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Dessin tiré de Les Trouffions à la casserole, 1953 |
Françaises sous l'uniforme est un site consacré presque exclusivement aux Françaises en guerre ou dans la défense nationale, du second empire jusqu'à la 5e république. Notre ambition ? Vous faire découvrir des livres et des expositions sur ce sujet ; mais aussi partager nos savoirs avec vous. Originalité ou non, de temps à autre, nous invitons un pays pour nous donner un plus large horizon. Pour ne rien vous cacher, nous espérons vivement que vous contribuerez à la vie du blog.
jeudi 27 février 2014
mercredi 19 février 2014
Mode : LES VOLONTAIRES SORTENT LEURS GRIFFES (mots-clés : seconde guerre mondiale, conductrices, ambulancières, mode, griffes)
Au cours de la seconde
guerre mondiale, il y eut en France deux types d'engagements féminins
sous l'uniforme, ceux de la drôle de guerre et ceux qui eurent
lieu de 1942 à 1945. La première période est marquée par
l'engagement de femmes issues généralement de milieux aisés,
désireuses de servir, se portant volontaires pour des organisations
privées ; la seconde période est plus marquée par un volontariat
voulu par l'Etat pour servir directement dans les rangs de l'armée.
C'est sur la première période que nous allons brièvement nous
appesantir. En effet, les conductrices et conductrices-ambulancières
s'engageant dans des associations comme les Sections sanitaires
automobiles féminines (SSA) ou le Comité américain de secours
civil (CASC) eurent recours aux tailleurs civils pour s'équiper,
comme le font les officiers de l'armée. A contrario, les volontaires
féminines d'après 1942 seront généralement équipées par
l'intendance militaire.
Mais revenons à 1939, à
cette date la fondatrice des SSA, Edmée Nicolle, choisit Paulette
(1900-1984), une modiste parisienne qui exerce jusqu'à sa mort
en 1984, pour la création des chapeaux en feutre bleu ou marron de
ses conductrices. L'uniforme, quant à lui a été dessiné par la
créatrice de mode Maggy Rouff (1896-1971). Les plus riches
des conductrices firent réaliser leur tenue chez le
tailleur-chemisier Lanvin situé au 15 faubourg Saint-Honoré
à Paris. Le prix du tailleur est de 2 800 francs et celui du manteau
de 3 600 francs dans leur seule version kaki, car il existe aussi une
tenue bleue pour les cérémonies. Son prix prohibitif fait dire à
une conductrice : "l'uniforme ? Mon dieu ! quel vestiaire !
un peu cher (...). C'est un régiment de luxe !" ( Gisèle
d'Assailly, SSA, Paris, René Julliard, 1943). "Cependant
l'attrait de l'uniforme est aussi un excellent élément de
recrutement, même pour les revenus moyens. Bientôt, on se presse au
siège de l'association. Pour preuve, certaines conductrices de
formations automobiles concurrentes délaissent leur association afin
de pouvoir porter l'uniforme kaki de la SSA." (Frédéric
Pineau, Les Françaises sous l'uniforme, Paris, H&C, 2006) Pour
celles dont les moyens sont plus modestes, il est aussi possible
d'avoir recours au tailleur parisien Ammanit situé dans le
15e arrondissement qui propose des prix bien moins élevés :
- 1250 francs le manteau
kaki ;
- 900 francs pour le
tailleur kaki ;
- 1150 francs pour le
manteau bleu ;
- 850 francs pour le
tailleur bleu.
Marguaret Hughes d'une
autre formation automobile féminine, le Comité américain de
secours civil, raconte qu'on lui avait donné l'adresse d'un
tailleur bon marché "car quelques jeunes filles de notre
groupe disposent d'un budget très réduit." Elle poursuit "
Les petits tailleurs en temps normal en France sont splendides, mais
notre tailleur se trouve dans un tel état d'énervement, en face
d'une énorme commande d'uniformes pour dames, qu'il tombe presque en
morceaux et que ses uniformes en font autant. (...) Mais comme j'ai
l'air féminin, habillée par monsieur Stark je
parais toute en rondeurs à tel point que j'ai honte de me montrer en
public. Tout n'a pas été cousu de la meilleure manière et après
avoir porté l'uniforme seulement vingt-quatre heures, une manche
s'est détachée, la fermeture éclair de la jupe refuse de fermer et
une poche pend. J'ai finalement été chez Creed
commander un uniforme impeccable : j'aurai peut-être l'air d'un
chasseur d'hôtel, mais je n'aurai pas en tout cas les allures d'une
"girl" pour pièces burlesques." Enfin, c'est chez
Lanvin-sport que Marguaret Hughes se rend pour ses chemises kaki
réalisées sur mesure.
De la drôle de guerre
jusqu'à la défaite de juin 1940, les conductrices montrèrent leurs griffes avec panache. Un usage bien original et méconnu de la haute couture. Ces quelques exemples nous ont permis de croiser de grands noms, et de moins grands, du milieu parisien de la couture. Nous aurions pu aussi évoquer Elsa Schiaparelli et quelques autres prestigieux noms que nous avons croisés au cours de nos lectures, mais le blog nous pousse à faire volontairement court.
Frédéric Pineau
Frédéric Pineau
dimanche 2 février 2014
Sortie livre : FREDERIC PINEAU LA CROIX-ROUGE FRANÇAISE 150 ANS D'HISTOIRE ( Mots-clés : CRF, Croix-Rouge française, infirmière, première guerre mondiale, deuxième guerre mondiale)
La Croix-Rouge française, 150 ans d'histoire sortira le 12 mars 2014, pour l'anniversaire de la naissance de la Croix-Rouge française en 1864.
Editions Autrement
Editions Autrement
jeudi 16 janvier 2014
Exposition du 28 NOVEMBRE 2013 AU 13 AVRIL 2014 : POUR VOUS MESDAMES, LA MODE EN TEMPS DE GUERRE, 1939-1944 (Centre d'histoire de la résistance et de la déportation de Lyon)
Durant
la Drôle de guerre, la mode féminine fit preuve d'une incroyable
imagination : combinaisons d'abri, foulards imprimés reprenant les
sujets d'actualité (les alliés britannique et polonais, les abris,
le masque à gaz, le rationnement, etc.), broches aux sujets
militaires, etc. Les magazines de mode donnèrent des conseils pour
confectionner des housses pour rendre les masques à gaz moins ternes
et les transformer en de délicieux petits sacs à main accompagnant
d'un même tissu robe et manteau... L'élégance allant jusqu'à
conseiller sur la façon de porter cet encombrant objet du quotidien.
Des grands noms de la haute couture à la simple ménagère, chacun
apporte sa pierre à l'édifice.
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(©
Yannick Bailly)
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La
défaite de juin 1940 et les pénuries n'auront raison de la mode.
Avec peu, parfois avec rien, la mode s'imposera comme l'une des plus
habile et imaginative de ce siècle. Les hideuses chaussures à
semelles de bois se métamorphoseront en de charmants objets
rivalisant d'inventivité, les vieux tissus sortiront des placards et
trouveront une jeunesse renouvelée. La rareté des bas imposera
l'incroyable trait sur la jambe imitant la couture du bas. Les
cheveux trouveront toujours plus de hauteur.
La
mode de guerre, de l'occupation à la Libération, prouve la capacité
de survie de tout un chacun en période de crise, survie passant
parfois par le paraître, l'élégance et la débrouillardise.
"Pour
vous mesdames, la mode en temps de guerre" reflète à
merveille cette envie de vivre, d'une certaine façon de rejeter le
défaitisme par la mode, en restant soi-même. Robes, accessoires,
journaux, photographies en témoignent et en disent long sur cette
créativité de bouts de rien. A noter parmi les centaines d'objets
présentés la présence de vêtements ou de photos tirés de films
ou de séries télévisuelles comme le Vieux fusil ou Un Village
français.
A
l'origine de cette exposition la visite de l'exposition "Accessoires
et objets, témoignages de vies de femmes à Paris, 1940-1944"
présentée en 2009 au musée du général Leclerc et de la
libération de Paris / musée Jean Moulin de la Ville de Paris. Pour
le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de
Lyon il ne s'agissait de reprendre ce qui avait été fait à Paris,
mais bien de présenter la mode féminine lyonnaise pendant la
guerre. Pour ce faire, un partenariat fructueux a été mis en place
avec le Palais Galliera et le musée Jean Moulin.
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Robe
de jour, 1943-1944, taffetas de rayonne vert et crêpe de rayonne
blanc imprimé de fleurs polychromes. (© Pierre Verrier,
Palais Galliera, Paris)
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(© Pierre Verrier, Palais Galliera, Paris) |
Des particuliers
enthousiastes, le musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon,
le musée International de la Chaussure de Romans-sur-Isère,
l’Atelier-Musée du chapeau à Chazelles-sur-Lyon, les anciennes
Soieries Bonnet de Jujurieux ont contribué à la réalisation du
projet, soit par des prêts, soit par leurs conseils.
La
catalogue de l'exposition rend "compte
de l’énergie déployée par toutes les femmes pour continuer à se
vêtir avec élégance, malgré les restrictions et les difficultés.
Il dresse aussi, en filigrane, l’image sociale de la femme et son
évolution dans cette période si particulière."
Bénéficiant des contributions d’historiens et d’historiens de
la mode, fort d’une iconographie inédite il révèle de belles
pièces tirées des collections publiques françaises.
EXPOSITION
DU 28 NOVEMBRE 2013 AU 13 AVRIL 2014
Catalogue
de l'exposition
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Catalogue de l'exposition. |
Sous
la direction d’Isabelle Doré-Rivé, directrice du CHRD, avec la
participation exceptionnelle du Palais Galliera, musée de la Mode de
la Ville de Paris.
Editions
Libel,
96 pages, 16 euros.
Merci à mesdames Dorothée Cipri et Lucie Cazassus sans qui nous n'aurions pu présenter l'exposition.
vendredi 10 janvier 2014
Parole à : Pauline Brunet de l'association d'histoire vivante LES FILLES DE LA DB (Mots-clés : seconde guerre mondiale, Marinettes, Rochambelles, conductrices, ambulancières)
Nous présentons dans ce dernier post
un phénomène connu par le passé sous le vocable de reconstitution
et qui aujourd'hui a pris celui d'histoire vivante. Majoritairement
masculine cette mouvance c'est féminisée depuis une dizaine
d'années. Nous avons tenu a donner la parole à l'association, la
plus sérieuse et la plus représentative, Les Filles de la DB
qui, mieux que nous, présenteront l'histoire vivante au féminin
vécue de l'intérieur, son évolution et ses perspectives. La parole
est à vous Pauline Brunet...
69e
Anniversaire de la Libération de Paris, août 2013. (photo Les
Filles de la DB)
|
Bonjour Pauline Brunet, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer ce qu'est l'histoire vivante ?
L’histoire
vivante est une activité qui vise à représenter une période
historique choisie et ainsi se rapprocher de la réalité. Cela passe
donc par les uniformes, le matériel, les véhicules…
Cette
activité, qui se révèle vite devenir une passion, permet, lorsque
cela est fait devant un public, de donner vie à ce que nous avons pu
lire ou ce que nous connaissons d’une période par exemple.
L’histoire vivante permet de faire un « voyage dans le
passé » en quelque sorte !
Pourquoi
cet intérêt ?
Les
intérêts pour cette activité sont divers. Il s’agit d’abord
d’un choix personnel qui se construit grâce au milieu familial (un
membre de la famille est dans le milieu, un grand-père a fait la
guerre…).
L’amour pour l’Histoire est aussi un facteur clé. En souhaitant faire perdurer ces périodes, on participe au "devoir de mémoire". En effet, la plupart des reconstituants souhaitent rendre hommage aux Anciens combattants ou juste comprendre comment les Français vivaient à telle époque.
L’amour pour l’Histoire est aussi un facteur clé. En souhaitant faire perdurer ces périodes, on participe au "devoir de mémoire". En effet, la plupart des reconstituants souhaitent rendre hommage aux Anciens combattants ou juste comprendre comment les Français vivaient à telle époque.
Un
des intérêts qui me pousse à faire de l’histoire vivante reste
toute la partie « recherche ». Selon moi, il est
nécessaire pour bien représenter quelque chose de faire des
recherches, chiner … Tout cela dans l’optique de restituer un
savoir de qualité auprès du public lors des manifestations.
Un
autre élément important selon moi réside dans le melting-pot que
l’histoire vivante créé. En effet, cela rassemble des personnes
de tous les horizons : étudiants, chefs d’entreprises,
intermittents du spectacle, des jeunes, des moins jeunes…
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Camp
organisé pour l’inauguration d’une borne 2e DB à
Cossé-en-Champagne, septembre 2013. (photo Les Filles de la DB)
|
Peut-on
dire qu'il existe une histoire vivante au féminin ?
Les
femmes ont toujours plus ou moins été présentes lors des
manifestations. Malheureusement, un trop grand nombre ne faisait
qu’accompagner un mari ou un ami et il n’y avait aucune recherche
en amont. Quelques questions techniques et on pouvait facilement se
rendre compte que la personne ne maîtrisait pas son sujet !
De
rares groupes (comme Casques
& Rouges-à-lèvres,
spécialisé dans la reconstitution d’un hôpital de campagne
américain pendant la seconde guerre mondiale) ont bataillé contre
cette tendance…
Est-elle
différente de celle vécue au masculin ? Comment réagit le public ?
Je
ne crois pas que cela soit véritablement différent de la
reconstitution historique masculine : sur le fond, nous avons
tous la même passion pour la période que nous représentons.
Ce
n’est que la forme qui change. Les femmes vont bien évidemment
s’intéresser en premier aux unités féminines dans l’armée, au
médical, à la vie civile, la mode, les coiffures, le maquillage
plutôt qu’aux différents modèles de fusils mitrailleurs par
exemple ! Mais ne soyons pas trop généralistes, il existe
évidement des femmes qui s’intéressent à la mécanique (dont je
fais partie !), aux armes…
Sur
les camps, il est évident que la présence de femmes change tout de
suite l’atmosphère : elle devient soudainement moins
« grivoise » ! Il est également intéressant de
remarquer qu’étant peu nombreuses, nous devenons instinctivement
le centre de toutes les petites attentions. Comme à l’époque en
quelque sorte !
Quant
à l’accueil du public, il est toujours très favorable et cela est
très encourageant. Les gens sont toujours très curieux de voir des
femmes sur les camps et n’hésitent pas à poser de nombreuses
questions. De plus, la mode et le style des années 40 sont tellement
caractéristiques et dégagent un charme qui parle encore de nos
jours.
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Photo prise lors d'une sortie de préparation à la Libération de Paris, juillet 2013. (photo les filles de la DB) |
Je
crois que vous constituez maintenant une association, quel est votre
objectif ?
Les
Filles de la DB
est à l’origine un site internet consacré aux ambulancières de
la 2e
division blindée du général Leclerc et j’ai effectivement décidé
de créer l’association Les
Filles de la DB
(loi de 1901).
Pour
l’instant, nous sommes 8 avec un véhicule (mon Dodge WC54 restauré
et aux couleurs des Rochambelles).
L’objectif
principal est de regrouper les femmes animées par la même passion
pour ces ambulancières afin de participer à des sorties ensemble,
échanger des informations, organiser des cérémonies d’hommages…
Les
hommes seront également les bienvenus mais ses membres devront
représenter le 13e
bataillon médical de la 2e DB, encore trop méconnu selon moi.
Quelle
est l'activité d'une année ?
Les
activités sont variées : nous participons à des
manifestations multi-époques comme Sully-sur-Loire. C’est une
occasion de rencontrer d’autres groupes de différentes époques et
de faire découvrir notre période. Cela sera une première pour le
groupe !
En général, nous participons également à des sorties entièrement dédiées à la seconde guerre mondiale ou encore à des inaugurations de bornes, monuments toujours en lien avec la 2e DB.
L’année 2014 risque d’être riche en sorties puisqu’il s’agit du 70e anniversaire de la Libération.
En général, nous participons également à des sorties entièrement dédiées à la seconde guerre mondiale ou encore à des inaugurations de bornes, monuments toujours en lien avec la 2e DB.
L’année 2014 risque d’être riche en sorties puisqu’il s’agit du 70e anniversaire de la Libération.
D’ailleurs,
je participe à l’élaboration du 70e
anniversaire de la Libération de Paris qui aura lieu sur plusieurs
jours, où les Rochambelles, et pour la première fois, les
Marinettes seront représentées.
L'histoire
vivante au féminin, une histoire récente ? Etes-vous la seule
association en France ?
L’histoire
vivante au féminin est une histoire plus ou moins récente. Si l’on
considère cela comme la simple présence de femmes lors de
manifestations, alors non. Mais si cela signifie faire un véritable
travail de recherches afin de maîtriser le sujet que l’on souhaite
représenter, alors je pense que c’est un peu plus récent. Les
Filles de la DB
est la première association (loi 1901) consacrée aux Françaises,
en France du moins.
(photo Les Filles de la DB) |
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(Photo Les Filles de la DB) |
Avez-vous
des liens avec des associations soeurs comme celles qui se
rencontrent au Royaume-Uni, en Suisse ou aux Etats-Unis d'Amérique ?
La
reconstitution est bien plus développée aux Etats-Unis ou encore au
Royaume-Uni. Les groupes de reconstituions entièrement constitués
de femmes y sont plus nombreux. Je suis d’ailleurs en contact avec
des Anglaises qui représentent les ambulancières du Groupe
Rochambeau et qui viennent souvent en France lors des cérémonies du
6
juin,
en Normandie !
Un
très bon site internet Blitzkrieg
Baby
permet de se rendre compte des différentes associations féminines
partout dans le monde !
Vous
faites preuve de beaucoup de rigueur dans vos reconstitutions, ce qui
n'est malheureusement pas le cas de beaucoup de femmes liées à
l'histoire vivante.
La
rigueur est selon moi l’un des éléments clés dans la
reconstitution. J’ai commencé à faire des recherches dès l’âge
de 13 ans avant de me lancer véritablement dans la reconstitution
historique à proprement parlé. Je souhaitais « connaitre »
ses femmes, leur histoire, leurs uniformes, le matériel utilisé
avant d’être confrontée au public et aux spécialistes.
Je
trouve cela beaucoup plus intéressant et motivant.
Quoi
de plus gratifiant que d’apprendre au public que oui, il y avait
bien des femmes et Françaises, en première ligne !
(photo Les Filles de la DB) |
Pourquoi
ce choix des Rochambelles et des Marinettes ?
Depuis
toute petite, je suis au contact
de
la seconde guerre mondiale par l’intermédiaire de films, livres,
ou encore mes nombreuses vacances en Normandie. En effet, mon père
est passionné par cette période et plus particulièrement de la
division du général Leclerc. Au cours d’une de ses lectures, il
m’a fait part de la présence de femmes au sein de cette division :
il s’agissait des « Marinettes ». La présence de ces
femmes attisa ma curiosité. Leur petit nombre (9 seulement) donnait
un côté plus « humain » ; il me semblait plus
facile de savoir qui elles étaient, pourquoi elles s’étaient
engagées et quand…
J’ai
donc mené des recherches sur internet mais sans grand résultat.
C’est ainsi que j’ai décidé de m’y intéresser de plus près.
De fil en aiguille, j’ai glané des informations et j’ai eu la
chance de rencontrer des "anciennes". C’est ainsi qu’en
2005, j’ai voulu partager mes recherches pour que ces femmes
obtiennent enfin toute la reconnaissance qu’elles méritent mais
également pour aider les personnes qui, comme moi, cherchaient des
informations : le site Les Filles de la DB était né.
Nous remercions vivement Pauline Brunet et les membres de l'association Les Fille de la DB d'avoir répondu à nos questions.
jeudi 9 janvier 2014
Parole à : BENOÎT MARBOT pour sa pièce JOURNAL D'UN IMBECILE (Mots-clés : Indochine, décolonisation, infirmière, théâtre)
La
pièce de théâtre "Journal d'un imbécile", de Benoît
Marbot, est le parcours que connurent bien de jeunes gens nés avant
1930. La drôle de guerre, la guerre à laquelle ils ne peuvent
participer puis l'exode imprévu, subi. L'occupation, la résistance
pour les uns, le marché noir pour d'autres, parfois la collaboration
avec l'ennemi. La Libération, l'appel du large et l'engagement pour
des années d'Indochine. L'horreur, les attentats, la maladie, le
rapatriement, les blessures, les meurtrissures, l'amour avoué ou
contrarié.
Un
texte merveilleusement mené qui se lit avec autant de plaisir que
d'allégresse, des personnages plus vrai que nature. Des dialogues
savoureux qui campent parfaitement les milieux sociaux, leurs a
priori, leurs capacités de survie en s'adaptant sans cesse au
changement, sans changer comme Giuseppe Tomasi di Lampedusa le fixait
dans son prophétique ouvrage Le Guépard. Si nous avons souhaité
présenter cette pièce c'est, outre le fait que nous soyons tombés
sous le charme d'un réalisme intemporel, en partie parce que l'un
des personnages est une jeune métisse asiatique infirmière dans un
hôpital militaire d'Indochine.
Aurélie Tasini (l’infirmière métissée) et (Arnaud) |
Bonjour
Benoît Marbot, pouvez-vous vous présenter, pour ceux qui ne vous
connaissent pas encore ?
Je
suis né en 1961 à Paris. Enfant, je voulais être à la fois
écrivain et militaire : je suis devenu enfant de troupe, j’ai
fait du théâtre au lycée puis à l’université (j’ai dirigé
la troupe du Centre culturel de l’Université de Nanterre à
l’époque où il y en avait un) et je suis parti deux ans au Japon
dans le cadre de la Coopération animer le groupe théâtral de
l’Institut franco-japonais du Kyushu. De retour en France, j’ai
créé ma propre compagnie qui, subventionnée par la Ville de
Courbevoie et le Conseil Général des Hauts-de-Seine, mène une
double activité d’action en milieu scolaire et de création
contemporaine. J’ai écrit, monté et fait publier une vingtaine de
pièces.
Quand
le Journal d'un imbécile a-t-il été créé ?
Le
Journal d’un imbécile a été créé le 12 décembre
2013 au Théâtre du Petit-Parmentier de Neuilly-sur-Seine et sera
repris au centre Culturel de Courbevoie le 21 mars 2014.
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(Arnaud) et Cyrille Labbé (le capitaine Letourneau, médecin militaire) |
Avec
cette pièce vous avez renoué avec d'autres ayant pour thème les
guerres de décolonisation ? Un sujet de réflexion chez vous ?
J’ai
écrit en effet plusieurs pièces qui abordent ou traitent le thème
de la décolonisation. Je ne saurais pas vous dire exactement
pourquoi. Comme souvent ceux qui ont beaucoup vécu à l’étranger
et qui digèrent mal l’éducation qu’ils ont reçue, j’entretiens
des rapports difficiles avec mon pays natal. Le thème de la
colonisation me permet peut-être de parler de la France dans ce
qu’elle a de pire et de meilleur…
Vous
êtes-vous inspiré de personnages réels pour Arnaud, Gilles et
madame de Brémancourt ?
Oui,
bien sûr, mais chacun de mes personnages se nourrit de plusieurs
existences, réelles ou fictives, que je serai bien en peine
d’identifier… J’ai été fortement influencé par certaines
lectures (Pierre Shoendoerffer, Jean Hougron, Lucien Bodard) ainsi
que par des rencontres et des personnes de mon entourage mais je ne
peux par dire qu’un personnage soit la reproduction littéraire
d’une personne existante.
Denise
(l'infirmière asiatique) occupe un rôle pivot dans la pièce ?
Pourquoi une métisse de marocain et d'asiatique ? Marque-t-elle une
rupture dans le récit ?
Par
son métissage Denise est a cheval sur plusieurs cultures ; elle
n’a pas non plus une nationalité propre qui l’obligerait, dans
un premier temps, à choisir un camp plutôt qu’un autre… Aussi
apparaît-elle comme suspecte : on l’accuse de trahir tout le
monde et de n’être finalement fidèle à personne. Or ce qui guide
Denise, c’est l’amour : celui qu’elle éprouve d’emblée
pour Arnaud lui donnera le courage d’affronter la bêtise et la
cruauté de ses contemporains. Elle n’est pas le seul personnage
positif de cette histoire mais elle a une grande influence sur le
comportement et finalement des choix du personnage principal, Arnaud
de Brémancourt.
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(Arnaud) et Aurélie Tasini (l’infirmière métissée) |
Avez-vous
lu les mémoires que nous ont laissé les infirmières ou les
médecins militaires ayant servi en Indochine ?
Oui,
bien sûr. Celui du docteur Gauwin J’étais médecin à Dien
Bien Phu m’a le plus impressionné.
Les
rapports entre Arnaud, Gilles et Denise sont fort complexes.
Ils
évoluent au cours du spectacle. Arnaud et Denise vont s’initier
mutuellement à l’amour mais Gilles change peu : il s’adapte
très facilement mais ne comprend pas grand-chose à ce qui se passe
autour de lui, sans doute parce qu’au fond, il ne s’intéresse
vraiment à rien – pas même à l’argent !
Pouvez-vous
nous présenter les différents comédiens de la pièce.
Il
y a Rosa Ruiz (Madame de Brémancourt, la mère d’Arnaud) et
Cyrille Labbé (qui joue le capitaine Letourneau, médecin militaire
dont nous n’avons pas parlé mais qui joue un rôle essentiel dans
cette histoire) avec qui j’ai déjà travaillé et trois comédiens
plus jeunes : (Arnaud), Nicolas Montanari (son
cousin Gilles) et Aurélie Tasini (l’infirmière métissée).
Madame
de Brémancourt (Rosa Ruiz) et son fils Arnaud
|
Un
dernier mot ?
Ce
spectacle devrait être repris à Levallois et à Paris à la fin de
cette année. J’espère que nous pourrons aussi le présenter en
province.
Pour
ceux qui n'auront pas le loisir de voir la pièce, son texte est
publié aux éditions L'Harmattan :
Benoît
Marbot, Journal d'un imbécile, théâtre des cinq continents, Paris,
L'Harmattan, 2013, 11,50€
lundi 6 janvier 2014
Livre : Entretien avec MARYLINE MARTIN pour son roman LES DAMES DU CHEMIN (Mots-clés : Grande Guerre, infirmière, prostituée, ouvrière, tramways, Nénette et Rintintin)
Les Dames du chemin, heureux jeu de
mot, plus chemin de traverse que simple chemin d'ailleurs, nous
transporte au coeur même de la vie des Français de la Grande
Guerre. Les femmes y accompagnent les hommes, les soldats surtout,
pour un court ou un long trajet, parfois pour un bout de chemin. Ces
femmes prennent des formes multiples, celles de l'être espéré, de
l'être sacrifié, de l'être désiré, voire de l'être honni.
Simplement, au moyen de bouts de vies
nous comprenons en quelques lignes, en quelques pages, le rôle
moral, social et sentimental qu'elles jouèrent. Ces récits sont
merveilleux, poignants, sensibles et surtout d'un réalisme
déconcertant qui rend les personnages attachants et laisseraient
penser que l'auteur a vécu à cette époque. Comme le dit
Jean-Pierre Verney (conseiller du musée de la Grande Guerre du pays
de Meaux) dans la préface, un livre "ni banal, ni rebattu"
qui dévoile "qu'au-delà des personnages embarqués dans le
tumulte et les violences de cette Grande mais épouvantable guerre,
il y avait autre chose." La vie ?
Bonjour Maryline Martin, pourquoi ce
livre ?
Aussi loin que je me
souvienne, j’ai souvent entendu racontée par ma famille l’histoire
d’Abel François Victorien Marchand mort à Verdun. Ce grand-oncle
était le frère de ma grand-mère et de sa sœur née en 1919 et qui
portait le prénom féminisé de ce frère, ce héros mort au
combat…
En plus d’un cadre et
des médailles militaires, j’ai hérité de ce devoir de mémoire
qui est une partie de moi-même. Je pense que pour savoir où l’on
va, il faut comprendre d’où l’on vient…
Grâce à Internet, j’ai
pu entamer des recherches et trouver la fiche militaire de mon
grand-oncle qui non seulement n’avait pas été tué à Verdun mais
reposait dans un cimetière militaire sous une tombe individuelle à
Cerny en Laonnois, non loin du Chemin des Dames… Abel François
Victorien Marchand est parti en avril 1915 rejoindre son régiment et
a été fauché à vingt-ans lors de l’offensive Nivelle le 16
avril 1917.
En déroulant le fil de
notre histoire familiale, je suis rentrée dans la grande Histoire et
j’ai ressenti le besoin, et sous un prisme différent (l’écriture
de nouvelles), de lui rendre hommage ainsi qu’à tous ces
camarades…
Vous abordez la place
et la vie des femmes au travers des hommes ? Pourquoi ?
En me documentant sur le
sujet, j’ai fait le constat que les femmes ont tenu un rôle
important dans la Grande Guerre. Si elles ont été en priorité les
gardiennes du foyer, elles devaient faire face à la pénurie
d’hommes et redynamiser la machine de guerre à l’arrière.
En 1914, le président du
Conseil, René Viviani, leur lance un vibrant appel en leur
demandant de remplacer sur le champ du travail les maris partis au
champ de bataille et une année plus tard, Joffre leur conjure de ne
pas s’arrêter de travailler dans les usines, car selon lui, les
alliés perdraient la guerre ! Les femmes connaissaient la
double peine : rester à leur place tout en continuant à faire
tourner le pays…
Qui sont les héros de
ce livre les femmes ou les hommes ?
Je n’aborde pas ce
recueil de nouvelles de façon linéaire. J’ai beaucoup travaillé
sur la psychologie des personnages. Je rends hommage au courage de
toutes ces femmes qui ont dû soutenir le moral des hommes parfois au
péril, elles aussi, de leur propre vie. Je pense aux femmes du Nord
de la France qui ont subi des exactions (viols, déportations), aux
infirmières frappées elles aussi à l’arrière, aux prostituées
réquisitionnées par les généraux parce qu’elles n’amollissaient
pas le cœur du soldat…Ces ouvrières, paysannes, infirmières,
espionnes ou prostituées je les accompagnées tout au long de ces
destins de papier et elles ont rencontré des tirailleurs sénégalais,
des mutins, des embusqués et des soldats prisonniers de leurs
contradictions les plus intimes…Si ces poilues de l’arrière ont
bravement tenu leur rôle, la chambre bleu horizon veillera au
lendemain de la guerre à ce qu’elles rentrent sagement à la
maison. Toutefois, le gouvernement ne peut lutter contre une certaine
liberté de conscience et certains codes sociaux vont exploser :
ce sont les Années Folles.
Nombre de ces destins
sont tragiques.
La guerre par essence
n’est pas jolie même si elle a révélé des moments de fraternité
dans les tranchées, un esprit de corps et d’âmes…Je n’ai rien
voulu édulcorer. Si les soldats étaient persuadés de revenir pour
les vendanges ou à la Noël, ils ne sont pas partis la fleur au
fusil. Le Figaro du 2 août 1914 observe : « Le bruit de la rue
n’est plus qu’un grand murmure. On se croirait à un jour de fête
populaire où tout le monde se tairait… »
La guerre a duré 52
mois, elle a bouleversé les rapports hommes-femmes, fait exploser
des vies, des couples en devenir, cette résultante n’est guère
joyeuse. Cependant, les retours de mes lecteurs-trices montrent que
la vie et l’espérance sont également présents entre ces pages…
![]() |
Cerny en Laonnois, tombe d'Abel Marchand (photo Maryline Martin) |
A la lecture nous
avons l'impression que vous-avez vécu cette époque : l'argot des
poilus, le phraser tout y est.
On ne peut écrire de
façon mécanique sur ce sujet. L’empathie je l’ai ressentie très
tôt lorsqu’adolescente, je lisais un à un, sur les monuments aux
morts, les noms des Morts pour la France, tombés au Champ d’Honneur
J’imaginais l’attente et la souffrance de ces famille. La réponse
au silence, ce fameux pli bleu porté par le maire ou son adjoint
mettait un point fatal sur le i du mot fin. Avec l’attente,
l’espoir était encore tenace …Comme l’écrit Maurice Duneton
dans son roman vrai « Le Monument » : «
(…) certaines familles se sont vidées de leur
surgeons, au point qu’elles se sont éteintes dans l’aventure.
Elles ont disparu sans laisser de trace… ». Je n’ai pas
de passion pour la guerre mais j’aime l’époque qui succède à
ce que l’on nommait la Belle Epoque… On entre dans le XXème
siècle dans un déluge de feu et d’acier mais aussi qui verra les
progrès de la médecine et de la chirurgie…
Je me suis documentée
pour trouver le mot juste. On ne parlait pas en 1914 comme
aujourd’hui même si l’argot des tranchées a perduré dans notre
langage courant. Il était important que le lecteur soit dès les
premières pages happé par ces destins et que de manière didactique
il puisse être plongé dans le quotidien de l’arrière comme au
front.
Comment avez-vous
choisi ces femmes, pourquoi celles-là ?
Je n’ai pas choisi ces
femmes, elles se sont naturellement imposées lors de mon travail
d’écriture. Effectivement, lorsque l’on évoque la Grande
Guerre, reviennent en boucle les paysannes dans les champs,
l’infirmière accorte longuement décrite comme l’ange blanc mais
aussi la munitionnette qui tourne des obus dans les usines. Par
ailleurs, je me suis attachée aussi à celles dont on parle peu les
exilées, les prostituées mais aussi les agents doubles…
Dans la nouvelle
« Nénette et Rintintin », j’ai une tendresse
particulière pour cette petite fille qui, décrit dans son journal
les jeux de guerre de ses camarades de la rue Greneta pris en photo
par Léon Gimpel. Je parle aussi de cette petite Denise Cartier
victime du premier bombardement parisien. Il était important pour
moi de tisser du lien entre la Grande et la petite Histoire…
J’ai appris
dernièrement et pour mon plus grand plaisir, je l’avoue, que
cette nouvelle était étudiée en classe…
Comment vous êtes
vous documentée ? Vous citez Louis-Ferdinand Céline… Un auteur
que vous aimez ?
Dans mon travail
d’écriture, ce qui m’importe est non seulement d’aborder la
psychologie de mes personnages mais le décor dans lequel ils
évoluent est primordial. Je suis avant tout lectrice, j’imagine
que les détails sont tout aussi importants, il faut que la part
d’imaginaire prenne le relais sur le pouvoir des mots. Ainsi, j’ai
privilégié des lectures comme le Carnet de la Ménagère pour
m’approprier le quotidien de cette mère de famille, qui en vient à
piler des marrons d’Inde pour obtenir de la lessive. Les
témoignages d’Henri Barbusse, de Roland Dorgelès mais aussi de
Georges Duhamel, Paul Valéry, Léon Frapié m’ont beaucoup aidés.
Quand j’évoque les soldats victimes de l’obusite, je me suis
attachée à être au plus près de cette pathologie longuement
controversée puisque ces derniers étaient considérés comme des
simulateurs…J’ai en mémoire le très beau film de Gabriel Le
Bomin, « Les fragments d’Antonin » et l’essai de
Jean-Yves Le Naour « Les Soldats de la Honte ». Quant au
cuirassier Louis Ferdinand Destouches plus connu sous le pseudonyme
de Céline, il nous a offert avec « Voyage au bout de la nuit »
un roman fort et même s'il a longtemps écrit qu’il s’arrangeait
avec ses souvenirs en trichant avec ce qu’il faut , le fantôme
de Bardamu est omniprésent dans l’une de mes nouvelles…
Je ne suis pas
historienne mais j’ai trop de respect pour le sujet et ce livre m’a
demandé quatre années de travail. J’ai effectivement beaucoup lu
mais j’ai eu aussi la chance de pouvoir écouter des cassettes
mixées sur Cd avec des témoignages de Poilus, dont l’un très
émouvant puisqu’il émanait d’un soldat ayant appartenu au même
régiment et à la même compagnie que mon grand-oncle…
Les textes de Paul
Verlet, Eugène Bizeau mis en musique par le groupe Tichot mais aussi
les gymnopédies d’Erick Satie, et les textes engagés de Dominique
Grange ont nourri mon écriture.
Si je dis souvent que
j’ai lu jusqu’en avoir la nausée ce n’est rien par comparaison
à ce que les soldats ont pu ressentir au plus profond d’eux-mêmes.
Mais par respect pour Eux, il ne pouvait en être autrement…
![]() |
Maryline Martin et Jean-Pierre Verney |
Un dernier mot ?
Merci pour votre écoute
et votre invitation à parler de ce recueil à l’approche de ces
journées de commémoration et non de célébration (j’insiste sur
le terme) du centenaire de la Grande Guerre.
Merci aussi à mes
lecteurs qui m’encouragent à poursuivre le chemin de l’écriture.
Maryline Martin, Les Dames du chemin, éditions Glyphe, 12 €
www.editions-glyphe.com
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