mercredi 19 février 2014

Mode : LES VOLONTAIRES SORTENT LEURS GRIFFES (mots-clés : seconde guerre mondiale, conductrices, ambulancières, mode, griffes)


Au cours de la seconde guerre mondiale, il y eut en France deux types d'engagements féminins sous l'uniforme, ceux de la drôle de guerre et ceux qui eurent lieu de 1942 à 1945. La première période est marquée par l'engagement de femmes issues généralement de milieux aisés, désireuses de servir, se portant volontaires pour des organisations privées ; la seconde période est plus marquée par un volontariat voulu par l'Etat pour servir directement dans les rangs de l'armée. C'est sur la première période que nous allons brièvement nous appesantir. En effet, les conductrices et conductrices-ambulancières s'engageant dans des associations comme les Sections sanitaires automobiles féminines (SSA) ou le Comité américain de secours civil (CASC) eurent recours aux tailleurs civils pour s'équiper, comme le font les officiers de l'armée. A contrario, les volontaires féminines d'après 1942 seront généralement équipées par l'intendance militaire.

Mais revenons à 1939, à cette date la fondatrice des SSA, Edmée Nicolle, choisit Paulette (1900-1984), une modiste parisienne qui exerce jusqu'à sa mort en 1984, pour la création des chapeaux en feutre bleu ou marron de ses conductrices. L'uniforme, quant à lui a été dessiné par la créatrice de mode Maggy Rouff (1896-1971). Les plus riches des conductrices firent réaliser leur tenue chez le tailleur-chemisier Lanvin situé au 15 faubourg Saint-Honoré à Paris. Le prix du tailleur est de 2 800 francs et celui du manteau de 3 600 francs dans leur seule version kaki, car il existe aussi une tenue bleue pour les cérémonies. Son prix prohibitif fait dire à une conductrice : "l'uniforme ? Mon dieu ! quel vestiaire ! un peu cher (...). C'est un régiment de luxe !" ( Gisèle d'Assailly, SSA, Paris, René Julliard, 1943). "Cependant l'attrait de l'uniforme est aussi un excellent élément de recrutement, même pour les revenus moyens. Bientôt, on se presse au siège de l'association. Pour preuve, certaines conductrices de formations automobiles concurrentes délaissent leur association afin de pouvoir porter l'uniforme kaki de la SSA." (Frédéric Pineau, Les Françaises sous l'uniforme, Paris, H&C, 2006) Pour celles dont les moyens sont plus modestes, il est aussi possible d'avoir recours au tailleur parisien Ammanit situé dans le 15e arrondissement qui propose des prix bien moins élevés :

- 1250 francs le manteau kaki ;
- 900 francs pour le tailleur kaki ;
- 1150 francs pour le manteau bleu ;
- 850 francs pour le tailleur bleu.

Marguaret Hughes d'une autre formation automobile féminine, le Comité américain de secours civil, raconte qu'on lui avait donné l'adresse d'un tailleur bon marché "car quelques jeunes filles de notre groupe disposent d'un budget très réduit." Elle poursuit " Les petits tailleurs en temps normal en France sont splendides, mais notre tailleur se trouve dans un tel état d'énervement, en face d'une énorme commande d'uniformes pour dames, qu'il tombe presque en morceaux et que ses uniformes en font autant. (...) Mais comme j'ai l'air féminin, habillée par monsieur Stark je parais toute en rondeurs à tel point que j'ai honte de me montrer en public. Tout n'a pas été cousu de la meilleure manière et après avoir porté l'uniforme seulement vingt-quatre heures, une manche s'est détachée, la fermeture éclair de la jupe refuse de fermer et une poche pend. J'ai finalement été chez Creed commander un uniforme impeccable : j'aurai peut-être l'air d'un chasseur d'hôtel, mais je n'aurai pas en tout cas les allures d'une "girl" pour pièces burlesques." Enfin, c'est chez Lanvin-sport que Marguaret Hughes se rend pour ses chemises kaki réalisées sur mesure.

De la drôle de guerre jusqu'à la défaite de juin 1940, les conductrices montrèrent leurs griffes avec panache. Un usage bien original et méconnu de la haute couture. Ces quelques exemples nous ont permis de croiser de grands noms, et de moins grands, du milieu parisien de la couture. Nous aurions pu aussi évoquer Elsa Schiaparelli et quelques autres prestigieux noms que nous avons croisés au cours de nos lectures, mais le blog nous pousse à faire volontairement court.


Frédéric Pineau

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