lundi 25 juillet 2022

Nouveautés : Frédéric Pineau OUVRIERS ET OUVRIERES DE LA GRANDE GUERRE

 La Grande Guerre est une dévoreuse de chair et de matière. Aussi pour la gagner faut-il plus d'armes, toujours plus de munitions, or pas de guerre sans munitions, pas de munitions sans ouvriers. Les premières années de guerre sont difficiles. Pour la victoire, les ouvriers mobilisés sont renvoyés dans leurs usines par milliers, on fait aussi massivement appel aux femmes et même aux enfants. Mais il faut toujours plus de bras. On se tourne alors vers une mai-d'oeuvre étrangère, arrivant parfois de l'autre bout du monde ou en provenance des colonies françaises. Le monde des industries du temps de guerre, organisé de main de maître par les sous-secrétaire d'État à l'Artillerie et aux Munitions, le socialiste Albert Thomas, est un univers à part, complexe. C'est lui que nous présentons dans toute sa diversité, mais aussi, pour la première fois, au travers des tenues et insignes distinctifs en usage chez les ouvriers et ouvrières.

 


Frédéric PINEAU, Ouvriers et ouvrières de la Grande Guerre, Bayeux, OREP, 2022, 6,7 euros

Nouveautés : Frédéric Pineau NATIONS OUBLIEES DE LA GRANDE GUERRE

 L'Europe étant le principal théâtre des affrontements, nous oublions parfois le caractère "mondial" de la Grande Guerre. Cet ouvrage a donc pour objectif de retracer l'histoire des nations "oubliées" de ce conflit. Parmi les pays belligérants, on trouve le Portugal, le Siam, le Japon ou encore le Brésil ; il y a aussi les pays ayant seulement rompu leurs relations diplomatiques avec les empires centraux ou encore ceux ayant marqué une neutralité stricte ou quelque peu ambiguë. Sans oublier ces "petites nations" chères au président américain Woodrow Wilson, les Tchèques et les Slovaques. N'omettons pas l'Irlande et la Pologne, qui renaîtront de la guerre, ou l'éphémère royaume du Monténégro qui disparaîtra en 1918 digéré par la future Yougoslavie. L'engagement des uns et des autres, même une neutralité de bon aloi, répondent à des intérêts, des volontés, des ambitions qui, en germe, annoncent déjà le second conflit mondial.

 


 

 Frédéric PINEAU, Nations oubliées de la Grande Guerre, Bayeaux, OREP, 2022     6,7 euros

jeudi 5 mai 2022

Collection : éditions Le Félin, RESISTANCE LIBERTE-MEMOIRE (Mots-Clés : résistants, résistance, déportation, France libre)

 

Partant du postulat que beaucoup d’ouvrages essentiels concernant la résistance sont aujourd’hui introuvables, l’association Liberté-Mémoire et les éditions du Félin ont décidé, pour reprendre leurs mots, de “remettre à la disposition du public des livres qui non seulement témoignent d’un passé crucial, mais aussi peuvent tracer les lignes de l’avenir.” 

 


 

En effet, ces livres ne se trouvaient jusqu’alors que dans le circuit de l’occasion. Circuit fréquenté seulement par ceux qui s'y intéressent. Ce choix est aussi le moyen de faire redécouvrir, à ceux qui ne les connaissaient pas, des livres intenses de personnages qui ont, à leur niveau, contribué au salut de la France pendant la seconde guerre mondiale. Parmi les membres fondateurs de l’association Liberté-Mémoire, Lucie et Raymond Aubrac, François Bédarida, Jacques de Bourbon-Busset, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Stéphane Hessel et bien d’autres noms qui parleront à ceux qui connaissent, quelque peu, l’histoire de la résistance.



La Plastiqueuse à Bicyclette de Jeanne Bohec nous présente tout à la fois la résistance extérieure et la résistance intérieure. Jeanne, tout juste 21 ans en 1940 rejoint le Corps féminin du général De Gaulle à Londres, puis est parachutée en Bretagne comme instructrice auprès de la résistance locale. Là “à bicyclette, elle parcourt la région sans relâche n’hésitant pas à demander l’aide des camions de l’armée allemande quand la côte est trop rude !” Une femme au fort tempérament qui, en juin 1944, prendra part aux combats du maquis de Saint-Marcel situé en Bretagne.


Autre récit de française libre, celui de Madeleine Gex-Le Verrier, dont le livre publié à Londres en 1942 ne fut réédité qu'en 1945 par les éditions Émile-Paul Frères, et, plus près de nous, en 2020 par les éditions du Félin. C’est donc un incontournable, plus sur la vie dans la France occupée et celle de Vichy que sur la France libre. Une espèce de themomètre qui donne la température d’une époque trouble et troublée. Madeleine “reconnue dans les milieux politiques et économiques de la IIIe république” était, en 1939, directrice de publication de la revue L’Europe nouvelle. C’est donc le regard d’une femme cultivée qui s’offre à nous avec une réflexion sur les événements en cours et la vie quotidienne des Français tel qu’ils, et elle, l’ont vécu.


Deux autres témoignages, ceux de Henriette Lasnet de Lanty et de Adélaïde Hautval nous dévoilent le système concentrationnaire allemand et toute se perversion, mais aussi la fin de guerre, les difficultés rencontrées avec les libérateurs et un retour long et pénible à travers une Allemagne en ruine. Sous la schlague, de Henriette Lasnet de Lanty, est un titre qui pousse à la curiosité. Une curiosité qui nous fait glisser petit à petit de la résistance au terrible parcours des camps de concentration, les privations, la mort omniprésente tout comme l’espérance. Adélaïde Hautval sera l’une de ses nombreuses femmes du refus. Refus de vendre ce que l’on a de plus beau et de plus cher, son âme. Médecin, elle refusera, avec la plus grande des bravoures, de participer aux expériences médicales insensées des médecins de la SS. Pour autant, l’une comme l’autre survivront et nous laissent deux témoignages d’importance.


Odile Vasselot est la plus jeune des femmes dont nous venons de parler, elle aligne 18 printemps en 1940. Entrée très tôt dans la résistance, elle devient agent de liaison pour le service de renseignement Zéro. Elle rejoint ensuite le réseau Comète. Elle est l’un des maillons d’un large réseau de convoyage de pilotes anglais entre la Belgique, la France et l’Espagne. Des missions non sans risques, mais que Odile aura la chance d’effectuer jusqu’en fin de guerre. C’est d’une plume alerte qu’elle retrace son expérience de guerre et nous plonge dans le quotidien d’un réseau d’évasion.


BOHEC (Jeanne), La Plastiqueuse à bicyclette, Paris, éditions du Félin, 2022

GEX-LE VERRIER (Madeleine), Une Française dans la tourmente, Paris, éditions du Félin, 2020

VASSELOT (Odile de), Tombés du ciel, histoire d’une ligne d’évasion, Paris, éditions du Félin, 2019,

HAUTVAL (Adélaïde), Médecin et crimes contre l’humanité, Paris, éditions du Félin, 2019

LASNET DE LANTY (Henriette), Sous la schlague, Fresnes, Sarrebrück, Ravensbrück, Schönfeld, 1943-1945, Paris, éditions du Félin, 2018

 

Également dans la collection Résistance liberté-mémoire :

 

FRIANG (Brigitte), Regarde toi qui meurs

Collectif, Femmes dans la guerre

PAGNIEZ (Yvonne), Évasion 44

CHEVRILLON (Claire), Une résistance ordinaire, septembre 1939-août 1944

MICHELIS (Madeleine), Correspondance d'avant-guerre et de guerre

 

 

mardi 3 mai 2022

Sujet : Rochambelles (Mots-clés : 2e DB, seconde guerre mondiale, ambulancières, France libre, France combattante)

Le livre d’Ellen Hampton, Women of valor, The Rochambelles on the WWII front, est paru pour la première fois aux éditions Palgrave Macmillan en 2006. En langue anglaise, le livre a été très bien accueilli par la critique anglo-saxonne de l’époque. Il s’appuyait, qui plus est, sur les témoignages d’anciennes (toujours en vie à ce moment), la littérature fournie concernant le sujet, mais aussi les archives de lieux incontournables comme le Mémorial du Maréchal Leclerc. Étonnament pas de traduction française du livre à cette date. En France on le trouve alors dans des boutiques parisiennes comme Brentano’s ou WH Smith. 

 



En 2021 une deuxième édition du livre, revisitée, est publiée aux éditions Mc Farland avec une nouvelle couverture, mais toujours pas d’édition française à l'horizon. 

Cette année, heureusement, l’édition française voit enfin le jour aux éditions Tallandier sous le titre Les Rochambelles ambulancières de la France combattante, 1943-1945, avec une nouvelle préface et de nombreuses corrections. 

Nous ne reviendrons pas sur Les Rochambelles ambulancières de la France combattante, car nous avions déjà présenté Women of valor dans un post plus ancien. 

 

Notons aussi la sortie de deux autres livres sur ce même sujet : 

Pauline Brunet, Les Rochambelles, Mémorablia, 2021 

Karine Lebert, Pour l’honneur des Rochambelles, presses de la cité, 2021 (roman)

mardi 19 avril 2022

Nouveauté livre : Journal de Séraphine Pommier, infirmière pendant la Grande Guerre, 1914-1918 (mots-clés : infirmière, Grande Guerre, première guerre mondiale, hôpital, malades)

 


Ici pas de patriotisme de carte postale, d’ange blanc éplorée ou de lyrisme journalistique, car ce journal n’était pas destiné à être publié. Séraphine Pommier, sent, ressent, vie, entend, ce qu’elle voie et le retranscrit à merveille. À l’hôpital nous voyons tout. Ce que sont réellement, soldats, infirmières et religieuses. Avec ses mots nous savons qu’il y a la réalité vécue et celle des livres et de la presse d’époque. 345 pages c’est beaucoup, mais enfin trop peu si l’on tient compte des 1800 pages du manuscrit d’origine. En effent, le Journal de Séraphine Pommier, infirmière pendant la Grande Guerre (1914-1918) a été réalisé à partir de 1800 pages de cahiers d’écolier desquelles ont été extraites et annotées quelque 300 pages, illustrées de 19 croquis de sa main et de 10 photos qu’elle a prises.




Mais laissons la parole à Patrick Rolland, ancien élève du Prytanée Militaire, qui a eu la bonne idée de rassembler ces textes qu’il a minutieusement sélectionnés. 

“Comme je vous le disais, je viens de signer aux éditions Les Passionnés de Bouquins un ouvrage consacré au journal d’une infirmière bénévole de la Croix-Rouge engagée dans deux hôpitaux de l’arrière pendant les quatre années de la Grande guerre. Nous avons découvert avec surprise qu’il n’existait pas dans l'édition française d’autres journaux d’infirmières aussi complets et sur une aussi longue période de 51 mois. Séraphine Pommier a donné des soins à 762 malades et blessés ; elle a été décorée de la Croix de guerre et de la Palme d’or des infirmières.”

 




Dès la brutale invasion de la France en août 1914, les pertes sont élevées et le ministère de la Guerre, les services de Santé, la Croix-Rouge créent ensemble et dans l’urgence 1500 hôpitaux auxiliaires en application de plans établis dès 1903. Une jeune femme de la bourgeoisie lyonnaise se demande comment elle pourrait servir son pays envahi par les « Prussiens » : «Je sentis plus que jamais le besoin de me dévouer et de faire quelque chose» écrit-elle sur un cahier d'écolier. Elle est recrutée comme infirmière bénévole à l’hospice de Meximieux, dans l’Ain, devenu hôpital militaire, puis au lycée de garçons Ozanam à Lyon. Elle a la bonne idée de tenir de septembre 1914 à fin décembre 1918 un journal quotidien ; en effet, tout l’étonne dans ce métier nouveau pour elle : le brassage des Poilus venus de toutes la France et des colonies, la pharmacopée où se mêlent le vin aromatisé ou la pommade des Reclus et le Dakin qui vient d’être inventé, les prothèses de plus en plus élaborées pour les blessés, les concerts caritatifs et les loisirs dans les hôpitaux, les pénuries alimentaires, l’accueil des prisonniers, les visites aux blessés, les trains de réfugiés de la Croix-Rouge, etc. La figure héroïque du Poilu, les pieds dans la boue de sa tranchée, s’enrichit d’une autre réalité sous la plume bienveillante de Séraphine. «Le médecin soigne les blessures. Nous, nous soignons les hommes.» écrit-elle. Elle évoque, entre autres, de façon ironique les blessés. Par exemple, le 6 août 1916, elle écrit : "Le costume des soldats s’appelle « », quelle ironie ! C’est «multiforme» qu’il faudrait dire car chacun s’habille à sa fantaisie, on ne trouverait pas dans tout l’hôpital deux hommes mis de la même façon. Les coiffures à elles seules sont très variées : bonnets de police, bérets, képis bleus ou rouges, il y en a pour tous les goûts. Pouzet est parti en permission, superbe dans un costume kaki, Ragonnaud a couvert son pansement de tête du béret de Morel ; artilleurs, cuirassiers, chasseurs ou fantassins, il faudrait être bien malin pour s’y reconnaître."




Ces quelques passages contextualisés proposés et annotés par Patrick Rolland sont loin d’évoquer ce que l’on trouve dans le journal de Séraphine Pommier. Pour le découvrir plus en profondeur, nous vous invitons à l’acheter au plus vite.


Rolland (Patrick), Journal de Séraphine Pommier, infirmière pendant la Grande Guerre, 1914-1918, éditions les passionnés de bouquins, Craponne, 2021, 18,50 euros

 

Voir aussi :


Editeur Les Passionnés de Bouquins. http://www.les-passionnes-de-bouquins.com/journal-infirmiere-grande-guerre/ 

vendredi 14 janvier 2022

Nouveauté livre : Hélène Martin & Yves Lecouturier ANNICK UNE RÉSISTANTE AU SERVICE DE LA MÉMOIRE (Mots-clés : FFI, résistance, MLN, Gestapo, Montluc, Lyon)

 

Annick Burgard n'a malheureusement pas eu la chance de tenir dans ses mains le livre qu'ont publié Yves Lecouturier et Hélène Martin aux éditions OREP en 2019. En effet Annick est décédée le 16 janvier 2019 à l'âge de 96 ans. Née le 7 février 1923 à Lyon, Clémence Jayet, qui deviendra l'Annick de la résistance, a grandi dans « les souvenirs de son père, revenu marqué par les tranchées de la première guerre mondiale ». Son prénom lui a été donné en hommage à Georges Clemenceau (1841-1929). 

 



Étudiante en droit en 1940, elle n'accepte ni l'armistice, ni le régime de Vichy entrant progressivement dans la résistance. En 1942, elle rejoint le mouvement Libération sud mais sans même le savoir. Étant donné son âge et son sexe, elle y exerce la fonction d'agent de liaison. Un temps elle travaille avec l'Armée secrète (AS) puis, en janvier 1944, passe aux Groupes francs (GF) de Lyon sous les ordres de Jacques Breyton, alias capitaine Marin. De caporal en 1942, elle termine au grade de sous-lieutenant le 27 août 1944. Dénoncée, elle est arrêtée le 3 août 1944. Conduite dans les locaux de la gestapo, elle y subit de dures interrogatoires avant d'être emprisonnée à la prison de Montluc à Lyon. Elle aura plus de chance que nombre de ses compagnons d'infortune déportés ou fusillés puis brulés. Annick Burgard « n'a pas été déportée et n'est jamais passée par le camp de Natzweiler-Struthof au cours de la guerre, elle n'en était pas moins une figure majeure de ce lieu de mémoire ». Libérée le 24 août 1944, elle travaille un temps au troisième bataillon de la prévôté régionale FFI puis rejoint les équipes affectées au retour des prisonniers déportés et réfugiés (PDR). Comme le soulignent les auteurs « Annick Burgard représentait un exemple de courage et d'engagement à une époque où cela pouvait entraîner la mort. » Toujours pour reprendre Yves Lecouturier et Hélène Martin « elle demeure l'une des personnes les plus engagées pour l'histoire et la mémoire de la Résistance et de la déportation comme en témoignent ses nombreuses expositions, ses actions envers l'amicale des rescapés de Montluc, le mémorial national de la prison de Montluc, le mémorial de Verdun, le musée de l'ancien camp de Natzweiler-Stuthof ou le musée de l'ordre de la libération » ou encore le musée de l'armée aux Invalides où elle fit un court passage comme documentaliste.


Ce petit livre illustré rend bien compte de ce que fut le travail d'un agent de liaison de la résistance. Outre cet aspect, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, le mémorial de Verdun, le MLN ou encore la libération de Lyon sont abordés dans de courts chapitres. Il est également intéressant de suivre le parcours d'Annick, de l'après guerre jusqu'à 2019, qui « demeure pour l'éternité une vois très active de la résistance ». Une figure touchante qui ne laisse pas insensible pas son parcours et sa volonté.


MARTIN (Hélène) et LECOUTURIER (Yves), Annick, une résistante au service de la mémoire, Bayeux, OREP éditions, 2019, 172 p. (illustrations en couleur et noir et blanc) 19,9 €