Dans les premières pages de Madeleine
Pauliac, l'insoumise nous pouvons lire « Madeleine
sera pour les femmes de l'Escadron bleu un phare dans la nuit, une
figure tutélaire, une amie précieuse (...) » elle
« avait peut-être, en plus, une aura qui poussait
chacun à la suivre, à lui faire confiance, à se reposer sur
elle. »
Qu'était l'escadron bleu ? Une
formation automobile de la Croix-Rouge française formée de
conductrices ambulancières, vêtues d'un seyant uniforme gris-bleu
aux insignes bleu de ciel et à la roue dentée en cannetille
argentée, et d'infirmières. A 32 ans, Madeleine Pauliac (1912-1946)
était médecin-lieutenant AFAT (Auxiliaires féminines de l'armée
de terre), c'est à dire qu'à la différence des autres personnels
de l'escadron elle avait le statut de militaire. Elle signa son engagement
dans l'armée de terre le 30 novembre 1944.
La mission qui s'offre aux jeunes femmes de l'escadron est dantesque, faire revenir le plus possible de prisonniers, déportés et déplacés français en France avant que le rideau ne tombe sur les territoires sous contrôle russe.
La mission qui s'offre aux jeunes femmes de l'escadron est dantesque, faire revenir le plus possible de prisonniers, déportés et déplacés français en France avant que le rideau ne tombe sur les territoires sous contrôle russe.
« Toutes ces femmes sont
jeunes, entre vingt-deux et vingt-neuf ans (…) à la fois féminines
et décidées, souriantes et solides ». Comme le précise
avec justesse Philippe Maynial, le neveu de Madeleine, « c'est
le début d'une incroyable fraternité » dont témoignent
les échanges épistolaires entre Madeleine et les conductrices de
l'escadron bleu, mais « c'est aussi le début d'une épopée
héroïque pour ces femmes, et Madeleine Pauliac la première, qui
vont affronter un territoire des plus hostiles (Allemagne,
Pologne, Russie), contrôlé par une armée violente
(soviétique)
et sûre de son bon droit, celui de piller, de tuer, de violer, de se
« payer », en fait, des années de guerre et de
privation. »
Au travers de Madeleine Pauliac c'est le destin et l'histoire des filles de l'escadron qui transpire « compatriotes
perdus dans une tourmente indescriptible », celle du chaos
de la fin de la guerre, de millions d'hommes, de femmes et d'enfants
« libres » mais perdus, déboussolés, hagards, malades,
mourants, traumatisés par de longues, d'interminables années de souffrance et de
privations.
Et cela semble ne pas suffire. A la
barbarie nazie c'est substituée celle des communistes. « Quand
ils ont fini de violer, les Russes pillent et détruisent tout. »
Ainsi Madeleine relate dans un rapport à l'intention de Roger
Garreau (délégué du gouvernement provisoire en URSS de 1942 à
1945) le fait suivant : « Le lendemain de mon arrivée, une
délégation de cinq bonnes soeurs catholiques allemandes travaillant
à la Croix-Rouge est venue me trouver. Elles étaient vingt-cinq,
quinze sont mortes, violées et tuées par les Russes. Cinq d'entre
elles sont enceintes ; elles venaient me demander conseil et me
parler avortement en termes voilés. » Cette terrible
histoire n'est pas unique dans le livre et un autre fait, tout aussi douloureux, touchant
cette fois des religieuses polonaises, a
inspiré le film Les Innocentes d'Anne Fontaine, sorti
en salle le 10 février 2016, qui
relate le travail de Madeleine et de l'escadron au travers de ce fait
tragique (voir la bande annonce).
Les filles menèrent leurs missions en
Pologne et en Russie jusqu'au bout malgré l'insoutenable tableau de
misère que fut la libération des camps. Le choc fut moral et brutal. Simone
Saint-Olive - Sainto -, l'une des « bleues » notera
« serons-nous marquées à vie ?... c'est possible. »
Les proches de Cécile Stiffler, autre « bleue »,
« raconteront plus tard, bien des années après la fin de
la guerre, (…) à quel point elle a changé pendant ces mois
de missions éprouvantes. Elle qui était toujours pleine de joie et
souriante est revenue triste et réservée. »
La mort brutale et prématurée de
Madeleine Pauliac ne marquera pas la fin d'une histoire, car une
fraternité d'âme a perduré jusqu'à nos jours entre les « bleues »
et leurs descendants.
Paru pour la première fois en 2017
chez XO, Madeleine Pauliac, l'insoumise est réédité chez
Tallandier en poche. La plume souple et agréable de Philippe Maynial
en fait un livre précieux, un témoignage pour l'histoire qui met un
peu plus en lumière le travail héroïque de ces femmes modestes
dans un contexte d'une violence inouïe.
MAYNIAL (Philippe), Madeleine
Pauliac l'insoumise, Paris, Texto, Tallandier, 9,5 €
A lire ou à voir également sur
l'escadron bleu :
MENAGER (Dominique), L'Escadron
bleu, mai 1945-juillet 1945, Tours, éditions Le Roseau, 2003
FONTAINE (Anne), Les Innocentes (film),
2016, DVD et Blue-ray,
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