La
participation de la Roumanie à la première guerre mondiale a
longtemps été occultée dans les ouvrages francophones.
Le
livre de Mariana Cojan Negulescu nous éclaire sur une facette de
l'effort de guerre roumain, dans une édition
bilingue français-roumain, la vie d’Ecaterina Teodoroiu. C'est
une jeune femme née en Valachie en janvier 1894 et décédée à
l’âge de vingt trois ans seulement près de la rivière Ṣușita,
affluent du Siret qui se jette dans la toute dernière partie du
Danube.

Ecaterina
Teodoroiu est un personnage de légende que les divers régimes
roumains mirent, plus ou moins, sur un piédestal, quitte à en
gommer une partie de sa personnalité, comme sa foi chrétienne ou
ses liens avec la famille royale sous Nicolas Ceausescu. Elle
fait partie, aux côtés, par exemple, de la Russe Maria
Botchkareva (dont le nom de guerre est Yashka), de Fatima au sein des
spahis marocains, de l’Anglaise Flora Sandes officier sur le front
serbe ou de Milunka Savić sergent-major de
l'armée serbe, de ces dizaines de femmes qui prirent les armes
durant la première guerre mondiale. C'est ce qu'explique, l’auteur,
Mariana Cojan Negulescu. Outre ces femmes de la Grande guerre, elle
nous présente Marie Flour, alias Catherine de Poix, que dévoila
l'historien Jules Michelet (1798-1874) en son temps. Cette dernière
défendit Péronne en 1536 contre les armées d’un autre empereur
germanique que Guillaume II, à savoir Charles-Quint.
Quoique
fille de paysan, Ecaterina Teodoroiu
est scolarisée au niveau secondaire à dans un lycée de Bucarest
et suit une formation d’institutrice, après son passage dans une
école primaire germano-roumaine.
À
l’été 1914, la Roumanie comme l’Italie a un accord de défense
avec l’Autriche-Hongrie, toutefois ces deux pays restent neutres en
évoquant le fait que ce sont les deux pays germaniques qui ont
enclenché le conflit. L’Italie et la Roumanie, entrent en guerre
respectivement en mai 1915 et au cours de l’été 1916, ceci parce
que l’Autriche-Hongrie refuse toute concession territoriale
permettant à ces deux pays de retrouver des populations qui sont
leurs. Guillaume II est obligée d’envoyer de nombreuses troupes
allemandes afin de contenir les Roumains dans les Carpates, faute de
réaction suffisante de la part de la double-monarchie. Le général
français Berthelot, avec nombre d’officiers, sous-officiers et
soldats tricolores, est présent aux côtés de ces derniers.
Infirmière
au début du conflit, Ecaterina Teodoroiu apprend
en octobre 1916 la mort de l'un de ses frères, elle demande alors à
servir comme soldat. Ce qu'on lui accorde. Elle sauve, en novembre
1916, une partie de son unité grâce à sa parfaite maîtrise de la
langue allemande, en déclarant faussement que ses camarades allaient
se rendre (page 201). Dans d’autres occasions, elle galvanise ses
compagnons qui sont entraînés avec elle dans une terrible retraite.
Devenue éclaireuse dans l’armée, elle n’en demeure pas moins
infirmière face à des hommes qui décédent autant du typhus que
des armes. Finalement, elle participe à la
bataille de la Mărășești où
elle meurt en septembre 1917 alors qu’elle commande un peloton
d'infanterie.
Pour
résumer, dans son ouvrage, Mariana
Cojan Negulescu nous conte les années de guerre de la Roumanie
au travers de la vie de Ecaterina Teodoroiu. Instrumentalisée ou
temporairement mise de côté par tous les régimes qui suivirent la
fin de la première guerre mondiale, l'héroïne connut des périodes
de plein éclairage qui alternèrent avec des moments de franc
brouillard.
Alain
Chiron
Maria
Cojan Negulescu, Ecaterina Teodoroiu
: la Jeanne d'Arc de Roumanie, Princeps
diffusion L’Harmattan, 2019, 352
pages