vendredi 25 avril 2014

Livres : LE SERVICE DE SANTE A L'HONNEUR (Mots-clés : grande guerre, 1914-1918, Nicole Mangin, infirmière, service de santé)


Voici deux nouveaux livres sur le service de santé français de la Grande Guerre que nous tenions à vous présenter. L'un et l'autre se complètent parfaitement. Bien entendu, si nous en parlons aujourd'hui c'est aussi parce que les femmes n'en sont pas absentes.

LE SERVICE DE SANTE 1914-1918

Bien que son titre ne la précise pas, Le Service de santé 1914-1918, de Marc Morillon et Jean-François Falabrègues, paru aux éditions Bernard Giovanangeli éditeur en cette année 2014, se consacre presque exclusivement aux tenues et au matériel du service de santé des armées pendant la Grande Guerre. Une étude bien menée, avec de merveilleuses illustrations et photographies, de nombreuses tenues et accessoires d'époque provenant en grande partie du musée du service de santé des armées. Nous y découvrons, entre autres, le service de santé au temps de la « Belle époque »,  celui des différentes périodes de la Grande Guerre, mais aussi la présence du service de santé aux colonies ou dans la marine. Les éternels oubliés de ce genre d'ouvrage sont bien présents : les infirmières de la Croix-Rouge française (ADF, UFF, SSBM) et les infirmières militaires, ainsi que les aumôniers. Une page est également consacrée à Nicole Girard-Mangin, l'une des rares femmes médecins à avoir servie sous l'uniforme du service de santé des armées. Nous l'avions d'ailleurs présentée dans un post en date du 20 août 2012. Un ouvrage merveilleux bien structuré, complet, agréable tant à feuilleter qu'à lire. Achetez le vite !



Marc Morillon & Jean-François Falabrègues, Le Service de santé 1914-1918, Paris, Bernard Giovanangeli éditeur, 160 pages (cartonné) 35 €


HÔPITAUX MILITAIRES DANS LA GUERRE 1914-1918

Le cinquième tome de cette excellente série est sorti au mois de mars 2014. Ce sont les 13e, 14e et 15e régions militaires, Monaco et la Corse qui sont ici détaillés et disséqués minutieusement. En complément viennent s'articuler un dossier thématique sur les évacuations sanitaires par voies maritimes et fluviales (navires hôpitaux et péniches sanitaires) ainsi qu'un précis d'organisation et de fonctionnement du service de santé de la zone de l'intérieur. De nombreuses photos tirées de collections privées ou du musée du service de santé des armées accompagnent le texte.



Comme toujours, une étude complète et érudite. Nous avions présenté la série dans le post du 3 juin 2013, mais si vous souhaitez en savoir plus sur la série et les auteurs nous vous invitons à prendre cette direction :


François Olier et Jean-Luc Quénec'hdu, Hôpitaux militaires dans la guerre 1914-1918, tome IV, France sud-est, Louviers, Ysec, 2014, 336 pages, 38 €

Vous pouvez vous procurer ces deux livres sur les sites de vente en ligne, sur commande ou en magasin.

mardi 8 avril 2014

LE MONUMENT D'EDITH CAVELL AU JEU DE PAUME (Mots-clés : Edith Cavell, Louise Thuliez, Grande Guerre, héroïne, résistante)


Héroïne de la Grande Guerre, arrêtée en Belgique pour espionnage, puis fusillée par les Allemands après de longs mois de captivité, l'infirmière britannique miss Edith Cavell (1865-1915) a longtemps marqué les esprits par sa mort tragique. Entrainant une vague d'indignations et un large esprit de vengeance chez ses compariotes. En France, la Ligue des Droits de l'Homme organisa un rassemblement auquel s'associèrent le président de la République et les ambassadeurs des pays alliés.


Monument du Jeu de Paume, 1939 (coll. Pineau)

Moderne Jeanne d'Arc, des livres, des films, des pièces de théâtre, etc. lui sont consacrés. Plusieurs monuments en France, en Grande-Bretagne et en Belgique commémorent ou ont commémoré son calvaire.

A Paris, un monument à sa mémoire fut érigé dans les jardins des Tuileries contre le mur oriental du musée du Jeu de Paume. Avait-il un lien quelconque avec l'idée que proposât la femme de lettre Séverine d'ériger une statue où Edith Cavell serait représentée soignant un blessé allemand ?

Offert à la ville de Paris par le journal Le Matin, le monument de grande dimension fut inauguré le 12 juin 1920 par André Maginot (1877-1932). Sa réalisation en fut confiée au sculpteur albigeois Gabriel Edouard Baptiste Pech (1854-1930).





















Jusqu'en 1940 les associations patriotiques vinrent y déposer une gerbe. Au premier rang desquelles l'association de défense passive féminine des Assistantes du devoir national (ADN) d'Hélène Rodillon qui comptait parmi ses membres Louise Thuliez (1881-1966) compagne d'infortune d'Edith Cavell pendant la Grande Guerre.

Les dépôts de gerbes au bas du monument cessèrent avec l'entrée des Allemands dans Paris. Et pour cause, ils s'empressèrent de le détruire le 14 juin 1940, un jour seulement après qu'ils eurent pénétré dans Paris. Edith Cavell "symbole mort" de la "barbarie allemande" ne pouvait plus encore trôner dans une place dominée par ceux qu'elle avait combattus.

Depuis lors le monument détruit a sombré dans l'oubli. Pas de trace de sa présence au Jeu de Paume. D'ailleurs qui pourrait encore penser qu'à cet endroit s'élevait un monument commémoratif ? Quelques érudits, peut-être ? 

lundi 31 mars 2014

Livres : ROSE VALLAND, LE FRONT DE L'ART (Mots-clés : Beaux-Arts, Rose Valland, seconde guerre mondiale, résistance)


LE FRONT DE L'ART, DEFENSE DES COLLECTIONS FRANCAISES, 1939-1945

Le film de George Clooney, Monuments Men, sorti le 12 mars 2014 en France, a permis, outre le fait de faire sortir de l'ombre l'action de ces officiers "Beaux-Arts" américains chargés de récupérer les oeuvres d'art spoliées par les Allemands, de dévoiler le travail d'une bien discrète et "modeste" française en la personne de Rose Valland (1898-1980) (Claire Simone dans le film), campée par la sémillante Cate Blanchett. Notons à ce sujet, qu'une autre actrice, française cette fois-ci, Suzanne Flon (1918-2005), la représente dans Le Train de John Frankenheimer sorti en France le 22 septembre 1964.



Employée comme bénévole depuis 1932 au musée des Ecoles étrangères du Jeu de Paume, elle y demeure jusqu'en 1944. Sa situation privilégiée lui donne l'occasion de décrire le "comportement des hommes face à leur patrimoine le plus précieux." Après la défaite de juin 1940, le jeu de Paume devient un lieu de rassemblement des collections confisquées aux familles juives, mais également un lieu de passage obligé pour les oeuvres d'art des collections françaises convoitées par les autorités allemandes, particulièrement par le Reichsmarschall Hermann Goering. En effet, l'ouvrage de Rose Valland, Le Front de l'art, défense des collections françaises, 1939-1945, dépeint une véritable bataille du patrimoine où s'affrontent la direction des musées nationaux, l'Etat français, l'Einzatstab Reichsleiters Rosenberg (service chargé entre autres des spoliations), les musées allemands, les marchands d'art, la wehrmacht, etc. Une bataille qui va parfois jusqu'à l'anéantissement. Ainsi dans le chapitre XX, consacré à la liquidation des tableaux "d'art dégénéré", Rose décrit comment le 23 juillet 1943, 5 à 600 tableaux modernes parmi lesquels des Klee, Max Ernst, Picasso, etc., considérés comme "inemployables" (à la vente) et dangereux, sont brulés par les Allemands dans le jardin intérieur du musée du Jeu de Paume, à l'instigation de Einzatstab Reichsleiters Rosenberg (ERR). Cette scène fut heureusement unique en son genre, mais traumatisante pour ceux qui la vécurent impuissants, au premier rang desquels Rose Valland. Malgré les pressions et autres intimidations de l'occupant, Rose Valland, à la demande du directeur des musées nationaux et de l'école du Louvre, Jacques Jaujard (1895-1967), se maintient à son poste jusqu'à la Libération. Pendant cette période elle observe, prend des notes capitales sur les oeuvres d'art transitant par le musée du Jeu de Paume : lieu de départ, de transit, d'arrivée, etc. Les nombreuses informations ainsi recueillies clandestinement, au jour le jour, permettent, lors de l'entrée des Alliés en Allemagne, mais aussi en France et ailleurs en Europe, de sauver ou de retrouver la trace de nombre d'oeuvres dissimulées par les Allemands chez des particuliers, dans des mines, des châteaux voire des trains. Engagée dans la 1re armée française avec le grade de capitaine chargé des "Beaux-Arts", sa position lui permet ainsi de sillonner l'Allemagne à la recherche des oeuvres un jour croisées maintenant perdues. L'action qu'elle mène ainsi, "une épopée professionnelle d'un genre assez rare", pour reprendre Jean-Paul Cluzel, président de la RMN-Grand Palais, lui vaut d'être décorée après guerre de la médaille américaine de la Liberté, alors qu'elle occupe le poste de chef de la section Beaux-Arts de la délégation française du Conseil de contrôle de Berlin, par le général Tate attaché militaire américain à Paris.

1re édition du Front de l'art, avec en couverture
Burt Lancaster acteur principal du film Le Train.


Le Front de l'art n'est pas véritablement une autobiographie, vous n'y trouverez rien sur la vie de l'auteur ou de sa jeunesse, éléments que nous aimerions d'ailleurs connaître. Elle prend la position d'un "modeste" témoin privilégié par sa situation la mettant aux premières loges, décrivant les tribulations des collections françaises de la Drôle de guerre à la défaite allemande de 1945 telles qu'elle les a vues et vécues, mais ne s'en tient pas à ces seuls faits en traitant de l'ensemble de la question de la protection et du pillage des oeuvres d'art.

Son ouvrage est paru pour la première fois en février 1961 aux éditions Plon. Tiré à 4000 exemplaires, il est, dans sa version originale, difficile de se le procurer. Cette dernière réédition, la troisième (La deuxième réédition, fruit de la RMN, remonte à avril 1997), due à la volonté de la Réunion des musées nationaux (RMN) et de personnes perspicaces, augmentée d'une série de notes d'éclaircissement ou de contextualisation est indispensable pour comprendre la dimension jouée par l'art dans les idéologies totalitaires et dans la société en général. Un ouvrage passionnant tant par son texte d'origine que par ses notes complémentaires.

LES CARNETS DE ROSE VALLAND

L'ouvrage Les Carnets de Rose Valland, d'Emmanuelle Polack et Philippe Dagen, publié par les éditions FAGE est un heureux complément au Front de l'art. Incontournable, il rassemble les notes quotidiennes de Rose Valland, ainsi que de précieuses biographies du personnel des musées nationaux et de celui du tristement célèbre ERR présents au musée du Jeu de Paume pendant les années d'occupation. Accompagné de portraits photographiques, cet ouvrage donne tout de suite plus de vie et de volume au Front de l'art.

Frédéric Pineau



Voici enfin une liste d'ouvrages très divers relatifs à l'action de Rose Valland ou à la protection des oeuvres d'art pendant la guerre, que nous complétons par le DVD de Monuments men bien entendu :

LIVRES

  • BOUCHOUX (Corinne), Rose Valland. La Résistance au musée, La Crèche, Geste éditions, 2006 (Il en existe une version en langue anglaise : Rose Valland, resistance at the museum)
  • BUNKER (Patrick), Monuments Men, Rose Valland, 2014
  • CERISIER (Emmanuel) et POLACK (Emmanuelle), Rose Valland, l'espionne du Jeu de Paume, Paris, Dupuis, 2009 (bande dessinée)
  • DESTREMEAU (Frédéric), Rose Valland, résistance pour l'art, Grenoble, musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère, 2008 (EPUISE)
  • EDSEL (Robert M.), Monuments Men, Paris, Folio, 2014
  • FELICIANO (Hector), Le Musée disparu, Paris, Folio, 2003
  • MULLER (Catel) et POLACK (Emmanuelle), Rose Valland, capitaine Beaux-Arts, Paris, Dupuis, 2009 (bande dessinée)








    DVD

  • Le Train, John Frankenheimer, MGM/United Artists, sortie du DVD 3 juin 2003
  • Monuments Men, George Clooney, 20th Century Fox, bientôt disponible en DVD

mercredi 19 mars 2014

FOCUS : L'INTERNATIONALE DES CANTINIERES (Mots-clés : cantinières)


Apparues aux côtés des armées en campagne dès la fin du XVIIIe siècle, les cantinières et autres vivandières se sont professionnalisées au fil des années et ont surtout trouvé une place visible et officielle dans les armées de Napoléon III. Ce monopole très français nous le garderons que peu de temps. En effet, la mode française qui touche les armées du monde entier durant la seconde moitié du XIXe siècle ne fait exception des cantinières.

C'est ainsi qu'elles s'invitent dans des guerres lointaines comme celle du Pacifique qui oppose la Bolivie, le Pérou et le Chili de 1879 à 1884. Les Amériques (Nord, Sud et centre) ne sont pas en reste. Pendant la guerre de Sécession (1861-1865), les milices, surtout de zouaves, du Nord comme du Sud, ont leurs contingents de cantinières qui donnent à leurs formations une allure plus encore française.
Bien après la guerre de Sécession, lors de la guerre hispano-américaine de 1898, plusieurs unités de volontaires se laisseront photographier avec l'une d'elles en tête. Plus au sud, au Mexique, la légion belge de l'armée de l'éphémère empire de Maximilien de Habsbourg, en eut un important contingent. Il faut dire que la Belgique, comme la Roumanie, l'Italie (duché de Parme, etc.), l'Espagne, entre autres lors des guerres carlistes, la Pologne, lors de l'insurrection de 1861-1864, ou encore certains états allemands, fit une place de choix aux cantinières, présentes dans la quasi totalité des forces terrestres. Les 1000 de Garibaldi eurent les leurs, mais les états pontificaux ne purent faire de même pour des raisons religieuses évidentes. Les dernières représentantes  en uniforme de la profession se rencontrent encore au début du 19e siècle dans les rangs espagnols, lors de la campagne du Maroc, et, enfin, dans quelques unités de volontaires d'Amérique du Nord.

Pour finir, notons que les plus exotiques des cantinières françaises furent celle d'une milice kanake, dont l'uniforme comprenait un pagne et une calebasse en guise de tonnelet, et de rares petites cantinières de bataillons scolaires à la fin du XIXe siècle.

Frédéric PINEAU

Pour en savoir plus :

mardi 18 mars 2014

Focus : France 1900, quelle place pour la femme militaire ? (Mots-clés : amazones, guerrières, Dahomey)


Dans le passionnant ouvrage, paru en 1905, du docteur Legrand, médecin-major au 3e régiment de dragons, L'Assistance féminine en temps de guerre, nous pouvons lire avec stupéfaction "le courage physique, l'audace qui mènent à la lutte ne sont pas l'apanage exclusif du sexe fort ; l'aptitude belliqueuse de la femmes s'est révélée en maintes occasions, par sa participation directe au combat ; elle se manifeste à l'état rudimentaire, dans la parodie guerrière du crêpage du chignon et peut s'épanouir, en tout son éclat, en poussant les initiatives féminines aux héroïques entreprises." Si de nos jours pareils propos peuvent nous paraitre banals, il n'en est rien pour l'époque. Des termes qui montrent une large ouverture et une réelle liberté de ton pour un militaire d'autant plus de la cavalerie, arme ô combien traditionnelle. Cependant Legrand affirme, par l'exemple, que la "participation habituelle des femmes aux actes mêmes de la bataille parait toutefois être demeurée spécifique aux peuples dans l'enfance", ce que l'auteur qualifie de "période héroïque du féminisme militaire", que Jeanne d'Arc, Jeanne Hachette, les femmes soldats de la révolution et les quelques combattantes de la guerre de 1870-1871 viendront clore. En effet, l'auteur a raison, ces épopées féminines "ne cadrent plus avec le sort réservé à la femme dans les sociétés constituées", occidentales et bourgeoises du 19e siècle, à mesure que s'élèvent la pression des idées morales et religieuses.

Coll. Pineau


En ce début du 20e siècle "l'assistance féminine en temps de guerre" est donc à définir, d'autant plus que les sociétés de la Croix-Rouge française se développent et que les cantinières connaissent leurs derniers jours. Des femmes armées ? Impensable. C'est, bien entendu, la délicatesse et l'altruisme qui intéressent chez la femme : "la femmes est entraînée vers les oeuvres d'assistance aux blessés militaires par sa nature éprise d'enthousiasme et de dévouement. Aller vers la souffrance dans le décor des fins de bataille, dispenser la douceur après la violence des luttes : c'est réaliser les rêves de son imagination et les aspirations de sa charité." Les velléités guerrières de la femme moderne ont donc aux yeux de Legrand une dimension imaginaire dans l'esprit de ces dernières à laquelle il faut répondre par l'obtention d'un rôle charitable. Car, "en effet, l'organisme féminin n'est pas adapté par la nature aux secousses rudes et continues des luttes violentes". C'est donc en s'appuyant sur des notions biologiques, physiques, que Legrand met un terme à toute possibilité d'une participation combattante des femmes en temps de guerre. Nous sommes donc loin du choix des rois du Dahomey qui firent des femmes, les Agolledjes, le corps d'élite de leur armée. Dotées d'uniformes, armées de fusils, de machettes ou de casse-tête, enrégimentées, ces dernières combattent d'ailleurs nos troupes coloniales lors des campagnes du Dahomey de 1890 puis de 1892 à 1894, affrontant même les hommes de la Légion dans de violents corps à corps. "Leur vigueur, leur agilité et leur bravoure étonnèrent" les militaires qui se trouvèrent face à elles.

Coll. Pineau
Coll. Pineau



La femme combattante en France est donc un fait impensable, considéré comme une farce de mauvais gout à la limite de l'érotisme voire de la pornographie. La presse comme la carte postale n'y voient qu'un travestissement qui portera atteinte aux bonnes moeurs. La guerrière a donc sa place dans la légende antique (Walkyries, Amazones, déesses, etc.). Il est toujours plus facile de magnifier le passé que de répondre au présent... Terminons par ces quelques lignes empruntées au colonel Romain dans Les Guerrières, paru en 1931 : "C'est dans l'imaginaire qu'est l'enthousiasme, c'est dans le coeur qu'est le dévouement. Les femmes sont donc plus naturellement héroïques que les héros. Et, quand cet héroïsme doit aller jusqu'au merveilleux, c'est d'une femme qu'il faut attendre le miracle. Les hommes s'arrêteraient à la vertu." Des propos à méditer ?

Frédéric Pineau

lundi 10 mars 2014

WEB : FEMMES GUERRIERES (Mots-clés : guerrières, soldates, combattantes, rebelles, résistantes)


Voici un nouveau blog qui contentera assurément ceux et celles s'intéressant, de près ou de loin, à l'histoire militaire des femmes. Ce blog, Femmes Guerrières,


a cette spécificité de n'aborder, comme son nom l'indique, que les femmes guerrières "à travers le monde et les âges" (Guerrières, soldates, combattantes, rebelles ou résistantes).  



Son animatrice, Roxane,souhaite, une fois n'est pas coutume en histoire des femmes, donner une plus large visibilité "à ces femmes trop souvent oubliées des ouvrages et manuels d'Histoire et (...) remettre les pendules à l'heure en ce qui concerne la question de la "place de la femme" dans notre société". Même si Femmes Guerrières se défend d'être un site politique, il l'est par le seul fait de son orientation "gender studies". Pour preuve :

"ce sont ces pratiques de désinformation malhonnêtes, intéressées et charlatanistes qui me poussent aujourd'hui à créer ce blog à but informatif afin de faire découvrir au grand public un pan de l'Histoire qui pourrait peut-être vous faire changer d'avis quant aux aprioris concernant le rôle genré (sic) des femmes et vous faire reconsidérer l'intérêt des études de genre (gender studies)."

Roxane a "donc décidé de réaliser un blog à but informatif ayant pour thème les femmes guerrières car cela permet de déconstruire deux grands mythes qui façonnent notre perception contemporaine de l'Histoire et de la société et qui sont les suivants : « le rôle de la femme a toujours été domestique » et « le rôle de la femme est sensiblement le même dans toutes les civilisations »."

Cette vision "domestique" des femmes et ce "rôle sensiblement le même dans toutes les civilisations" résulte, selon nous, de décennies d'histoire des femmes accaparées par certains courants féministes qui ont vu l'histoire des femmes comme une simple lutte contre l'oppression masculine, la religion, l'ordre établi, etc. Laissant de côté bien des aspects qui auraient contrarié leur vision des faits. L'histoire militaire des femmes en est un. 

En voici un court exemple. A la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle des auteurs comme le docteur Legrand qui ont planché sur le rôle des femmes en temps de guerre reconnaissent "Le courage physique, l'audace qui mènent à la lutte ne sont pas l'apanage exclusif du sexe fort ; l'aptitude belliqueuse de la femme s'est révélée, en maintes occasions, par sa participation directe au combat ; elle se manifeste, à l'état rudimentaire, dans la parodie guerrière du crépage de chignon et peut s'épanouir, en tout son éclat, en poussant les initiatives féminines aux héroïques entreprises." Pour Legrand l'antiquité est "la période héroïque du féminisme militaire" qui s'estompa avec les "idées morales et religieuses". Pour ces auteurs, il y a ce rapport sexe faible, sexe fort qui mérite toutefois une véritable étude. Des idées dépassées ? Sans doute. La "maternité est le patriotisme de la femme" demeure l'idée force à cette époque sans pour autant rejeter (du moins dans certains milieux éclairés) l'idée d'une égalité dans la lutte. Encore une fois, retenons tout de même cette phrase d'importance "Le courage physique, l'audace qui mènent à la lutte ne sont pas l'apanage exclusif du sexe fort", nous sommes en 1906...

L'histoire des femmes ne doit pas se construire sous le seul prisme du féminisme et encore moins avec des "gender studies". Certes le féminisme a fait son apparition au 19e siècle et a permis des évolutions salutaires, comme le droit de vote des femmes et la libération de son statut de mineure, mais le féminisme, plus que minoritaire, n'a jamais représenté la majorité des femmes. Ce pour quoi l'histoire des femmes doit se libérer du féminisme et donner d'elle une vision réelle et non tronquée.

Pour en revenir à Femmes guerrières nous trouvons bonne l'initiative d'un pareil site, mais, avouons le, son orientation "gender studies" nous chagrine un peu, car elle instrumentalisera le passé à des fins qui ne lui appartiennent pas.