mercredi 24 juillet 2024

NOUVEAUTE LIVRE / Pierre Brana et Joëlle Dusseau COLLABORATRICES (Mots-clés : Collaboration, PPF, Gestapo, femmes tondues, actrices, Occupation)

 

Qu’est-ce que la Collaboration au féminin ? C’est, en substance, ce que Pierre Brana et Joëlle Dusseau ont cherché à définir au travers de leur livre Collaboratrices. Le sous-titre, Histoire des femmes qui ont soutenu le régime de Vichy et l’occupant nazi, 1940-1945, semble avoir, en partie, cerné la question, mais il n’en est rien, car le sujet est bien plus complexe qu’on ne le pense, souvent nuancé et contrasté. Certaines des personnes abordées dans ce livre peuvent-elles être considérées comme étant des collaboratrices ? pas certain.




De « quelques-unes à des milliers », les auteurs, cherchent, dans un premier temps à effectuer une typologie de la collaboration au féminin. Tout au long de leur étude, Pierre Brana et Joëlle Dusseau, s’appuient régulièrement sur l’édition de 1945 du fichier dit « des 100 000 collabos », une liste non exhaustive des « suspects et douteux », forte de 2106 pages et 96 492 noms de personnes. Chaque nom est suivi d’un ou plusieurs qualificatifs (cinquante) : « S » pour suspects, « Col » ou « C » pour collaboration, « Fra » pour Francisme, « Go » pour Gestapo, etc. Les femmes, et c’est là ce qui nous intéresse, y représentent 14 344 occurrences, mais dans les faits le chiffre « dépasse de beaucoup l’estimation de dix mille » de la liste.  Cette base a permis,  pour partie, de définir les différents types de collaborations : « les salonnières », « les filles de », les « épouses et concubines », les égéries, les engagées, les dénonciatrices et délatrices, la collaboration par le travail, les « amoureuses » et les intéressées. Comme le précisent avec beaucoup de bon sens les auteurs « A force de se focaliser sur les tondues, les actrices et les délatrices – qui continuent dans l’opinion à symboliser la collaboration dans le grand public -, on a oublié les autres engagements. La participation aux partis politiques, certes peu visible tant l’encadrement est masculin, est pourtant importante. Il y a deux engagements majeurs : le PPF de Doriot et le RNP de Déat. L’engagement du PPF est souvent lié à la LVF (…), et parfois à la Gestapo. » Un chapitre, « les engagées », malheureusement trop court, y est consacré.

La talentueuse Germaine Lubin, l’étrange Titaÿana, la sublissime Mireille Balin, et tant d’autres, sont de la cohorte de ces « femmes libres » vouées aux gémonies, à l’opprobre, « de même pour ces femmes tondues, ces mères d’enfants « maudits », jetées en spectacle, marquées durablement, voire à vie. » Les auteurs concluent leur livre avec justesse et sans jugement de valeur « Un certain nombre de femmes, magnifiques, ont utilisé cette possibilité (d’être seules et libres) en s’engageant dans la Résistance, au péril de leur vie. D’autres ont parfois utilisé cette liberté dans la collaboration. Nous avons toutes ces femmes en héritage. »

Collaboratrices est donc un livre véritablement inédit. C’est une intéressante synthèse, qui permet de comprendre et donne des pistes sur ce qu’est la collaboration au féminin. Le livre s’appuie sur une abondante bibliographie et un corpus de sources un peu faible. Nous avons noté l’absence de livres incontournables dans la bibliographie, comme : La Tondue de Philippe Frétigné et Gérard Leray ; collectif, Femmes en guerre, tome 2 (ETAI) ; Thérèse H., 17 août 1944, il est grand temps de faire ses paquets… ; Pierre Philippe Lambert et Gérard Le Marec, Paris et mouvements de la Collaboration, Paris, 1940-1944. Nous aurions aimé aussi que certains profiles soient plus développés. Mais cela aurait sans doute été difficile avec un livre de pas moins de 384 pages.

Collaboratices n’en demeure pas moins un excellent livre que nous conseillons plus que vivement si l’on ne connait pas les divers aspects de la collaboration au féminin.

 

BRANA (Pierre) et  DUSSEAU (Joëlle), Collaboratices, Paris, Perrin, 2024, 24 euros

 

mardi 23 juillet 2024

NOUVEAUTE LIVRE : Maryla Boutineau LES FEMMES DANS LES NUAGES (Mots-clés : aviatrice, pilote, aéronaute, parachutiste,pilotage)

 

Quelle belle initiative des éditions Heimdal de publier Les Femmes dans les nuages de Maryla Boutineau. Deux incroyables livres merveilleusement illustrés qui courent de 1784 à 1918 pour le tome 1 et de 1918 à 1945 pour le tome 2. Ils présentent les femmes aéronautes, parachutistes et aviatrices, du monde entier, qui ont couvert cette large période chronologique de leurs exploits. Autant dire que le sujet est vaste et presque impossible à cerner complétement. L’auteur c’est ingénieusement attachée à présenter, tout du moins pour le tome deux, ces femmes par continents et par pays, enfin par individuellement, mais sans suivre un ordre chronologique. Le tome 1er aborde, quant à lui, le sujet juste par pays, mais, là encore, d’une façon non chronologique.



On peut aisément qualifier ces deux opus de dictionnaires, dans lesquels on pioche à l'envie de l’information sur une pilote, un pays, voire un continent. Ce travail a dû demander une incroyable, une formidable, masse de travail et de recherche. En tous les cas le résultat en est plus que probant et réussi.

Une chose est cependant manquante, le continent africain. Hormis l’Egypte, l’Afrique du sud, la Rhodésie, l’Éthiopie, etc. ne sont abordés, alors même que ces pays eurent nombre de femmes pilotes, en temps de paix, mais aussi en temps de guerre. Dommage.



Maryla Boutineau c’est beaucoup appuyée sur la presse d’époque et internet pour concevoir son précieux travail. Une bibliographie de base est aussi au rendez-vous qui donne quelques pistes surtout en langue française.

Comme le précise la quatrième de couverture, « cet ouvrage fait revivre des personnages hauts en couleur qui, jusqu’à récemment, somnolaient dans des fonds d’archives d’une quarantaine de pays. » L’objectif est atteint, à merveille. On ne peut que conseiller ces deux beaux ouvrages bien documentés.

 

BOUTINEAU (Maryle), Les Femmes dans les nuages, tome 1, 1784-1918 29,5 euros

BOUTINEAU (Maryle), Les Femmes dans les nuages, tome 2, 1918-1945  39 euros

 

lundi 22 juillet 2024

NOUVEAUTE LIVRE : HELENE BOUCHER, La passion des airs (Mots-clés : aviatrice, aviation, pilotage, avion)

 

Bien des livres sur la jeune pilote Hélène Boucher (1908-1934), tuée dans un malheureux accident le 30 novembre 1934, ont vu le jour des années 1930 jusqu’à nos jours. Des biographies, bonnes ou moins bonnes, bien documentées ou non. Notons, parmi celles-ci, les livres de Bernard Marck (2003), Paul Thoraval (1948), Marguerite Escola (1946), Jacques Mortane (1936) ou encore Antoine Redier (1935).



Hélène Boucher, la passion des airs, édité par les amis de Yermenonville aux éditions Ella en est bien différent. Alors que, comme les autres, il retrace brièvement la brillante carrière de pilote d’Hélène Boucher, c’est sous un autre angle qu’il l’aborde, celui de l’intimité. En effet, en 2012, la nièce de l’aviatrice a fait don « à la commune d’Yermenonville d’un certain nombre d’objets et d’archives ayant appartenu à Hélène Boucher », au nombre desquels des documents manuscrits sous forme de feuillets et de correspondances. Dans le présent livre, ses écrits ont été regroupés dans des chapitres thématiques : Mont-de-Marsan où nait véritablement sa vocation ; le raid Paris-Saïgon en 1933.

« Chaque chapitre est introduit par une présentation contextualisant les écrits d’Hélène Boucher pour permettre au lecteur d’appréhender les circonstances qui ont donné lieu aux différents documents ». Au fil des pages, c’est une jeune femme affectueuse, drôle, volontaire, naturelle, « libres et familière »,  que l’on découvre au travers des lettres envoyées régulièrement à ses parents.  Avec ce livre, on comprend véritablement qui est Hélène Boucher, ses envies, ses espérances et sa pugnacité. 

En annexes, la vie et la carrière de pilote de l'aviatrice sont retracées au travers de repères chronologiques bien choisis. Ce qui permets de suivre plus aisément ses écrits. Notons enfin, que la partie sur les aviatrices et la cause féministe n'apporte pas grand chose à la connaissance du présent sujet.

Un livre à posséder si l’on s’intéresse à l’histoire de l’aviation, des aviatrices, mais surtout à Hélène Boucher.

 

Collectif, Hélène Boucher, la passion des airs, Lèves, Ella éditions, 126 pp., 20 euros

jeudi 18 juillet 2024

NOUVEAUTE LIVRE / Sylvie CAILLARD La mode des années 40, s’habiller sans renoncer (mots-clés : Mode, guerre, Occupation, vêtement)

 

La mode des années 40, s’habiller sans renoncer, de Sylvie Caillard, est une version entièrement revue et complétée de L’Elégance, comment être coquette sous l’occupation, paru en 2015, aux éditions Histoire et Collections. La présente édition est donc sortie aux éditions OREP basées en Normandie. Le livre est, en quelque sorte, une espèce de catalogue détaillé, par thématiques, de la mode entre 1940 et 1945, soit de l'Occupation à la Libération. La Drôle de guerre étant malheureusement absente de ces pages. Dix-sept sujets sont abordés parmi lesquels les revues de mode, nombreuses à l’époque, les tailleurs, les bijoux, les sacs à main, etc. Pour chaque chapitre, l’introduction est courte, l’accent étant mis sur l’image, plus que sur le texte ou les légendes. Par ailleurs, la qualité et le traitement des images rend  le livre tout particulièrement attractif.



Comme nous avions pu le dire dans un ancien post, il existe profusion de livres sur la mode de guerre dans les pays anglo-saxons, ce qui n’est pas le cas en France. Hormis l’incontournable livre de Dominique Veillon, La Mode sous l’Occupation, paru chez Payot en 1990, les seuls ouvrages accessibles sur ce sujet sont de rares catalogues d’expositions (Elégance et système D ; 1940-1944, se chausseur sous l’Occupation, etc.).


De fait, le livre de Sylvie Caillard donne de l’image à certains de ces livres qui en manquaient. Le chapitre consacré aux sacs à main est, sans doute, l’un des plus intéressant. Une chose manque cependant, la bibliographie, car les connaissances ne naissent pas dans les choux.

Notons que le livre s’enrichit de plusieurs reconstitutions particulièrement réalistes et réussies.

 

CAILLARD (Sylvie), La mode des années 40, s’habiller sans renoncer, OREP, 2024, 25,90 euros