Philippe le Bel mort, lui succèdent
ses trois fils puis, du fait en particulier de l’affaire de la Tour
de Nesle, la couronne revient en 1294 à Charles IV de la branche de
Valois, issue du frère de Philippe le Bel. Philippe VI de Valois,
fils de Charles IV, monte sur le trône en 1328 et y reste jusqu’en
1350. Depuis l’époque d’Aliénor et de Ricard Cœur de Lion, les
prétendants au duché de Bretagne sont généralement sous
l’influence anglaise avec parfois un compétiteur qui essaie de
s’appuyer sur le roi de France.
Le duc Jean III meurt en 1341 et sa
succession est réclamée par Jeanne de Penthièvre petite-fille du
duc Arthur II et de sa première épouse ainsi que par Jean de
Montfort fils d’Arthur II et de sa seconde épouse Yolande de Dreux
(anciennement reine d’Écosse). Notons qu’Arthur II est mort en
1312, non pas à seulement cinquante ans comme le dit wikipédia mais
à l’âge respectable pour l’époque de cinquante ans. Par
ailleurs Élie Durel, aurait mérité d’être plus clair dans une
partie de sa présentation des choses. En effet il écrit « Jean
de Monfort a respecté la loi salique », disposition qui
évidemment ne s’applique qu’à la couronne de France (et encore
tardivement) et n’a jamais régi les successions à la tête des
duchés et comtés du royaume de France ni celles à la direction
d’autres pays (dont évidemment l’Écosse, ce que Jean de Monfort
ne peut ignorer).
Charles de Blois est l’époux de
Jeanne de Penthièvre alors que Jean de Montfort s’est marié à
Jeanne de Flandre. Le conflit breton, qui les met en scène, va durer
de 1341 à 1364 et va donc prendre pour nom "La guerre des deux
Jeanne". C’est là que du Guesclin commence, en prenant le
parti français de Jeanne de Penthièvre, à s’illustrer en
prenant en particulier en 1354 le château du Grand-Fougeray, y
gagnant le surnom de "Dogue noir de Brocéliande". Plus
tardivement il combattra d’abord contre Olivier V de Clisson puis à
ses côtés lorsque ce dernier se ralliera au roi de France alors que
la Guerre de succession de Bretagne est terminée depuis 1364 et ceci
au profit du fils de Jean de Montfort qui devient duc sous le nom de
Jean IV.
Olivier IV père d’Olivier V, choisit
le camp de Charles de Blois et du roi de France, toutefois ce dernier
reçoit des indices comme quoi Olivier IV aurait passé des accords
secrets avec le roi d’Angleterre. Élie Durel, en s’appuyant sur
Froissart, raconte très bien l’origine des soupçons, la traîtrise
qui permet d’arrêter Olivier IV et les conditions ignominieuses
faites à son corps. Il ajoute une pincée de romanesque autour de
manœuvres ourdies par William de Salibury et le roi Édouard III
pour laisser croire qu’Olivier IV a servi leurs intérêts en
certaines circonstances et trahira à l’avenir Philippe VI (pages
126-129). Notons que si ce dernier condamne Olivier IV, ce seigneur
breton est réhabilité en 1360 par Jean le Bon fils de Philippe VI.
Jeanne de Belleville, image du XIXe siècle absente du roman d’Élie Durel |
Jeanne de Belleville, veuve d'Olivier
IV, a des origines poitevines que l’on aurait aimé voir
explicités, elle fait jurer à ses fils Olivier et Guillaume de
venger leur père. Elle consacre sa fortune à lever tout d’abord
une armée pour assaillir les troupes de Charles de Blois puis, en
difficulté sur terre, décide de combattre sur mer en prenant, selon
notre romancier, l’exemple légendaire d’Alfihld la Viking
rapportée dans la Geste des Danois (un chef d’œuvre de la
littérature médiévale). On a pu d’ailleurs découvrir, en
visitant en 2018 l’exposition sur les Vikings au château de
Nantes, que des femmes scandinaves prirent effectivement la direction
d’expéditions guerrières.
Elle fait armer trois navires, dont un
appelé "Ma Vengeance" et accompagnée de ses deux
fils, mène une guerre de course contre les bateaux de commerce
français. C’est près de Caen en 1343 qu’elle dirige sa première
attaque. Toutefois des vaisseaux du roi de France s'emparent des
navires de Jeanne de Belleville qui, heureusement par ruse, parvient
à s'échapper avec ses deux fils. Réfugiée en Angleterre, elle
épouse en 1349 Walter de Bentlley lieutenant d’Édouard IIII. Dix
ans plus tard elle décède en Bretagne, selon ce récit (mais les
historiens hésitant entre Hennebont et un château en Angleterre).
On est trois ans après la bataille de Poitiers et un peu plus de
quatre-vingt ans avant la mort de Jeanne d’Arc.
En 1868, le roman en vers de l'écrivain
français Émile Péhant Jeanne de Belleville est publié en
France. Sorti, huit ans avant sa mort, et écrit par un natif de
Guérande, au plus fort du mouvement romantique français, ce récit
porte de nombreux détails rapportés plus par la légende que
l’Histoire.
Voici un extrait de l’ouvrage :
« Si Dieu ne trompe point demain mon
espérance,
Demain se lèvera le jour de la vengeance.
Pardonne mon retard, pauvre époux adoré ;
Tu le sais, mon seul crime est d’avoir ignoré.
Mais le retard n’a fait qu’accumuler ma haine
Tremblez, lâches, tremblez, car la mesure est pleine :
Le châtiment sur vous est enfin suspendu.
Et vous ne perdrez rien pour l’avoir attendu… ».
Demain se lèvera le jour de la vengeance.
Pardonne mon retard, pauvre époux adoré ;
Tu le sais, mon seul crime est d’avoir ignoré.
Mais le retard n’a fait qu’accumuler ma haine
Tremblez, lâches, tremblez, car la mesure est pleine :
Le châtiment sur vous est enfin suspendu.
Et vous ne perdrez rien pour l’avoir attendu… ».
Plusieurs ouvrages en langue anglaise
ont consacré celle qui est appelée outre-Manche The Lioness
of Brittany. Voir aussi la vidéo en français ici :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=15&v=KldxxCYEVlQ
ELIE DUREL, Jeanne de
Belleville, la tigresse bretonne, éditions Ancre de marine, 2018 22 €
Alain CHIRON
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