jeudi 29 juillet 2021

LIVRE : Jean-François Lecaillon, LES FEMMES ET LA GUERRE DE 1870-1871 (MOTS-CLÉS : amazones, ouvrières, cantinières, combattantes)

Peut-on faire un parallèle entre l'implication des femmes dans la guerre de 1870-1871 et celle des deux guerres mondiales. Assurément oui, même si le propos de Jean-François Lecaillon, docteur en histoire, spécialiste de la guerre de 1870-1871, est plutôt de mettre en lumière un engagement des femmes occulté, que la propagande patriotique de l'après-guerre a cantonnées « au rôle de victimes de la barbarie prussienne ». Car, l'élite sociale et intellectuelle de l'époque, toute chargée de préjugés sociaux et culturels, n'était pas prête à percevoir les femmes comme des actrices de la guerre. Il faut dire que cette implication est nouvelle. Et toute société rechigne à reconnaître les faits qui vont contre leurs idées préconçues ou la morale établie. 

 


 

Dès le début de la IIIe république un nombre incalculable de livres a été publié sur la guerre de 1870-1871 : histoire bataille, études sur la presse, historiques de régiments, recueils de gravures, souvenirs photographiques, etc. Les femmes y sont les parents pauvres, même s'il existe une littérature souvent de la main d'auteurs masculins, rarement féminins. Les Femmes et la guerre redonne donc de la maille et du volume à une histoire morcelée et étouffée par les préjugés de la IIIe république. D'ailleurs, lors de l'écrasement de la Commune en mai 1871, la bonne société ne retiendra de cette courte guerre civile qu'une implication immorale de viragos, de prostituées, de pétroleuses,de femmes sans foi ni loi, qu'ils feront les parfaits porte drapeaux expiatoires de la révolte. Toute empreinte de préjugés sociaux et culturels, la bourgeoisie n'était pas prête à percevoir les femmes comme des actrices de la guerre. Il faut dire que cette implication est nouvelle. Et toute société rechigne à reconnaître les faits qui vont contre ses idées préconçues ou la morale établie.  

 Si 1870-1871 et 1914-1918 sont des guerres très différentes, il n'en est pas de même quant à l'implication des femmes, dans ces conflits, pour lesquelles de profondes similitudes se font jour comme le démontrent Jean-François Lecaillon ou Chantal Antier. Le rôle des femmes donne une dimension moderne, nouvelle et innovante à la guerre franco-prussienne. Les paysannes face aux contraintes, les espionnes, « les anges blancs », les institutrices, les combattantes, etc. tout y est. À cela prêt que pendant et après le premier conflit mondial, l'opinion n'aura de cesse de mettre les femmes en avant et de les encenser. 

L'intérêt de cette étude poussée est de rendre pluriel cet engagement des femmes que l'on a souvent réduit aux cantinières et autres « pétroleuses » ; et d'ouvrir au lecteur une multitude de sources tant écrites qu'artistiques (tableaux, gravures, etc.). Il nous faut aussi signaler, une impressionnante bibliographie. Ce livre, outre le fait d'être agréable à lire, peut aussi être vu comme un merveilleux outil de travail tant les sources sont exhaustives et abondantes.

Le chapitre sur l'histoire des Françaises face à la guerre, est le miroir d'une diversité dans l'engagement : service aux blessés, ouvrières et entrepreneuses, militantes engagées, combattantes, etc. Parmi les combattantes on rencontre la future aventurière et archéologue qui a donné son nom à l'une des salles du musée du Louvre : Jeanne Dieulafoy. Femme d'exception qui comme George Sand ou Rosa Bonheur portera le cheveu court et le costume d'homme. 

 Les éditions Pierre de Taillac et Jean-François Lecaillon nous offrent ici un excellent livre. 

 

LECAILLON (Jean-François), Les Femmes et la guerre de 1870-1871, histoire d'un engagement occulté, Paris, éditions Pierre de Taillac, 2021, 376 pp. 26,90 €

 

En 2016 les éditions Pierre de Taillac ont aussi publié L'Armée au féminin, ces femmes qui font l'armée française du XXIe siècle de Jean-Marc Tanguy. Des portraits sensibles de femmes combattantes des trois armées (terre, air, mer), mais aussi étrangères. Ce qui frappe, leur jeunesse, leur volonté et un amour du métier. Un très beau livre bien illustré.





TANGUY (Jean-Marc),  L'Armée au féminin, ces femmes qui font l'armée française du XXIe siècleParis, éditions Pierre de Taillac, 2016, 176 pp. 22,90 €

mercredi 28 juillet 2021

LIVRE : Louise Michel et Geneviève de Gaulle aux éditions Oskar

Les éditions Oskar, ont publié récemment deux petits livres dans la collection Elles ont osé ! L'un de Lucile Chastre sur Louise Michel « une femme libre » et l'autre de Isabelle Wlodarczyk sur Geneviève de Gaulle « la femmes qui croyait en l'avenir ». 

 


 

Cette collection que nous avons déjà présentée sur le site, dépeint en un peu plus de 70 pages le destin de femmes d'exception, ou que l'on pense d'exception : Jeanne d'Arc, Joséphine Baker, Amélia Earhart, Greta Thunberg, Harriet Tubman, etc. 

Destinés à un jeune public ces petits ouvrages au format sympathique sont parfois, mais pas toujours, très orientés politiquement. Il convient donc aux parents qui souhaiteraient en faire l'acquisition pour leurs enfants d'en regarder la teneur avant de se lancer. Ce sera à eux de juger, ou mieux aux enfants suffisamment matures de faire la part des choses et d'échanger avec leurs parents ou amis. 

 Il ne nous apparaît pas important de revenir ici sur l'histoire de Louis Michel et Geneviève de Gaulle que nombre d'entre vous connaissez. 

 

CHASTRE (Lucie), Louise Michel, une femme libre, Paris, Oskar, 2021, 13,95 € 

WLODARCZYK (Isabelle), Geneviève de Gaulle, la femme qui croyait en l'avenir, Paris, Oskar, 2021 9,95 €

Exposition MOM : "Ces héros venus d'outre-mer 1939-1945"

 

"Lundi 12 juillet 2021, dans les jardins de Montmorin, Sébastien Lecornu, Ministre des Outre-mer a inauguré, en présence de Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée auprès de la Ministre des Armées, l’exposition : « Ces héros venus d’Outre-mer 1939-1945 »

Conçue par Jean-Claude Narcy et Alice Bertheaume l’exposition offre au regard du grand public de découvrir à travers une centaine de photographies d’époque, portraits ou scènes marquantes, la figure héroïque des milliers d’anciens combattants ultramarins, femmes et hommes, qui dès 1940, ont tout quitté pour s’engager dans les forces Françaises libres et rejoindre les troupes alliés sur différents théâtre d’opération dans le Pacifique, aux Etats-Unis, en Afrique du nord, au Moyen-Orient et en Europe."

 


Il faut l'avouer cette exposition a été merveilleusement conçue. On y trouve de rares photos sur les originaires des actuels DOM-TOM  (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Mayotte) dans la seconde guerre mondiale et, pour une fois, les femmes n'y sont pas oubliées que ce soit celles des Antilles,  de l'océan Indien ou encore de la Nouvelle-Calédonie ; les légendes sont parfaites et détaillées Le travail de recherche est impressionnant, car il a bien fallu trouver toutes ces images, parfois dans les familles en métropole ou outre-mer. Bref, nous vous conseillons de vous y rendre afin de juger par vous-même.



 

jeudi 22 avril 2021

LIVRE NOUVEAUTE : Didier BRUC, Grand livre illustré de l'uniforme du gardien de la paix et son histoire (Mots-clés : pervenche, aubergine, police nationale, paix, paris, uniformes, insignes)

La merveilleuse institution que représente la police nationale au travers de ses gardiens de la paix nous suit tout au long de nos vies, par l'histoire qu'elle accompagne, par sa proximité avec nous, mais surtout par sa mission bien louable celle de garder la paix et de maintenir l'ordre.

La police protège, surveille, recherche, appréhende et surtout maintient l'ordre. Un ordre dont toute société soucieuse du bien être de chacun ne peut se passer. Elle est un élément essentiel de la république, comme l'armée son garant. Ce qui explique qu'elle soit la cible actuelle de ceux qui rejettent nos institutions, l'État et les valeurs de la République. 

 « Le policier doit connaître son histoire pour qu'il donne un sens à son métier et l'histoire s'apprend, mais ne se juge pas », c'est sur ces mots pleins de sens que s'ouvre le Grand livre illustré de l'uniforme du gardien de la paix et son histoire. Des mots que devraient méditer bien des institutions qui ont abandonné leur histoire et leurs traditions aux rives du passé, pour la communication et le business. 

 Connaître son histoire, c'est savoir ce qui en a fait ses lettres de noblesse. Le costume est l'un de ces éléments. Et, pour la police, il a du sens, il est plus encore, car il transcende l'homme, ou la femme, pour en faire un être que l'on respecte, en qui l'on a confiance, mais que l'on craint par ses prérogatives, parce qu'il est dépositaire de la loi, ce qui en fait sa force. 

 Le livre de Didier Bruc est une belle et grande découverte, et réussite, car jusqu'au jour de sa publication aucun ouvrage n'était paru sur un sujet pourtant passionnant et que nous aurions pensé largement étudié. Il faut savoir que l'apparition de la première police en uniforme remonte à 1829. Dès cette année, l'évolution de la tenue des sergents de ville, qui deviendront les gardiens de la paix, va donc suivre les méandres de l'histoire jusqu'au 21e siècle. Comme pour sa tenue, la police va « se moderniser aux niveaux matériel et organisationnel afin d'assurer au mieux la paix publique et la sécurité de tous. » Pas à pas, nous suivons donc le gardien de la paix, au travers des événements qui ont secoué le pays et la capitale dans ce qui représente la grande et la petite histoire du roman national : les révolutions, les anarchistes, les apaches, les « brigades du tigre », l'affaire Stravinski, Vichy, jusqu'aux gilets jaunes, rien, ou presque, n'est oublié. 

C'est dans ce contexte historique que les tenues sont présentées et donc contextualisées. Outre la tenue des gardiens de la paix, on découvre pour les 20e et 21e siècles des services moins connus du grand public : la brigade fluviale, les services techniques, les brigades canines, les unités équestres ou bien la police de l'air et des frontières. On regrette cependant l'absence d'informations concernant le service médical de la police. 

L'auteur c'est affranchi des travers qu'ont eu les auteurs du 20e siècle concernant les uniformes, l'oubli quasi systématique des femmes quand elles sont partie intégrante du sujet traité. Il suffit de voir la couverture pour s'en convaincre. A ma grande surprise Didier Bruc ne les a pas oubliées (les femmes), mais, mieux encore, elles sont partout présentes, tout du moins depuis l'apparition des premières assistantes de police en 1935 jusque nos jours. 

 

Photo Didier Bruc /Histoire et Collections

 

Les Parisiens nés dans les années 60 à 70 seront heureux de retrouver les auxiliaires féminines de police créées en 1964 qui avaient pour mission, avec leur beau fichu blanc, de surveiller les points écoles, et qui les firent, plus d'un fois, traverser sur les passages piétons lorsque, cartable au dos, ils se rendaient à l'école. Que dire des « Aubergines » et des « Pervenches », que la série Marie Pervenche (1984-1991), avec l'incomparable Danièle Évenou, rendit plus sympathique encore. 

On trouve aussi en ces pages l'uniforme des premières femmes gardiens de la paix, apparues en 1978, qui, à cette époque, ont la même mission que leurs collègues masculins, mis à part le maintien de l'ordre et la spécialité de motocycliste. Nous suivons l'évolution de leur tenue jusque 2021. Par ailleurs, sont aussi dévoilées les tenues des auxiliaires féminines de la PAF, des adjointes de sécurité ou encore des commissaires et des officiers de police. 

Fort de 240 pages en couleur, ce bel ouvrage, magistral, à la mise en page très attractive et irréprochable montre un profond travail de recherche, tant au niveau du texte, que des images et de la reconstitution des profils. La contextualisation donne également plus de force à l'ensemble. Incontestablement une référence en puissance pour les historiens, les costumiers, les policiers qui s'intéressent à leur histoire ainsi qu'à son devenir et, bien entendu, pour les collectionneurs passionnés. 

 

BRUC (Didier), Grand livre illustré de l'uniforme du gardien de la paix et son histoire, Paris, Histoire et Collections, 240 p., 2021 / 39,95 € 

 

Frédéric Pineau

lundi 29 mars 2021

LIVRE : MARIA GOUPIL-TRAVERT, Des combattantes pour ou contre le nouveau régime entre 1789 et 1815 (mots-clés : amazones, combattantes, révolution, Vendée, Chouannerie, Empire)

Le sujet des femmes sous la révolution et l'Empire a été largement étudié depuis le 19e siècle entre biographies, souvenirs et monographies de grande qualité. Les études bonnes ou mauvaises abondent. Et, il n'est donc pas évident pour l'auteur de faire du neuf avec de l'ancien. Mais a n'en pas douter, elle est allée au meilleur des sources. 

Maria Goupil-Travert, évoque un très grand nombre de femmes en ces pages qui s’engagent aux côtés des armées régulières de la République puis de l'Empire ou des mouvements insurrectionnels de l'ouest (Vendée, Chouannerie). 

Quoique l’on arrive à retracer des points divers de la biographie de ces femmes, il ne s’agit pas ici de passer en revue une à une chacune d’elles. Le plan est thématique, les chapitres ont pour nom : Révolutionnaires et Vendéennes. Pourquoi s’engager ? ; Des femmes aux armées ; D’un monde à l’autre : la réintégration à la vie civile ; Reconnaissance, représentations et mémoire des femmes engagées dans les armées. Ils permettent d’aborder notamment les questions de leurs origines familiales ; de l’identité qu’elles affichent ; de leurs motivations, de la qualité de leur engagement ; de leur place par rapport aux hommes ; de leur acceptation de la violence ; des conditions de leur démobilisation ; des conséquences physiques et morales de leur temps passé au combat; de leur passage dans le panthéon des héroïnes ; etc.

 

Apparaissent ici, côté républicain, des noms comme Marie-Thérèse Figueur (la plus célèbre côté révolutionnaire); Marie Anne Fortemanne, née Bruet ; Bastienne Escalier dite Belle Avoine ; Marie Angélique Duchemin, la fameuse veuve Brulon ; Victoire Buffry ; Sophie Julien ; Rose Barreau ; Jeanne Catherine Collignon ; Félicité Duguet surnommée Vadeboncoeur pour son courage au feu ; Marie Terrasson ; Madeleine Petitjean et ainsi de suite.

 Notons qu’un texte du 30 avril 1793 interdit aux femmes de prendre les armes, alors qu’auparavant elles sont tolérées comme combattantes. Cependant des dérogations exceptionnelles existent, ainsi Marie-Henriette Xaintrailles est sous les drapeaux de 1793 à 1801, ce qui lui vaut une présence remarquée lors de la campagne d’Égypte.

 Dans le camp contre-révolutionnaire, on compte des femmes qui sont plus des mémoralistes que des combattantes effectives comme l’épouse de Lescure future Marquise de La Rochejaquelein (évoquant d’ailleurs, comme combattante, une Jeanne Robin de Courlay près de Bressuire) ou la comtesse de la Boëte qui montre bien combien les Mauges (au nord de Cholet) ont un terrain qui se prête aux embuscades (pages 80-81) ou madame de Bonchamp à qui l'on doit en particulier le récit de la prise de Fontenay-le-Comte (alors préfecture du département de Vendée) le 25 mai 1793. On a aussi nombre de missions d’espionnage chez les Vendéennes ; d’autres franchissent le pas et combattent effectivement comme Rose Urson, Antoinette Blanchet, Louise de Haussay ou Renée Borderau. Notons enfin qu'une certaine Françoise Desprès prend les armes tout en soignant les blessés (page 67).    

GOUPIL-TRAVERT (Maria), Braves combattantes, humbles héroïnes, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2021, 210 p.  

 

Alain Chiron

dimanche 28 février 2021

La Russie d'invite : Aleksandra Samusenko, une biélorusse dans les blindés russes de la Grande Guerre patriotique (Mots-Clés : armée russe, blindés)

Lors de la première guerre mondiale, plusieurs femmes russes participent aux combats. On se reportera, pour en savoir plus, au titre Yashka, journal d’une femme combattante de Maria Botchkareva. 

 


 

Les Soviétiques, durant leur Grande Guerre patriotique, connurent des femmes dans quasiment toutes les armes y compris la marine et l'aviation. Le récit commence par évoquer la guerre d’Espagne, ce qui permet de voir que les Russes livrèrent, contre de l’or, 3562 chars T-26 modèle 1933 qui font faces avec succès aux Panzerkampfwagen I allemands et aux CV-33 italiens. Toutefois les tanks soviétiques s’avèrent fort vulnérables face aux canons antichars. Ce fait est rapporté, dans un dialogue entre l’héroïne russe et un ingénieur de son pays. En fait, cette dernière répondant au nom d’Aleksandra Samusenko, ne pouvait être présente parmi le petit millier de Russes apportant un soutien militaire au gouvernement légal espagnol, vu sa date de naissance. On est là dans la seule dimension totalement fictionnelle du récit. Certains autres faits sont authentiques. Il est vrai que le personnage principal participe en 1939-1940 à la guerre russo-finlandaise mise en scène sur cinq pages. 

Précisons qu'il est rare qu’une bande dessinée francophone évoque ce sujet. L’essentiel du contenu cherche à démontrer comment cette jeune femme se retrouve non seulement à conseiller pour la conception du char russe T-34, mais également à le piloter et à commander en second une brigade de blindés avec le grade de capitaine. La bataille de Koursk, bataille clé du 5 juillet au 23 août 1943, sur le front de l’est, se trouve largement mise en perspective en suivant l’action d’Aleksandra Samusenko. Cette dernière décède à seulement vingt-trois ans en Poméranie, peu avant la fin du conflit. 

 

PÉCAU, MAVRIC, ANDRONIK, VERNEY, L’Étoile de Koursk, Paris, Delcourt, 2021,  72 p. 

 

Alain Chiron