dimanche 18 novembre 2012

Livre : Femmes en uniforme et guerre d'Algérie, une bibliographie (Mots-clés : guerre d'Algérie, IPSA, EMSI, PFAT, SAS, ASFA, CRF, musulmanes)

La présence des Françaises dans la guerre d'Algérie semble, au premier coup d'oeil, mineure, voire inexistante, tant jusqu'aux années 90 elle ne toucha que peu le monde des historiens et son historiographie. Pourtant, les tâches qui leurs sont assignées ne sont ni symboliques, ni secondaires. Une activité, périeuse, pragmatique et laborieuse qui s'avère payante dans l'étrange guerre psychologique se jouant dans les djebels et les douars. Cette activité arrassante, le général Maurice Faivre travaille, depuis des décennies, en maître, à la décrire, la décortiquer et la rendre plus abordable tant le sujet se voit complexe. Il a publié quantité d'articles sur les femmes impliquées dans la guerre, l'action sociale et psychologique de l'armée.


Parmi ces ouvrages, notons : L'Action sociale de l'armée en faveur des musulmans, incontournable, paru à l'Harmattan en 2007 et La Croix-Rouge pendant la guerre d'Algérie, lui aussi paru en 2007. Publié aux éditions Autrement (2007), dans une autre mesure, le livre de Diane Sambron, Femmes musulmanes, guerre d'Algérie, 1954-1962, met en lumière les actions politiques et militaires du gouvernement français et "l'enjeu primordial que les femmes représentent dans la résolution du conflit", sans oublier l'action similaire, mais de bien moindre mesure, du FLN sur les musulmanes. Voici des livres qui cernent et décriptent le vrai rôle des femmes dans la guerre d'Algérie, mais des récits autobiographiques fournissent une vision plus personnelle sur leur implication dans ce conflit.


Les femmes servant dans des formations féminines (PFAT, EMSI), ou des formations mixtes (SAS, ASFA), ont laissé quelques témoignages se consacrant entièrement ou partiellement à la guerre d'Algérie. Seul, EMSI des filles comme çà ! de Christiane Fournier est paru au cours de la guerre, en 1959. Témoignage vivant, et vécu, des Equipes médico-sociales itinérantes (* voir aussi Jeanne Despré "La Chèvre" et Sereine est ma défaite parus durant la guerre). 


Trois PFAT se sont mises à l'écriture avec Engagée volontaire (Bredys) de Louisette de Rabastens et Ma Revanche d'Henriette Bertolotti-Martel. La PFAT Dominique Sidot, vétérante d'Indochine et d'Algérie, s'est libérée de l'expérience personnelle pour une transcription romancée de son vécu avec Sereine est ma défaite, éditions France Empire, 1962. Un roman présentant "le tableau frappant d'un village d'Algérie, endeuillé, meurtri mais animé d'une inaltérable énergie". Un plongée dans le monde des PFAT, des SAS, des Comités féminins et des musulmanes. 




Les femmes travaillant pour les SAS ont tracé au moins trois ouvrages : Avec beaucoup d'amour un combat de tous les jours (Editions des écrivains) d'Odile Leyx ; Solange Cuvillier, Tribulations d'une femme dans l'armée française (Lettres du monde) et Là où la piste s'arrête de France Parisy-Vinchon (Muller). 




Les assistantes sociales de l'Action sociale des forces armées (ASFA) relatent aussi leurs actions dans Trentes centimes (Lettres du Monde) d'Eliane Jughon-Kuntz et Odile Plisson dans J'étais assistante sociale avec les combattants d'Algérie (La Pensée universelle). Un opuscule publié en 1956 (Jeanne Despré "La Chèvre"), est consacré à Jeanne Despré alias "La Chèvre", membre de l'IPSA, disparue en Méditerranée le 31 décembre 1955 au retour d'une mission "Noël IPSA".



Revenons enfin aux EMSI.  Dans les années 2000, Ginette Thevenin-Copin, une ancienne des EMSI, a rédigé deux ouvrages sur ses 1650 jours passés auprès des enfants et des femmes algériens. Une route "semée d'efforts, d'embûches et de larmes" : Plaidoyer pour la paix (Mémoire de notre temps, 2002), Toubiba (éditions de Cambourg, 2005).

A notre connaissance aucun livre n'aborde le travail des FFA et des SFF.

Frédéric Pineau


Approche : Femmes militaires, militaria et collection


Jusqu'aux années 80, le monde du militaria, des collectionneurs d'insignes, d'uniformes ou de vieux papiers ne s'est que peu, voire pas du tout, intéressé au sujet des Françaises en uniforme des deux guerres mondiales. Pour quelles raisons ? Désintérêt flagrant, culte du guerrier, dédain pour tout ce qui n'est pas masculin et viril, méconnaissance, misogynie, en fait un peu de tout cela.

Durant les années 80 un seul collectionneur identifié comme tel se lance dans la collection de militaria féminin de façon sérieuse, mais son thème est presque perçu comme une déviance, un objet sans intérêt, un sujet de raillerie. Puis, des auteurs ont commencé à écrire un peu, peu nombreux certes, mais dont les travaux eurent un impact non négligeable sur le monde de la collection, citons, entre autres, le colonel Paul Gaujac, Frédéric Pineau ou encore Dominique Desjardins, plus orienté service de santé. Des auteurs spécialistes d'autres domaines y ont fait quelques incursions mais pour l'étranger (Allemagne, USA). Depuis 2000 un réel engouement se fait jour : des collectionneurs pointent timidement le bout de leur nez ou tombent dans la recherche frénétique de LA PIECE rare, de jeunes universitaires jettent leurs plumes dans la bataille et les prix comme la marée montent. Par ailleurs, les femmes et jeunes femmes qui s'intéressaient si peu au sujet le découvrent et cherchent à en savoir plus, à se l'approprier, une excellente chose. Tristement, c'est bien tard, les témoins étant partis rejoindre saint Pierre en rangs serrés, mais il en reste et c'est maintenant qu'il faut les interroger.

L'avenir appartient à ceux qui s'intéressent tôt ?

FP

samedi 17 novembre 2012

In memoriam : Tereska Torrès et Suzanne Counord (Mots-clés : France libre, Corps féminin, Indochine, PFAT, CARD, Seconde guerre mondiale)


Nous avons appris avec regret le décès de deux femmes militaires dont les noms ne seront étrangers à nombre de nos lecteurs et lectrices.

Tereska Torrès tout d'abord. Née le 3 septembre 1920 à Paris, sa mère fut conductrice pour le CARD (Comité américain pour les régions dévastées) au cours de la Grande Guerre et à ce titre décorée des mains du maréchal Pétain. En 1940, alors que son père, volontaire dans l'armée polonaise en France, rejoint l'Angleterre, Tereska soucieuse de poursuivre la lutte rallie Londres au mois d'octobre. A 19 ans, elle s'engage dans le Corps féminin de la France libre, tout juste naissant (matricule 16). Elle y sert comme secrétaire archiviste au bureau de la propagande et des affaires extérieures. C'est à Londres qu'elle rencontre son futur mari, Georges Torrès, qui trouvera la mort en octobre 1944 lors des combats de la 2e DB dans les Vosges. En 1948, elle se remarie avec l'auteur américain Meyer Levin.





Grâce à ses nombreux écrits, et particulièrement, le journal intime qu'elle tint pendant toute la guerre, nous avons la chance de pouvoir nous plonger dans la vie intime des volontaires de la France libre. Women's Barracks fut publié en 1951, et traduit dans plusieurs langues (anglais, italien, allemand, etc.), succès de librairie à l'époque, son auteur s'opposa à sa parution en France "par crainte de choquer" tant ses contemporains que certaines personnes décrites en ces pages. Women's Barracks est un roman initiatique érotico-saphique qui nous plonge dans la vie intime des Françaises libres, entre réalité et fiction, la frontière est parfois bien ténue. Hormis les grandes figures historiques, les noms et prénoms des volontaires ont volontairement été changés, mais au hasard des pages quelques noms familiers des connaisseurs se présentent. La toute jeune héroïne, qui fait partie du "dortoir des vierges" à la caserne des VF de Londres, tombe nez à nez sur sa sexualité qu'elle croit deviner au travers d'une volontaire quelque peu prédatrice. Mais, bien des pages après ses errements, elle découvre le vrai amour, l'amour masculin, et rejète en définitive et définitivement ses premiers pas dans une voie qui n'était pas la sienne. Délivrance !
La version française est parue seulement en 2011 sous le titre Jeunes femmes en uniforme. Auteur, Tereska a publié plusieurs romans, en français et en anglais, dont trois sur les Françaises libres de Londres : Les Années anglaises, Une Française libre et, bien entendu,  Jeunes femmes en uniforme.


Suzanne Counord est décédée en Eure-et-Loir à l'âge de 83 ans. Jeune infirmière diplômée, en 1946 Suzanne obtient son brevet de parachutiste. Engagée à l'âge de 21 comme PFAT du service de santé, elle sert comme infirmière coloniale en Indochine puis en Algérie. Ses obséques ont été célébrées en l'église Saint-Evroult-Notre-Dame-du-Bois le 15 novembre dernier. Pour plus d'informations la concernant :

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2012/11/13/suzanne-counord-l-infirmiere-parachutiste-s-en-est-alllee.html