Paru aux éditions
Jourdan, basées en Belgique et en France, ce livre a l'intelligence
d'évoluer sur trois voies : la Belgique en guerre, pour l'aspect
historique et chronologique ; l'hôpital de l'Océan, pour le coeur
de l'ouvrage ; l'évolution de la médecine de guerre pour l'aspect
scientifique et technique. Mais l'hôpital de l'Océan c'est avant
tout son brillant et visionnaire fondateur, Antoine Depage, qui
permit de faire progresser la médecine de guerre, non seulement
belge mais aussi internationale pendant ces années douloureuses.
« Elève turbulent et peu appliqué » dans ses
jeunes années, il connait une carrière fulgurante quelques années
après son entrée en faculté de médecine en 1880. Boulimique, tout
l'intéresse « de la neurochirurgie à la chirurgie
viscérale ou orthopédique, imaginant sans cesse des approches
thérapeutiques originales et nouveaux modes opératoires. »
Attentif aux travaux de Florence Nightingale, il comprend aussi
le manque de formation professionnelle des infirmières et le besoin
de créer une formation appropriée en Belgique. Pour cela il fait
appel à Edith Cavell qui prend la tête en 1907 de la première
école d'infirmières belges.
Lorsque l'Allemagne
envahit la Belgique à l'été 1914, le service sanitaire de l'armée
et la Croix-Rouge belge sont dans un état d'impréparation
qu'Antoine Depage pressentait depuis un an déjà. Le 3 août 1914,
l'inspecteur général du service de santé, le général Mélis,
fait appel à plusieurs médecins, pour compléter les effectis du
service de santé, parmi lesquels se trouve Antoine Depage, dont la
renommée n'est plus à faire. Il se voit confier par la reine
Elisabeth toute l'organisation de la Croix-Rouge belge. L'avancée du
front entraine la perte de la presque totalité du territoire
métropolitain belge. Antoine Depage quitte clandestinement la zone
occupée, à la demande des autorités belges repliées, pour se
rendre dans le dernier réduit belge sur l'Yser. C'est là que
commencera la saga tout à la fois terrible et merveilleuse de
l'Ambulance de l'Océan à La Panne. Le 21 décembre 1914, après de
longs travaux, beaucoup de diplomatie et d'imagination, tout est
prêt. La mise en place est à elle seule tout une histoire. On
apprend ainsi que le magasin Harrods de Londres se sépare volontiers
d'un stock de chauffage central, qui à l'origine était destiné à
un château écossais, pour l'hôpital de l'Océan installé dans un
hôtel du bord de mer. Le personnel belge en sous effectif est
complété d'étrangers et d'étrangères dont des ambulancières du
FANY (First Aid Nursing Yeomanry).
Tout au long de ce
magnifique récit nous croisons une incroyable galerie « de
personnages hors du commun et de héros pleins de panache »
qui d'une manière ou d'une autre ont croisé la saga de l'Océan :
Alexis Carrel, Alexander Fleming, Marie Curie, Emile Verhaeren, Edith
Cavell, Marie Picard-Depage, le roi et la reine des Belges, etc.
Les pages de ce livre
sont aussi l'occasion de découvrir et de comprendre, pour un
béotien, ce que signifie le vocable chirurgie de guerre, sa pratique
et son évolution pendant la guerre, et l'apport d'importance
d'Antoine Depage dans ce domaine. Des milliers de vies sauvées grâce
à lui.
Que dire de plus. Hôpital
de l'Océan, La Panne 1914-1919, est un morceau d'histoire qui se lit comme un
roman. Merveilleusement mené par un auteur, Raymond Reding, à la
plume alerte, limpide et aux qualités d'écriture certaines, ce
livre est à lire pour comprendre la place de la Belgique dans la
guerre ; appréhender l'effort médical belge et découvrir cette
figure, si peu connue des français, qu'est Antoine Depage et les personnalités dont il sut s'entourer.
REDING (Raymond),
Hôpital de l'Océan, La Panne 1914-1919, Bruxelles, 240 p. 18,90 €
Frédéric Pineau
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