vendredi 29 mai 2015

Littérature jeunesse, PARTIE 1 : Les éditions OSKAR (Mots-Clés : Grande Guerre, seconde guerre mondiale, résistance, doctoresse)


Nous débutons notre série sur la littérature jeunesse liée aux femmes dans la guerre en présentant trois auteurs des éditions OSKAR, nous poursuivrons par un panorama chronologique des livres sur ce même sujet de 1871 à 2015.



Les éditions OSKAR ont eu la merveilleuse idée, depuis plusieurs années maintenant, de développer toute une serie de livres sur les femmes, jeunes femmes et jeunes filles impliquées d'une façon directe ou indirecte (guerre subie) dans les deux guerres mondiales de 1914-1918 et 1939-1945. Ces titres se retrouvent dans deux collections dédiées à la jeunesse : Histoire et société et Les aventures de l'Histoire. Les figures abordées sont surtout celles de la résistances (Lucie Aubrac, Germaine Tillion, etc.), mais trois titres au moins abordent aussi avec grand intérêt et précision les femmes de la Grande Guerre (Elles aussi ont fait la Grande Guerre ; Docteure à Verdun ; Il fallait survivre). Saluons donc ces éditions qui ont le courage de publier de pareils ouvrages destinés à un jeune public et donnons donc la parole à trois de ses auteurs que nous remercions de leur participation : Pauline Raquillet, Valentine Del Moral et Catherine Le Quellenec.









Pauline Raquillet et Valentine Del Moral : Pourquoi et comment écrire Elles aussi ont fait la Grande Guerre

 Sur nous, rien à dire sauf à s’amuser de l’alliance dans l’écriture d’une historienne des plus précises et d’une historienne de l’art très imaginative. Plusieurs livres écrits par l’une et par l’autre mais qui sont à des années-lumière des femmes en uniforme.

Plusieurs réflexions nous ont poussées à nous atteler à cet album.



Tout d’abord, nous avons constaté qu’en littérature jeunesse, l’Histoire version féminine était soit limitée à des grandes figures qui finissent par paraitre rabâchées, à l’instar de Marie-Antoinette ou Cléopâtre ; soit était cantonnée à des bluettes ou pseudo-journaux intimes. Nous pensions au contraire que raconter l’Histoire en décalant l’angle de vue, en choisissant de nous placer derrière le regard des femmes nous permettrait de promouvoir l’histoire d’une manière vivante et concrète auprès des jeunes lecteurs qui se projetteraient dans la vie de ces femmes d’exception. 

D’autre part, nous avons considéré que nous étions vieilles ! Assez vieilles en tous cas pour avoir connu enfant, par nos familles ou par les médias, des acteurs de la guerre de 14, témoins vivants de la période. Depuis février 2012, ces témoins ont tous disparus.

Autour de nous, nous avons constaté que la Grande Guerre était bien connue mais souvent à la manière d’une Image d’Epinal.

Pour ces raisons, nous avons ressenti le besoin d’écrire « notre » guerre. Et pour lui donner de la proximité, pour la rendre concrète, nous avons décidé de mettre de côté le récit académique. Notre réflexion nous a amenées à nous pencher sur les destins et les histoires individuelles de celles qui ont vécu au quotidien cette première guerre.

Très vite, nous avons compris que la vision de l’action des femmes de la guerre de 14 était souvent restreinte aux archétypes de suffragette ou munitionnette, marraine de guerre, au mieux infirmière ou espionne.

Le travail que nous avons alors entrepris a été de longue haleine. Près de deux ans. Beaucoup de lectures généralistes et pointues, de prospection de biographies souvent n’existant qu’en anglais, de recherche iconographique poussée, iconographie qui a été utilisée par la suite par le maquettiste d’Oskar éditeur.

Le choix des quarante héroïnes présentées a été drastique. Ce qui importait était que toutes portent en elles un double message :

  • Chacune devait pouvoir nous permettre d’aborder un aspect de la guerre.
  • Chacune devait avoir dans sa biographie, une anecdote assez saillante pour donner vie à un récit alerte, précis, étonnant si possible.

Un autre point qui nous tenait à cœur, était de mettre en lumière, certes les plus illustres qui renforçaient notre double fil conducteur, mais aussi les héroïnes méconnues, voire inconnues qui avaient croisé notre chemin de recherche.
Quoiqu’il en soit, toutes celles qui figurent dans l’album, partagent les valeurs de courage, d’intelligence, d’ingéniosité, de pugnacité. Leur enthousiasme, leur humour parfois, font d’elles des modèles particulièrement vivants qui parlent à notre monde contemporain.

Nous commencerons par les femmes qui ont effectivement porté l’uniforme. Nous les avons choisies, dans la mesure du possible, dans un maximum de pays ayant participé au conflit.
Les femmes n’étaient pas censées aller au combat. L’appel de Viviani était sur ce point très clair. Elles devaient faire marcher le pays à l’arrière. Si pourtant elles se sont engagées, si elles ont revêtu l’uniforme, c’est pour des raisons diverses.

L’envie de combattre en tant que soldat :

Maria Bochkareva L’amazone russe ;
Flora Sandes Un garçon manqué.



Toutes deux furent promues officier et furent particulièrement respectées après un moment de latence.

L’envie de témoigner : Dorothy Lawrence Reporter de guerre ;
L’opportunité de servir : Nicole Mangin Une femme + un médecin = un soldat ;
Le désir de partager un savoir : Marie Marvingt Un pilote en jupe-culotte ;
Un cas particulier : Bécassine Héroïne de bande dessinée qui fut mobilisée.






Nous ne pouvons pas passer sous silence la médecine qui a toujours accompagné la guerre de manière étroite.

Sur le terrain, il faut citer les interventions de Marie Curie Une scientifique à l’esprit pratique, qui met au point les camions de radiologie, et à nouveau Marie Marvingt Un pilote en jupe-culotte à qui l’on doit l’aviation sanitaire.
Représentant le corps infirmier, Blanche Lavallée & Yvonne Baudry Bluebird’s girl ont eu – c’est une exception notable - le rang d’officier dans l’armée canadienne. Au sortir de la guerre, « Blanche est envoyée à Washington pour persuader le Congrès que les infirmières des États-Unis, à leur exemple, méritent d’obtenir un grade militaire ».

A l’arrière, deux artistes se sont penchées sur le cas des gueules cassées et des corps martyrisés et méritent une mention particulière.

Anna Coleman


Grace Gassette L’artiste prothésiste ;
Et surtout Anna Coleman Ladd Sculpteur de Gueules. Nous vous engageons à regarder le film qui a été tourné à l’époque :



Enfin, laissez-nous penser que les deux héroïnes suivantes, étaient à leur manière de bons soldats !... Il s’agit de :

Nénette (et Rintintin) Porte-bonheur qui montait au front aux revers des vareuses des soldats. Le haut commandement interdit sa présence quand elle devint, selon lui, trop visible et envahissante ;
Peau-d’âne Jument de guerre qui rappelle l’enrôlement massif des bêtes dans le conflit.



Nées au XIXe siècle, ces femmes sont devenues par leur passage sous l’uniforme, par leur fréquentation de la guerre, les femmes d’un siècle nouveau.

On ne peut pas affirmer qu’elles ont été des modèles pour les générations suivantes puisque bon nombre d’entre-elles n’ont même pas été reconnues. En revanche, il nous est apparu qu’elles pouvaient être des modèles pour les filles et les garçons d’aujourd’hui si éloignés de la réalité de cette guerre qui souvent se limite dans l’imaginaire collectif, aux tranchées, aux poilus, aux taxis de la Marne et à Verdun.

L’accueil des enfants a dépassé nos attentes.

Nous nous sommes aussi rendu compte en présentant le livre dans les écoles et dans les bibliothèques, que les « grandes personnes » aussi étaient touchées par Elles aussi ont fait la Grande Guerre. Les parents, les grands-parents et les adultes se replongeant autrement dans cette guerre d’Epinal, sont devenus de vrais lecteurs et des passeurs de l’album.

En ce qui nous concerne, il faut dire combien nos quarante épatantes nous portent depuis le début de cette aventure éditoriale et combien leur exemple resurgit quasi quotidiennement. Nous pensions les mettre en lumière. Ce sont elles qui nous rendent lumineuses.

La page facebook de Pauline et Valentine


Catherine Le Quellenec : un « petit roman » sur la doctoresse Nicole Mangin

"Donc je m'appelle Catherine Le Quellenec, j'ai 45 ans et suis institutrice depuis 20 ans. Née à Guingamp dans les Côtes d'Armor, j'ai fait mes études à Rennes.



J'ai commencé à travailler avec les éditions Oskar en créant pour eux des dossiers pédagogiques : il s'agit de fichiers en lecture/littérature, gram/conj, voc/ortho et jeux de lectures. Ceux-ci sont destinés aux instituteurs travaillant sur des romans jeunesse dont voici les titres :
- La femme noire qui ne voulait pas se soumettre. Rosa Parks ;
- Les soldats qui ne voulaient plus se faire la guerre. Noel 14 ;
- Le chemin des Dames. Avril 17 ;
- Marion du Faouët" en co-éditions avec le CNDP ;
- Les sanglots longs des violons... ;
- Les Brigades du Tigre ;
- Les enfants d'Iréna Sendlerowa.
En 2009, Françoise Hessel, directrice éditoriale de Oskar m'a proposé d'écrire une histoire sur le sujet de mon choix. Je n'avais jamais écrit de ma vie et ne pensais pas en être capable...
Bref, un jour de vacances, en feuilletant le Nouvel Obs, je suis tombée sur une petite nécro de quelques lignes parlant d'une très vieille femme polonaise qui, pendant la seconde guerre mondiale a sorti et sauvé 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Inhumée dans l'anonymat et le dénuement le plus total, j'ai pensé qu'il serait pas mal de mettre cette femme en lumière...
J'ai continué d'écrire en choisissant toujours des femmes qui ont fait l'Histoire ; elles ont en commun le courage, le dévouement, l'intérêt général...
J'ai fait la rencontre de Nancy Wake également en lisant sa nécro dans le Ouest-France. Ce qui m'a plu chez cette femme, c'est son engagement pour la France qui n'était pas son pays natal, et son souhait outre de se faire incinérer de faire éparpiller ses cendres au-dessus du Mont Mouchet, là où elle s'était occupée d'un groupe de maquisards... Australienne, Nancy Wake s'est engagée dans le SOE en Angleterre et est "enterrée" sur le sol français...

En ce qui concerne le Docteur Nicole Mangin, c'est en participant au salon du livre de Verdun, lors d'une exposition sur les femmes dans la guerre, que je l'ai découverte. Il y avait un petit texte et une photo sur laquelle on voit Nicole Mangin avec l'uniforme des doctoresses Anglaises (les femmes médecin au front en 1914 n'existaient pas dans l'armée française et n'avaient donc pas d'uniforme). Elle y figure avec son chien Dun. Le fait que ce soit la seule femme médecin française à agir dans les HOE m'a interessée et j'ai choisi de lui consacrer un petit roman. » Catherine Le Quellenec

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