vendredi 15 mai 2015

Réédition : "À la Pentecôte, la cerise est notre hôte" : Souvenirs de la Princesse Marie de Croÿ (Mots-clés : Grande Guerre, catholique, résistance, Cavell, Thuliez, Moriamé, Louise de Bettignies)



Rappelons que notre titre vise à dire dans un premier et second temps que les fruits sont là pour la fête du Saint-Esprit et que le jour de la Pentecôte est proche du moment où nous écrivons ce texte. Dans un troisième et quatrième mouvement, il fait allusion au fait que l’ouvrage Princesse et combattante : mémoires de Marie de Croÿ, 1914-1918 nous évoque un réseau de résistance de femmes très chrétiennes (des catholiques et une anglicane) qui accueillit dans des habitations privées des soldats étrangers. Il s’appuya largement sur des curés belges ou français et un architecte Philippe Baucq, fondateur d’une œuvre catholique d’aide aux pauvres d’un quartier de Bruxelles. Princesse et combattante : mémoires de Marie de Croÿ, 1914-1918 est d’ailleurs la réédition sous un autre titre d’un titre écrit en 1931 et paru en 1933 Souvenirs de la Princesse Marie de Croÿ qui contenait une lettre-préface du comte de Broqueville, leader catholique chef du gouvernement belge durant la Première Guerre mondiale et Premier ministre de 1932 à 1934.    



Ce réseau avait comme principales actrices, outre la narratrice Marie de Croÿ, la comtesse Jeanne de Belleville résidant en Hainaut, Édith Cavell (infirmière anglaise à Ixelles en Belgique, au moment de la déclaration de guerre), Louise Thuliez et Henriette Moriamé (jeune fille née dans le Nord). Il s’agissait donc de recueillir des soldats français et anglais, voir des prisonniers russes évadés, et tâcher de leur éviter d’être fusillés (la narratrice raconte que des militaires alliés furent passé par les armes, après avoir été découverts se cachant dans une forêt depuis plusieurs jours) ou les aider à rentrer chez eux via la Hollande. Bruxelles est l’étape intermédiaire, on a des guides pour le parcours Bellignies-Bruxelles puis d’autres guides pour Bruxelles-Pays-Bas. Le château de la famille de Marie de Croÿ à Bellignies était situé antre Valenciennes et Maubeuge à moins de cinq kilomètres de la frontière belge. Les deux frères de Marie de Croÿ jouent un rôle non négligeable, tous les trois sont nés d’une mère anglaise et d’un père diplomate belge (ces derniers décédés respectivement depuis 25 et 2 ans au moment de la déclaration de guerre). Le plus jeune frère de la narratrice épouse fin 1918 Jacqueline de Lespinay (fille d’un député royaliste de Vendée qui siégea de 1898 à 1906), lui et la narratrice sont décédés dans un village de la Nièvre. Par contre leur frère aîné, qui épousa une Princesse de Ligne en 1920, mourut près de Bruxelles.  


Marie de Croÿ et Édith Cavell se rencontrent en décembre 1914 d’après les souvenirs de la première (mais il semblerait que ce soit plus tardif) pour coordonner leurs actions réalisées en parallèle. Le réseau est démantelé durant l’été 1915, toutefois certains de ses membres purent s’échapper comme le frère aîné de la narratrice qui gagna les Pays-Bas. Marie de Cröy raconte ensuite son procès puis son emprisonnement en particulier dans la forteresse de Sieburg non loin de Cologne. Pages 147 à 149, elle nous livre les noms et les raisons de l’arrestation d’une vingtaine de résistantes belges ou françaises qui, comme elle, sont enfermées là. C’est là qu’elle rencontre Louise de Bettignies dont elle ne connaissait rien jusqu’alors (page 156) et raconte tant les formes d’opposition qu’elle montre à l’administration que son agonie.  


Du fait des mauvaises conditions d’internement, elle tombe malade. Une multitude d’interventions de personnalités neutres (comme le roi d’Espagne ou le pape) et allemandes ou autrichiennes (l’archevêque de Cologne, ses cousins princes allemands, l’impératrice Zita, etc.) font qu’elle est transférée dans un hôpital à Munster ce qui améliore considérablement ses conditions de vie, qui ne sont pas idylliques pour autant. La narratrice termine en nous contant l’Allemagne de la fin novembre 1918, agitée par les comités de soldats, son retour en Belgique et une conclusion approchant certains aspects de la morale qu’elle tire de son propre engagement et de celui d’autres femmes (comme Gabrielle Petit née à Tournai, elle avait monté un réseau de renseignements).    


Ce texte est introduit par Hélène Amalric en deux pages et on peut regretter qu’il ne soit pas équipé de notes. Ceci pour trois raisons tout d’abord Marie de Croÿ évoque des gens qu’elle ne présente pas, ainsi savoir que ceux qu’elle appelle les cousins de Dulmen sont titulaires d’une principauté située en Rhénanie (ceci aide à comprendre son transfert en Allemagne de la prison à l’hôpital). Ensuite il s’agit là de mémoires et il faut les confronter à l’histoire, ainsi l’auteur, de bonne foi, se trompe parfois sur certains faits ou dates, ainsi Louise Thuliez est donnée comme institutrice à Lille mais elle est professeur de français à Lille dans l’enseignement catholique et d’après l’historienne Élise Rezsöhazy dans un texte intitulé "L’engagement résistant de Marie et Reginald de Cröy au cœur du réseau d’Édith Cavell", par ailleurs elle porte des jugements de valeur sur des personnages ou des faits qu’elle nous impose.  

Alain Chiron

AMALRIC (Hélène), Souvenirs de la Princesse Marie de Croÿ d’Hélène Amalric, Bibliomnibus, 2015, 197 p. 11 euros. Existe aussi au format Kindle (7,99 euros).

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