lundi 1 avril 2019

LIVRE : MADELEINE PAULIAC, L'INSOUMISE de Philippe Maynial (Mots-clés : Croix-Rouge, AFAT, rapatriement, conductrices, déportés, prisonniers, viol, médecin, Pologne, Russie)

 Dans les premières pages de Madeleine Pauliac, l'insoumise nous pouvons lire « Madeleine sera pour les femmes de l'Escadron bleu un phare dans la nuit, une figure tutélaire, une amie précieuse (...) » elle « avait peut-être, en plus, une aura qui poussait chacun à la suivre, à lui faire confiance, à se reposer sur elle. »


 

Qu'était l'escadron bleu ? Une formation automobile de la Croix-Rouge française formée de conductrices ambulancières, vêtues d'un seyant uniforme gris-bleu aux insignes bleu de ciel et à la roue dentée en cannetille argentée, et d'infirmières. A 32 ans, Madeleine Pauliac (1912-1946) était médecin-lieutenant AFAT (Auxiliaires féminines de l'armée de terre), c'est à dire qu'à la différence des autres personnels de l'escadron elle avait le statut de militaire. Elle signa son engagement dans l'armée de terre le 30 novembre 1944.

La mission qui s'offre aux jeunes femmes de l'escadron est dantesque, faire revenir le plus possible de prisonniers, déportés et déplacés français en France avant que le rideau ne tombe sur les territoires sous contrôle russe.

« Toutes ces femmes sont jeunes, entre vingt-deux et vingt-neuf ans (…) à la fois féminines et décidées, souriantes et solides ». Comme le précise avec justesse Philippe Maynial, le neveu de Madeleine, « c'est le début d'une incroyable fraternité » dont témoignent les échanges épistolaires entre Madeleine et les conductrices de l'escadron bleu, mais « c'est aussi le début d'une épopée héroïque pour ces femmes, et Madeleine Pauliac la première, qui vont affronter un territoire des plus hostiles (Allemagne, Pologne, Russie), contrôlé par une armée violente (soviétique) et sûre de son bon droit, celui de piller, de tuer, de violer, de se « payer », en fait, des années de guerre et de privation. »

Au travers de Madeleine Pauliac c'est le destin et l'histoire des filles de l'escadron qui transpire « compatriotes perdus dans une tourmente indescriptible », celle du chaos de la fin de la guerre, de millions d'hommes, de femmes et d'enfants « libres » mais perdus, déboussolés, hagards, malades, mourants, traumatisés par de longues, d'interminables années de souffrance et de privations.

Et cela semble ne pas suffire. A la barbarie nazie c'est substituée celle des communistes. « Quand ils ont fini de violer, les Russes pillent et détruisent tout. » Ainsi Madeleine relate dans un rapport à l'intention de Roger Garreau (délégué du gouvernement provisoire en URSS de 1942 à 1945) le fait suivant : « Le lendemain de mon arrivée, une délégation de cinq bonnes soeurs catholiques allemandes travaillant à la Croix-Rouge est venue me trouver. Elles étaient vingt-cinq, quinze sont mortes, violées et tuées par les Russes. Cinq d'entre elles sont enceintes ; elles venaient me demander conseil et me parler avortement en termes voilés. » Cette terrible histoire n'est pas unique dans le livre et un autre fait, tout aussi douloureux, touchant cette fois des religieuses polonaises,  a inspiré le film Les Innocentes d'Anne Fontaine, sorti en salle le 10 février 2016, qui relate le travail de Madeleine et de l'escadron au travers de ce fait tragique (voir la bande annonce).


Les filles menèrent leurs missions en Pologne et en Russie jusqu'au bout malgré l'insoutenable tableau de misère que fut la libération des camps. Le choc fut moral et brutal. Simone Saint-Olive - Sainto -, l'une des « bleues » notera « serons-nous marquées à vie ?... c'est possible. » Les proches de Cécile Stiffler, autre « bleue », « raconteront plus tard, bien des années après la fin de la guerre, (…) à quel point elle a changé pendant ces mois de missions éprouvantes. Elle qui était toujours pleine de joie et souriante est revenue triste et réservée. »

La mort brutale et prématurée de Madeleine Pauliac ne marquera pas la fin d'une histoire, car une fraternité d'âme a perduré jusqu'à nos jours entre les « bleues » et leurs descendants.

Paru pour la première fois en 2017 chez XO, Madeleine Pauliac, l'insoumise est réédité chez Tallandier en poche. La plume souple et agréable de Philippe Maynial en fait un livre précieux, un témoignage pour l'histoire qui met un peu plus en lumière le travail héroïque de ces femmes modestes dans un contexte d'une violence inouïe.

MAYNIAL (Philippe), Madeleine Pauliac l'insoumise, Paris, Texto, Tallandier, 9,5 €



A lire ou à voir également sur l'escadron bleu :


MENAGER (Dominique), L'Escadron bleu, mai 1945-juillet 1945, Tours, éditions Le Roseau, 2003




FONTAINE (Anne), Les Innocentes (film), 2016, DVD et Blue-ray,

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