mercredi 22 octobre 2025

NOUVEAUTE LIVRE : MADEMOISELLE NICOLL de Jean-Claude Bonnaud (mots-clés : SSA, Sections sanitaires automobiles, drôle de guerre, ambulancières)

 

Edmée Nicolle est l'une des figures féminines les plus marquantes de la seconde guerre mondiale, et aussi une héroïne de la Grande Guerre, pourtant c'est sans nul doute l'une des moins connue à ce jour.

 


 

Quelques travaux universitaires (Frédéric Pineau), quelques livres (Germaine Dubreuil, Odette Fabius, Marguerite d'Anjou Nikolis, Frédéric Pineau) ou articles (Chantal Ciret, Frédéric Pineau, Jean-Jacques Monsuez) l'ont sortie de l'ombre, comme de l'oubli. Ses mémoires, non publiées, ont déjà été utilisées, entre autre pour les travaux de Frédéric Pineau, mais elles demeuraient toutefois inédites. Au cours de la seconde guerre mondiale, les ouvrages de Jean Damase, La Soldate, et Gisèle d'Assailly, SSA, loueront le travail des Sections sanitaires automobiles féminines et de leur fondatrice, Edmée Nicolle.


L'ouvrage réalisé par Jean-Claude Bonnaud, Mademoiselle Nicoll, aux éditions Food, n'est donc pas une première en la matière. C'est avant tout un livre sur Edmée Nicolle plus que sur ses SSA qui lui sont consubstantielles. Il s'appuie presque exclusivement sur ses mémoires, allant de sa naissance à son décès le 15 novembre 1999 à l'âge de 101 ans. On peut s'étonner de l'orthographe Nicoll sur la couverture. C'est effectivement l'orthographe qu'elle utilisa un temps aux États-Unis d'Amérique, mais, cette graphie, elle l'utilisa que peu de temps. Ce choix est dommage, car il ne permet pas forcément de retrouver son livre lorsqu'on le cherche sur le net.

Ce dernier intéressera surtout ceux qui connaissent peu cette figure extraordinaire, hors du commun et emblématique qu'est Edmée Nicolle. Jean-Claude Bonnaud a choisi de lui "donner la parole". C'est donc à travers elle qu'il s'exprime, dans ces pages en partie romancées "nourries d'une bonne part d'interprétation de l'auteur". On retrouve les faits les plus marquants de sa vie au fil des pages, l'éducation britannique, la Grande Guerre, sa période américaine, la drôle de guerre, son incarcération à Londres, l'interdiction de la SSA par les Allemands, l'après-guerre entre Paris et le Loiret, etc.


Le chapitre consacré aux Rochambelles est totalement hors sujet et l'on peut se demander ce qu'il fait là. Par contre, le dernier chapitre nous dévoile la vie qu'elle mena dans le Loiret longtemps après la guerre. Une période de sa vie bien moins documentée. Autre regret, que certaines sources capitales n'aient pas été exploitées. Nous avons aussi remarqué que l'auteur s'embrouille parfois entre les conductrices de la CRF et celles de la SSA, ce qui tronque certaines informations.


Au final, un petit livre intéressant qui permet, encore une fois, et sous un prisme différent, de découvrir Edna Louise Nicolle, une vraie héroïne des deux guerres mondiales.

 

Frédéric Pineau

 

BONNAUD (Jean-Claude), Mademoiselle Nicoll, Food éditions, 2024, 15 euros 



jeudi 12 juin 2025

NOUVEAUTE LIVRE : Dominique François, FEMMES TONDUES, LES BÛCHERS DE LA LIBERATION (Mots-clés : femmes tondues, libération,épuration, collaboration)

Femmes tondues, Les bûchers de la Libération, de Dominique François, est bien différent des ouvrages parus jusqu’à présent sur le sujet. En quoi l’est-il ? En partie, grâce aux témoignages de femmes tondues qui représentent la moitié du livre. Le fait qu’ils proviennent essentiellement de Basse-Normandie, lui donne un caractère d’histoire locale. C’est d’ailleurs l'unique étude locale sur le sujet, éditée pour la première fois aux éditions Cheminements en 2006. La Normandie, avec le département d’Eure-et-Loir, sont les seuls lieux géographiques à bénéficier de travaux sur la question. Ceux de Gérard Leray sur Chartres et Nogent-le-Rotrou ont prolongé ceux de Dominique François.



 N’oublions pas, au niveau national, les approches novatrices de Alain Brossat et Fabrice Virgili. Outre, les témoignages, d’autres chapitres abordent la tonte, l’épuration ou encore les tondeurs, d’une manière sociologique et psychologique plus qu’historique.



Un seul point « négatif », l’absence de références bibliographiques ou de sources autres que les témoignages.

 

Dominique François, Femmes tondues, les bûchers de la Libération, OREP, Bayeux, 2025, 94p., 20 euros


mercredi 11 juin 2025

NOUVEAUTE LIVRE : Christophe Mulé, LES DOUANIERS DANS LA BATAILLE DE FRANCE

 

Bien que ce merveilleux livre ne parle pas de femmes, nous tenions tout de même à le présenter de par sa qualité.



En effet, il nous fait vivre le « parcours curieux et méconnu » des bataillons de douaniers de la « Drôle de guerre » jusqu’au 27 juin 1940, date de leur dissolution. Bien documenté, bien illustré, le livre aborde tous les aspects du sujet y compris uniformologique. Du fait de leur métier, les douaniers seront souvent en première ligne participant particulièrement aux combats défensifs de Lille et Dunkerque. Christophe Mulé, auteur de deux autres livres sur les douaniers de la Grande Guerre et d’articles sur ces mêmes sujets, est devenu le spécialiste incontesté des douaniers des deux guerres mondiales. Un très bel ouvrage à détenir.

Christophe Mulé, Les Douaniers dans la bataille de France, 1939-1940, Paris, Histoire et Collection, 2025

mercredi 9 avril 2025

NOUVEAUTE LIVRE : Christophe THOMAS, LES MARRAINES DE GUERRE (Mots-clés : Grande Guerre, première guerre mondiale, filleuls, marraines)

Les marraines de guerre étaient de jeunes filles et femmes de tous profils sociaux et culturels animées de sentiments louables et d’une certaine fibre patriotique qui se proposaient, à compter de 1915, d’apporter un soutien épistolaire aux combattants « sans famille ». Ce soutien, se doublait d’envois de colis, qu’accompagnait parfois une photo de la marraine. Les liens ne seront pas seulement épistolaires puisque certains filleuls rencontreront leurs marraines.



Mais dès l’année 1916 l’image de la marraine se ternit. « L’Eglise, les moralisateurs et d’autres y voient de simples femmes légères à la recherche d’aventures contraires aux bonnes mœurs, et même, pour les plus virulents, de viles prostituées. » L’armée n’est pas en reste, puisqu’elle aussi y va de son couplet moralisateur, craignant même la présence d’espionnes dans les rangs des marraines.

Malgré ces attaques, l’initiative des marraines se maintiendra jusqu’à la toute fin de guerre. Notons qu’il reprendra durant la Drôle de guerre en 1939-1940, mais dans une moindre mesure.

Ce thème n’avait pas été traité depuis 1951. Les rares références sont Henriette de Vismes, Histoire authentique et touchante des marraines et des filleuls de guerre, Perrin, 1918 et Guillaume Apollinaire, Lettres à sa marraine, Gallimard, 1951. Notons enfin qu’en 2024 est paru le livre d’Aliénor Gandanger, Adopte un soldat ! Correspondances de marraines de guerre, éditions du Mauconduit.

Les Marraines de guerre  de Christophe Thomas est, en quelque sorte, une compilation de citations.  Or, ce qu’il faut savoir, c’est que nombre de « lettres » de poilus ou de marraines dans la presse d’époque ne sont pas toujours le fait de ces derniers, mais bien de la rédaction qui écrit ce que le lecteur veut lire et entendre à la sauce patriotique et quelque peu mièvre. Seuls, véritablement, les correspondances manuscrites et vérifiées, selon nous, font foi.

Sinon, difficile de dire si l’on peut considérer Clotilde Bizolon (1871-1940) comme une marraine de guerre, à la différence de Marie Sautet (1859-1937), la « marraine des poilus », dont l’activité tout entière fut consacrée à venir en aide aux poilus, au point d’en perdre toutes les ressources du ménage.

 

THOMAS (Christophe), Les Marraines de guerre, Bayeux, OREP éditions, 2025


vendredi 21 mars 2025

Hubert VERNERET, Confidences d’une femme soldat, Monique Danjour-Vannuxem (Mots-clés : Indochine, Algérie, AFAT, PFAT, assistante sociale, infirmière, seconde guerre mondiale, Dien-Bien-Phu)

 

Ce petit livre de 98 pages résume très bien les trois conflits qui jalonneront l’histoire de France de 1939 à 1962 : la seconde guerre mondiale, la guerre d’Indochine puis la guerre d’Algérie, au travers des yeux d’une femme d’exception Monique Danjou-Vanuxem (1916-2014). Entrée dans l’armée, un peu par hasard, le 20 avril 1943, en s’engageant comme volontaire à Casablanca, elle n’en ressortira que plusieurs décennies plus tard, le 15 mars 1961, totalisant ainsi 18 années sous les drapeaux. Les décorations qu’elle reçut jusqu’en 1957 sont à l’image de son incroyable parcours : croix de guerre, croix de guerre des opérations extérieures avec étoile d’argent et palme, Légion d’honneur, croix de la Vaillance vietnamienne et croix de la valeur militaire. Elle est faite commandeur de la Légion d’honneur le 25 janvier 2005.




Ce livre, écrit par Hubert Verneret, a été réalisé grâce aux nombreux entretiens menés entre décembre 1999 et Pâques 2000 avec Monique Danjou-Vanuxem. Mais son originalité réside dans le fait que le narrateur, qui s’exprime toujours à la première personne du singulier, n’est pas Hubert Verneret. De ses entretiens, il a pris le parti que ce soit Monique Danjou-Vanuxem qui s’exprime et non lui. Ce choix est plus que plaisant, car sans son nom sur la couverture et ses brèves interventions « focus », on penserait à n’en pas douter qu’il s’agit ici d’une biographie écrite par l’intéressée.

Ses dix-huit années de service la verront tout à la fois infirmière, ambulancière et assistante sociale. Malgré son service épuisant, elle donnera naissance à six enfants, en 1945, 1949, 1950, 1952, 1955 et 1958, retournant presque après chaque naissance en poste. Surnommée la « Mère des Muongs » en Indochine, population montagnarde qu’elle affectionnait, elle n’aura de cesse, en plus des militaires, de venir en aide aux populations civiles d’Indochine puis d’Algérie.

Elle montrera plus encore de caractère lorsque son mari, le général Vanuxem, sera arrêté et envoyé pendant deux ans en prison. Les autorités pensant à tort qu’il est à la tête de l’OAS sous le pseudo de « Verdun ». Pendant ces deux années, c’est presque sans argent qu’elle doit, avec les moyens du bord, s’occuper de ses six enfants, heureusement avec l’aide de Tran-Thi-Tam, la nourrice des enfants depuis l’Indochine, qui ne la quittera plus jusqu’à son décès en 1998.

Son parcours nous mène de Casablanca à Naples en passant par le secteur de Monte Casino, Hanoï, Dien-Bien-Phu ou encore Alger. En tous ces lieux, elle croise les figures du panthéon militaire de la seconde guerre mondiale, puis des guerres de décolonisation : le général de Gaulle, de Lattre, Bigeard, le général Jacques Massu et sa femme Suzanne, chef des PFAT en Indochine, Geneviève de Galard, etc.

Afrique du Nord, 1943-1944 ; Italie, France, Allemagne, 1944-1945 ; Indochine, 1947-1955 ; Algérie, 1955-1958… Toute l’histoire d’un demi-siècle, ici résumée.

Il est toujours surprenant de voir que les figures encensées ne sont pas celles qui devraient l’être. C’est bien le cas ici avec ce parcours incroyable d’une femme pragmatique, droite, volontaire, drôle et, surtout courageuse.

En outre, on ne peut que louer la belle plume et les qualités d’écriture de Hubert Verneret.

 

VERNERET (Hubert), Confidences d’une femme soldat, Monique Danjour-Vannuxem, Sainte-Hermine, Historic’one éditions, 2023, 12 euros

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