jeudi 9 janvier 2014

Parole à : BENOÎT MARBOT pour sa pièce JOURNAL D'UN IMBECILE (Mots-clés : Indochine, décolonisation, infirmière, théâtre)



La pièce de théâtre "Journal d'un imbécile", de Benoît Marbot, est le parcours que connurent bien de jeunes gens nés avant 1930. La drôle de guerre, la guerre à laquelle ils ne peuvent participer puis l'exode imprévu, subi. L'occupation, la résistance pour les uns, le marché noir pour d'autres, parfois la collaboration avec l'ennemi. La Libération, l'appel du large et l'engagement pour des années d'Indochine. L'horreur, les attentats, la maladie, le rapatriement, les blessures, les meurtrissures, l'amour avoué ou contrarié.
Un texte merveilleusement mené qui se lit avec autant de plaisir que d'allégresse, des personnages plus vrai que nature. Des dialogues savoureux qui campent parfaitement les milieux sociaux, leurs a priori, leurs capacités de survie en s'adaptant sans cesse au changement, sans changer comme Giuseppe Tomasi di Lampedusa le fixait dans son prophétique ouvrage Le Guépard. Si nous avons souhaité présenter cette pièce c'est, outre le fait que nous soyons tombés sous le charme d'un réalisme intemporel, en partie parce que l'un des personnages est une jeune métisse asiatique infirmière dans un hôpital militaire d'Indochine.

Aurélie Tasini (l’infirmière métissée) et  (Arnaud)

Bonjour Benoît Marbot, pouvez-vous vous présenter, pour ceux qui ne vous connaissent pas encore ?

Je suis né en 1961 à Paris. Enfant, je voulais être à la fois écrivain et militaire : je suis devenu enfant de troupe, j’ai fait du théâtre au lycée puis à l’université (j’ai dirigé la troupe du Centre culturel de l’Université de Nanterre à l’époque où il y en avait un) et je suis parti deux ans au Japon dans le cadre de la Coopération animer le groupe théâtral de l’Institut franco-japonais du Kyushu. De retour en France, j’ai créé ma propre compagnie qui, subventionnée par la Ville de Courbevoie et le Conseil Général des Hauts-de-Seine, mène une double activité d’action en milieu scolaire et de création contemporaine. J’ai écrit, monté et fait publier une vingtaine de pièces.


Quand le Journal d'un imbécile a-t-il été créé ?

Le Journal d’un imbécile a été créé le 12 décembre 2013 au Théâtre du Petit-Parmentier de Neuilly-sur-Seine et sera repris au centre Culturel de Courbevoie le 21 mars 2014.


 (Arnaud) et Cyrille Labbé (le  capitaine Letourneau, médecin militaire)


Avec cette pièce vous avez renoué avec d'autres ayant pour thème les guerres de décolonisation ? Un sujet de réflexion chez vous ?

J’ai écrit en effet plusieurs pièces qui abordent ou traitent le thème de la décolonisation. Je ne saurais pas vous dire exactement pourquoi. Comme souvent ceux qui ont beaucoup vécu à l’étranger et qui digèrent mal l’éducation qu’ils ont reçue, j’entretiens des rapports difficiles avec mon pays natal. Le thème de la colonisation me permet peut-être de parler de la France dans ce qu’elle a de pire et de meilleur…

Vous êtes-vous inspiré de personnages réels pour Arnaud, Gilles et madame de Brémancourt ?

Oui, bien sûr, mais chacun de mes personnages se nourrit de plusieurs existences, réelles ou fictives, que je serai bien en peine d’identifier… J’ai été fortement influencé par certaines lectures (Pierre Shoendoerffer, Jean Hougron, Lucien Bodard) ainsi que par des rencontres et des personnes de mon entourage mais je ne peux par dire qu’un personnage soit la reproduction littéraire d’une personne existante.

Denise (l'infirmière asiatique) occupe un rôle pivot dans la pièce ? Pourquoi une métisse de marocain et d'asiatique ? Marque-t-elle une rupture dans le récit ?

Par son métissage Denise est a cheval sur plusieurs cultures ; elle n’a pas non plus une nationalité propre qui l’obligerait, dans un premier temps, à choisir un camp plutôt qu’un autre… Aussi apparaît-elle comme suspecte : on l’accuse de trahir tout le monde et de n’être finalement fidèle à personne. Or ce qui guide Denise, c’est l’amour : celui qu’elle éprouve d’emblée pour Arnaud lui donnera le courage d’affronter la bêtise et la cruauté de ses contemporains. Elle n’est pas le seul personnage positif de cette histoire mais elle a une grande influence sur le comportement et finalement des choix du personnage principal, Arnaud de Brémancourt.

 (Arnaud) et Aurélie Tasini (l’infirmière métissée)


Avez-vous lu les mémoires que nous ont laissé les infirmières ou les médecins militaires ayant servi en Indochine ?

Oui, bien sûr. Celui du docteur Gauwin J’étais médecin à Dien Bien Phu m’a le plus impressionné.

Les rapports entre Arnaud, Gilles et Denise sont fort complexes.

Ils évoluent au cours du spectacle. Arnaud et Denise vont s’initier mutuellement à l’amour mais Gilles change peu : il s’adapte très facilement mais ne comprend pas grand-chose à ce qui se passe autour de lui, sans doute parce qu’au fond, il ne s’intéresse vraiment à rien – pas même à l’argent !

Pouvez-vous nous présenter les différents comédiens de la pièce.

Il y a Rosa Ruiz (Madame de Brémancourt, la mère d’Arnaud) et Cyrille Labbé (qui joue le capitaine Letourneau, médecin militaire dont nous n’avons pas parlé mais qui joue un rôle essentiel dans cette histoire) avec qui j’ai déjà travaillé et trois comédiens plus jeunes :  (Arnaud), Nicolas Montanari (son cousin Gilles) et Aurélie Tasini (l’infirmière métissée).

Madame de Brémancourt (Rosa Ruiz) et son fils Arnaud 

Un dernier mot ?

Ce spectacle devrait être repris à Levallois et à Paris à la fin de cette année. J’espère que nous pourrons aussi le présenter en province.


Pour ceux qui n'auront pas le loisir de voir la pièce, son texte est publié aux éditions L'Harmattan :

Benoît Marbot, Journal d'un imbécile, théâtre des cinq continents, Paris, L'Harmattan, 2013, 11,50€

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