En 2000, aux Etats-Unis
d'Amérique, parait, sous la plume de Patricia C. Mc Kissack, une
noire américaine native du Tenessee, l'ouvrage Nzingha :
warrior queen of Matamba. Il est traduit en 2006 chez
Gallimard jeunesse dans la collection Mon histoire sous
le titre de Nzingha : princesses africaine.
La narratrice y est généralement un personnage
historique (telles Anne de Bretagne ou Blanche de Castille) et à
défaut quelqu’un qui lui est proche comme la chanteuse de Vivaldi.
Trois fois sur quatre, il s’agit d’une fille, celle-ci raconte à
peu près une année de sa vie, celle où l'on peut considérer
qu’elle passe de l’enfance à l’état adulte, sans jamais
passer par une case adolescence qui à l’époque est un âge qui
n’entre pas dans les concepts des humains, à quelque endroit où
ils vivent. La plupart du temps, c’est à travers un journal tenu
régulièrement que l’on suit la vie de la narratrice.
Nzingha est née en 1582
dans ce qui deviendra la colonie portugaise d’Angola jusqu’au
milieu des années 1970, époque où non sans difficultés
intérieures l’Angola accède à l’indépendance. Patricia C. Mc
Kissack choisit de raconter la vie de son héroïne au travers de
chroniques mensuelles en indiquant le nom du mois en culture
occidentale et en kimbundu (une langue africaine). On démarre en
juillet 1595 pour terminer en septembre 1596 (mois où est décidé
qui sera son mari). Dès la troisième page Nzingha est présentée
avec des potentialités de guerrière :
« Aujourd’hui
avec mes amis, j’ai fabriqué des flèches et trempé leurs pointes
dans du venin de serpent, comme Njali nous l’a appris. Njalu est le
chef des Élus, les gardes du roi et il combat aux côtés de mon
père ». (page 9)
C’est un Portugais le
père Giovanni Gavazzi, vivant depuis environ vingt ans au Matamba
dans l’entourage royal la tribu qui incite Nzingha à tenir son
journal lusophone. Dans ce dernier, elle pose la question de la
traversée des esclaves depuis l’Angola jusqu’au Brésil. Des
auxiliaires des Portugais essaient de s’emparer d’elle alors que
Nzingha est isolée avec ses deux sœurs :
« Tandis que je
chargeais l’ennemi avec Mukambu, Kifunji a fait du raffut afin
qu’ils s’imaginent que nous étions plus nombreux. Puis j’ai
poussé un cri de guerre et j’ai lancé des flèches ».
(pages 74-75)
Comme d’habitude dans
cette collection des pages documentaires terminent l’ouvrage. Ici
elles traitent de la vie de l’héroïne depuis son mariage jusqu’à
sa mort, la présence portugaise en Angola depuis la fin du XVe
siècle jusqu’au XVIIe siècle, le devenir des personnages de
l’entourage de Nzingha.
Il est dommage que dans
cet ouvrage comme dans La reine Nzingha et l’Angola au XVIIe
siècle de Jean-Michel Deveau, il n’y ait aucune carte
géographique. Dans ce dernier titre pour les adultes on suit les
rapports fluctuants que notre personnage a entretenu avec les
Portugais et le catholicisme. L’ouvrage rappelle que le Manicongo,
un peu plus au nord, se convertit au christianisme dès la fin du
XVIe siècle. Les relations de Nzingha avec son frère, lorsqu’il
devint roi, furent souvent conflictuelles. Ce dernier fit égorger le
fils de Nzingha et celle-ci est soupçonnée de l’avoir fait
empoisonner. Pour supporter le choc psychologique des départs
définitifs de milliers d’hommes vers l’Amérique, la population
locale inventa un nouveau mythe qui est exposé au tour de la page
62.
Jean-Michel Deveau explique combien on est gêné de ne pouvoir
s’appuyer que sur des sources portugaises qui disent du bien d’elle
lorsqu’elle est catholique et alliée et parle de sa cruauté
incommensurable lorsqu’elle est l'ennemie des rois de Lisbonne.
Une
chose est certaine c’est que de 1623 à 1654 elle commandait son
armée et que les succès qu’elle remporta de 1630 à 1645 le
furent parce que les Hollandais passèrent alliance avec elle.
La couverture du livre de
Jean-Michel Deveau porte un cliché d’une statue de Nzingha érigée
à Kinaxixi en 2002 à l'occasion du 27e anniversaire de
l'indépendance.
En résumé voilà deux
ouvrages historiques qui permettent d’approcher une souveraine
africaine devenue héroïne nationale pour l’Angola d’aujourd’hui,
car porteuse d’une geste épique. Le premier insistant sur les
jeunes années de Nzingha en s’appuyant sur des connaissances
historiques solides, il est intéressant à lire par tous, y compris
les adultes.
Pour aller plus loin :
MC KISSACK (Patricia
C.), Nzingha : princesse africaine, Paris, Gallimard
jeunesse, 2006, 108 p.
DEVEAU (Jean-Michel), La
Reine Nzingha et l’Angola au XVIIe siècle, Paris, Karthala,
2015, 166 p.
AC