières de l’histoire,
éditions du Trésor, 2019, 187 pages
Alain
CHIRON
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire