samedi 14 décembre 2013

Théâtre : JOURNAL D'UN IMBECILE

Nous reviendrons sur cette pièce avec une interview du metteur en scène Benoît Marbot.



PROCHAINE DATE : 



vendredi 21 mars 2014 à 14h15 & 21h

CENTRE CULTUREL DE COURBEVOIE


14 bis Square de l’Hôtel de Ville
92400 COURBEVOIE

Réservations au 01 49 97 90 22


Conférence : LES ENGAGEES FEMININES DANS LA FRANCE LIBRE ET L'ARMEE DE LA LIBERATION

Une conférence sur les engagées féminines dans la France libre et l'armée de la libération se tiendra au musée du général Leclerc de Hauteclocque et la Libération de Paris-musée Jean Moulin, le 8 mars 2014, dans le cadre de la conférence du samedi, à 10 heures.  Conférence par Christine Levisse-Touzé, directrice du musée et historienne.

23, allée de la 2e DB jardin Atlantique (au-dessus de la gare Montparnasse) Paris 15e arrondissement.

Renseignements et réservations : 01 40 64 39 44/52 ou cecile.cousseau@paris.fr / www.ml-leclerc-moulin.paris.fr

dimanche 24 novembre 2013

Livre : FRANCK et MICHELE JOUVE, La Vraie histoire des femmes de 14-18 (Mots-clés : Grande Guerre, première guerre mondiale, marraines, infirmières, artistes, écrivains, héroïnes)


"Où sont les femmes... ?". Oui, où sont les femmes ? Du moins, quelles femmes. Au travers de ces 144 pages en couleurs, Franck et Michèle Jouve ouvrent la porte aux femmes de la Grande Guerre. Le titre, alléchant, La Vraie histoire des femmes, 14-18, laisse entendre une histoire nouvelle, lavée de ses idées fausses, des erreurs passées, déterminée à dire la vérité. Qu'en est-il ?



Dès les premières pages, nous entrons dans le vif du sujet comme dans du beurre sans aucune préface introductive. Les 11 chapitres s'égrènent ainsi sans réelle jointure : Les femmes témoins, Les pionnières et visionnaires, Hommage aux héroïnes, etc. On ne sait si les femmes honorées sont les Françaises ou les Européennes, même si l'élément français prédomine. Cette réflexion n'est pas anodine, car les enjeux et les implications ne peuvent se mélanger d'une nation à l'autre. De la femme russe, à la femme belge, en passant par l'allemande, la serbe, la britannique ou la française, des destinées variées propres au foyer national, à l'héritage social, au statut des femmes, à la situation géographique du temps de guerre, etc. modèlent l'engagement.

Les sujets abordés : héroïnes, espionnes, infirmières, écrivains, artistes sont, certes, pour quelques-uns, les figures emblématiques incontournables de la femme de la Grande Guerre, particulièrement les infirmières et plus anecdotiquement les héroïnes. Selon nous, la guerre a créé, chez les femmes, de nouvelles catégories sociales, augmenté et renouvelé les effectifs dans d'autres milieux : infirmières, prostituées, veuves de guerre, marraines de guerre, ouvrières, paysannes, ainsi que toutes ces femmes qui ont remplacé les hommes mobilisés (transports, administrations, etc.), "voilà l'ami camarade !" oserions-nous dire. De cet ensemble, compact, varié, si dissemblable, sont sorties quelques héroïnes et martyres. Le dernier chapitre (En poste sur tous les fronts) laisse à penser un sot dans cette recomposition sociale, mais il n'en est rien. Il se résume en des photos (intéressantes) mais pas étayées par un texte explicatif, si ce ne sont des légendes très convenues. Les ouvrières, les veuves et les prostituées sont les grandes absentes.



La littérature sur les femmes de la Grande Guerre est bien trop marquée par les sciences sociales au détriment d'une histoire du réel et du vécu. Trop souvent l'engagement féminin se résume en des figures choisies avec les yeux d'aujourd'hui, en des rapports hommes/femmes dans une guerre larvée des sexes et en des bizarreries de "genre". La littérature sur la Grande Guerre des femmes publiée depuis les années 1990 en est symptomatique. Elle répond à des attentes, non à des faits, et encore moins à des réalités. Constat : une histoire féministe et de lutte sociale plutôt qu'une histoire des femmes.

L'ouvrage finit sur une phrase de Gustave Lebon "La guerre aura plus fait pour l'indépendance des femmes que toutes les élucubrations féministes pendant cinquante ans." Ce dernier devait ignorer l'engagement patriotique des féministes réformistes pendant la guerre ; un travail important qui permit de placer les femmes, de mettre en place un soutien social aux ouvrières, de créer les premières conductrices militarisées aux armées, d'aider les femmes démunies, etc. Le changement ne vint pas non plus avec la victoire puisqu'il était amorcé dès avant la guerre qui d'ailleurs ne fut nullement émancipatrice comme on aime à le dire.

Qui aime bien chatie bien dit-on. Malgré ces lignes, nous reconnaissons l'intérêt de chapitres comme Les marraines de guerre ; Les femmes à la page ; Les femmes sur scène ; les Figures sacrées et profanes, comme les fameux porte-bonheur en laine, Nenette, Rintintin et leur enfant Radadou. L'iconographie se fortifie des milliers de visuels existant sur les femmes de la Grande Guerre. Nous déplorons cependant que des photos d'infirmières allemandes ou britanniques illustrent l'effort de guerre des infirmières Françaises de la Croix-Rouge.

Somme toute, un beau livre pour les fêtes.

Franck et Michèle Jouve, La Vraie histoire des Françaises, Chronique éditions, 2013

vendredi 15 novembre 2013

Conférence : Les femmes en Résistance en région Centre


L'ÉRIL participe aux Salons de l'Histoire du Lycée Choiseul de Tours.

A ce titre une conférence sur le thème "Les femmes en Résistance en région Centre" est donnée le vendredi 22 novembre à 09h30.

Elle se déroule au salon Madame de Pompadour.au lycée Choiseul.

mardi 29 octobre 2013

Parole à : Annick de Fornel pour son livre DESTIN (ambulancière, ambulancières, conductrice, SANA, AFAT, SSA, Indochine, seconde guerre mondiale, Croix-Rouge)


L'auteur de Femmes à la guerre (récits et dessins inédits 1940-1944), madame Annick de Fornel, vient de publier une nouvelle version de ce roman épistolaire sous le titre de Destin.

Elle a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions sur le présent ouvrage et le parcours de guerre de sa mère, nous l'en remercions vivement.


Pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Née le 20 avril 1948 à Alger, j'ai été rapidement attirée par les arts, l'exemple de maman, ses peintures, ses jardins, ses créations de vêtements, ont  bercés mon enfance. J'ai poursuivi mes études à Limoges, aux Arts décoratifs section publicité. Puis une formation de peintre sur porcelaine dans les ateliers d'arts de mon père,  j'ai ensuite ouvert un atelier de peinture sur porcelaine dans les environs du lac de Vassivière en Limousin, j'étais parallèlement, professeur de dessin d'art à la Chambre des Métiers de Limoges jusqu'en 1990. Dès 1987 Je me suis intéressée à l'outil informatique, et j'ai monté une entreprise de prestations de services dans ce domaine, avec création de 2 emplois. C'est en 1991 que j'ai intégré l'entreprise Legrand - Limoges -appareillage électrique, jusqu'à ma retraite en 2010 (j'étais chargée de communication pour le service formation). Mais J'ai toujours continué la peinture.  



Vous avez découvert le parcours de votre mère et ses travaux après sa mort ? 

En effet, et même après le décès de mon père en 2006, étant fille unique j'ai pu découvrir l'ensemble de ses documents tels qu'elle les avait laissés. Extrêmement bien classés et identifiés, comme tous les sujets qui la passionnaient : collections de plantes grasses d'ouvrages d'art, ses dessins de planches botaniques sur les champignons, ses plantes médicinales ainsi que ses toiles aquarelles et croquis divers. 
En fait,  je me suis lancée dans cette aventure en découvrant les courriers que maman écrivait à ma grand mère, puis les dessins qui s'y rapportaient, j'ai voulu transmettre cela à mes 3 enfants, pour que ces précieux (pour moi) documents ne soient pas morcelés. Mais je n'ai jamais été formée à l'écriture ni aux logiciels de mise en page. J'ai donc pris des cours particuliers pour apprendre à me servir des bons outils (indesign et photoshop). Cela a été la première phase d'une année.


En parlait-elle ? 

Non très peu, quelques fois elle racontait l'exercice périlleux des routes enneigées de la Corse, au volant de sa grosse ambulance, mais aucun détail. De ses formations de sa vie d'ambulancière et d'AFAT, j'ignorais tout.  

Pouvez-vous nous retracer son parcours de guerre ? 

En dehors du résumé en fin d'ouvrage, issu des documents qu'elle avait conservés, je ne sais rien. Mon père parlait quelques fois de la période où il avait été prisonnier en Allemagne et son évasion mais pratiquement rien sur lui aussi.



Selon vous quel aspect est le plus important, le texte ou les illustrations ? Les deux peut-être ? 

Il me semble que les deux sont importants : les illustrations, car c'est un témoignage illustré et plus rare que les récits plus nombreux. Le fait qu'elle soit "chargée de la petite chronique illustrée" de son groupe donne un aspect vivant du "journalier (comme vous le soulignez elle essaie de passer outre les évènements dramatiques et s'attache à faire ressortir le côté humoristique).
Concernant les textes, même s'ils racontent davantage des "évènements" ponctuels et des "ambiances",  me paraissent également importants, car ils décrivent les lieux d'une plume imagée et les pays qu'elle va traverser,  Egypte, Israël, Irak comme des endroits paradisiaques, on a du mal à les imaginer de cette façon aujourd'hui. 

Pourquoi une seconde édition au tome 1 ?  

Une fois terminé et imprimé, j'ai eu le sentiment que "femme à la guerre" n'était pas le bon titre, elle ne parle pas de combats, d'interventions militaires. Par contre son destin a basculé, elle quitte les Beaux-Arts, le cocon familial,  c'est un changement de cap complet, il a fallu du courage de la détermination et s'imposer à ses parents je suppose : d'où le titre DESTIN qui me parait mieux approprié. Son aquarelle du port d'Alger collait bien avec son départ pour la Corse.
Quelques remarques aussi, m'ont amenées à restructurer les chapitres et surtout à faire ressortir les pages qui marquent le début de ses écrits, et bien sûr j 'ai un peu remanié et corrigé le texte.

  



Quand les deux prochains tomes, consacrés à l'Asie, sortiront-ils ?  

Il faut que je m'y remette, pas de date pour le moment, je viens de terminer un autre ouvrage sur les planches botaniques de maman, car j'ai été invitée à faire une exposition sur ses tableaux, émaux et dessins ce mois ci avec présentation de ce livre.



Comment peut-on se procurer Destin ? 

Sur mon blog : j'ai mis un lien pour obtenir le bulletin de commande http://artys.id.st/art-et-litterature-p256389

dimanche 13 octobre 2013

Livre : Evelyne Morin-Rotureau, Françaises en guerre, 1914-1918 (Mots-clés : 1914-1918, Grande Guerre, première guerre mondiale, féminisme, arrière, veuves de guerre, marraines, prostituées, infirmières, infirmière)


Alors que le centenaire du début de la Grande Guerre approche, les éditions Autrement publient Françaises en guerre, 1914-1918, devançant ainsi de quelques mois les premières publications. Un ouvrage collectif dirigé par Evelyne Morin-Rotureau. Parmi les auteurs a y avoir participé nous retiendrons, Yvonne Knibiehler, Annette Becker ou Françoise Thébaut qui, en publiant La Femme au temps de la guerre de 14 chez Stock en 1986, avait dévoilé l'histoire méconnue des Françaises au cours de cette guerre meurtrière.



Ne le cachons pas, Françaises en guerre est une adaptation en images, revue et corrigée, du livre Combats de femmes, 1914-1918, publié en 2004 aux éditions Autrement. Le sommaire d'origine a connu quelques bouleversements, mais l'essentiel est au rendez-vous. Les auteurs demeurent les mêmes. Cinq thèmes principaux jalonnent ces 223 pages : la vie publique, la vie privée, les femmes sous l'occupation, une guerre émancipatrice ?, une femme nouvelle. Il faut rapidement rappeler que la guerre ne fut émancipatrice et que le rôle des féministes dans la mobilisation des femmes fut primordiale. "L'arrière" a vu l'augmentation de nouvelles catégories sociales : veuves de guerre, prostituées, marraines de guerre et femmes en uniforme. C'est en substance ce que vous trouverez au gré des lignes, des pages et des images.



Françaises en guerre clos ses pages sur une question presque existentielle. Au terme de ces années de guerre, une femme nouvelle est-elle sortie de terre ? Mais, peut-on seulement trouver un semblant de réponse dans l'art et la littérature ? Là est la question.

L'iconographie, part importante du livre, est bien choisie, révélatrice de l'imagination des artistes et de la variété des supports. Nous aimons particulièrement le choix de couverture, une livreuse des magasins du Printemps en uniforme bleu. Toutefois, nous regrettons l'emploi pages 21, 36 ou encore 51 de visuels étrangers pour représenter la France alors qu'il existe tant d'images réalisées in patria sur ces thématiques. Le seul vrai bémol vient de l'affiche de la page 179 qui malheureusement ne date pas de la première guerre mondiale, mais bien de la seconde !

Ne chipotons pas... C'est un bel ouvrage, d'un beau format, texte intéressant qui peut faire débat (d'où l'intérêt), une iconographie agréable... Un parfait cadeau pour Noël.


Evelyne Morin-Rotureau, Françaises en guerre, 1914-1918, Paris, Autrement, 223 pages. (30 euros)


Ouvrage disponible en librairie, chez l'éditeur ou sur les sites de vente spécialisés.

jeudi 19 septembre 2013

8 QUESTIONS A : MARIE-JOSE CHAVENON POUR SON LIVRE INES LYAUTEY (Mots-clés : infirmière, Maroc, Grande Guerre, maréchale, Croix-Rouge)


La brillante carrière du maréchal Hubert Lyautey est connue de tous (du moins presque...), pourtant celle de son épouse Inès Lyautey, née Inès de Bourgoing, restée dans l'ombre de son époux, n'a presque jamais été évoquée. Elle n'a cependant rien a envier à son illustre et "étoilé" mari.

Née un 5 janvier 1862, Inès Lyautey obtient son diplôme d'infirmière le 21 juin 1901. Diplômée, elle sert au Maroc en 1906, participe à la Grande Guerre, etc. Sa vie se partage entre France et Maroc. Les affectations se suivent ainsi jusqu'au mois d’août 1940, date à laquelle elle est appelée à la vice-présidence de la Croix-Rouge française unifiée tout juste naissante. Faite commandeur de la Légion d'honneur en 1946, elle décède le 9 février 1953 à Casablanca au Maroc.

Son histoire est évoquée dans un ouvrage de 259 pages bien fournies écrites sous la plume de Marie-José Chavenon. Inès Lyautey, paru aux éditions Gérard Louis, en 2010, est un ouvrage richement documenté, bien mené, fourmillant d'anecdotes connues ou l'étant moins. Mais laissons donc la parole à Marie-José Chavenon pour nous présenter "son" Inès Lyautey.




1/ Pourquoi ce choix d’Inès Lyautey ?



Infirmière récemment retraitée, j’ai lu en 2002 un article, dans un magazine professionnel, sur cette personnalité dont je n’avais jamais entendu parler, alors que, passionnée d’Histoire, je connais bien le parcours du maréchal Lyautey. Intriguée, cherchant à en savoir plus et comprenant que rien n’avait été publié sur cette inconnue, j’ai décidé d’en écrire la biographie.




2/ La campagne du Maroc une période formatrice dans sa carrière ?

Inès de Bourgoing, veuve du colonel Fortoul, a débarqué pour la première fois au Maroc en 1907, où l’armée menait une campagne destinée à pacifier les populations tribales agitées dans la région de Casablanca. Les 2 mois de sa mission l’ont marquée profondément et durablement. Elle s’est plongée dans le travail en développant des qualités de soignante remarquées par sa hiérarchie, tout en découvrant le charme du pays. La rencontre avec Lyautey, quelques jours avant la fin de sa campagne, a-t-elle contribué à l’enraciner dans l’amour du Maghreb, ou aurait-elle eu ce même désir sans lui ? Il est certain qu’elle aurait demandé à exercer dans les colonies, si l’on en croit ses lettres écrites avant la rencontre.



3/ Un mot sur l’infirmière

Issue d’un milieu aristocratique et fortuné, son père, le baron Philippe de Bourgoing était Ecuyer de Napoléon III, et sa mère, héritière des filatures D.M.C. de Mulhouse, elle a suivi tardivement ses études à la Croix-Rouge, diplômée à 39 ans, moins par vocation que pour satisfaire au dévouement socialement valorisant de son milieu, lié à l’obligation rituelle de prendre soin d’autrui par idéologie religieuse. D’un caractère affirmé, elle est rapidement montée dans la hiérarchie avec des responsabilités importantes, tout en restant toujours très active sur le terrain. Être nommée directrice générale de la Croix-Rouge à l’âge de 78 ans, confirme sa puissance de travail ajoutée à son autorité naturelle.




4/ Un mot sur la maréchale

Elle fut d’abord la générale par son mariage en 1909, puis la maréchale lorsque Lyautey fut nommé maréchal de France en 1921. Elle n’accordait pas plus d’importance à ce titre qu’aux nombreux autres, reçus au fil des années, même si elle a parfois laissé paraître sa fierté d’être alliée au grand homme. Elle savait néanmoins se servir de ce statut lorsqu’elle avait besoin d’appuis et de fonds pour faire avancer la cause de la Croix-Rouge en Afrique du Nord.


5/ Quel impact son travail social a-t-il eu au Maroc ?

Elle n’a eu de cesse de créer en permanence des hôpitaux, dispensaires, maternités, gouttes de lait (PMI), sanatoriums, maisons de convalescence, etc. Elle insistait beaucoup sur l’éducation sanitaire des populations, attentive à quadriller le pays jusque dans les bleds les plus reculés. Elle a ouvert des écoles d’infirmières dans les grandes villes, et la formation d’un personnel marocain destiné aux hôpitaux (brancardiers, femmes de ménage, cuisiniers, etc.)
Grâce à son action efficace (elle allait même supplier la Red Cross américaine lorsque la française avait du mal à suivre !), le Maroc a pu se doter d’une puissante infrastructure médicale, œuvre gigantesque dont les bâtiments sont toujours présents et opérationnels de nos jours. Ce travail majeur a fait sortir le Maroc de la misère médico-sociale qui sévissait encore avant la nomination de Lyautey comme gouverneur en 1912. Des maladies endémiques ont été éradiquées, d’autres efficacement soignées, sans jamais oublier la prévention spécifique à chaque type de maladie.


6/ Une femme discrète ?

Inès Lyautey ne s’est jamais mise en avant, pratiquant l’humilité comme une seconde nature. Elle acceptait les remises de récompenses et médailles comme une obligation liée à son travail, n’en tirant aucune gloire, absolument muette sur le sujet. Aimable, conviviale, toujours à l’écoute des problèmes, elle faisait l’unanimité autour d’elle. En revanche, s’il fallait « monter au créneau » pour mener à terme ses projets professionnels, elle pouvait être têtue et mordante avec les interlocuteurs.

7/ A-t-elle vécu à l’ombre de son mari ?

Vraiment pas. Elle est toujours restée indépendante et active, n’hésitant pas à déserter continuellement le foyer, toujours dans le cadre de son travail. Lyautey, qui appréciait sa présence rassurante et ses qualités de maîtresse de maison, tant pour les réceptions officielles que pour le confort de leur intimité, pestait contre ses absences trop longues à son goût.


8/ Comment la définiriez-vous en deux mots ?

Jolie et jouissant d’une excellente santé, elle était intelligente, cultivée, consciencieuse, raffinée, élégante et en un mot, brillante. Elle était aussi têtue, insistante, autoritaire, sévère, dans le cadre d’activités professionnelles qu’elle menait de main de maître, où elle ne tolérait aucune erreur, ni aucune faiblesse, appliquant ce concept en priorité à elle-même, en travaillant jusqu’à l’âge de… 90 ans !



Marie-José Chavenon, Inès Lyautey, Haroué, éditions Gérard Louis, 2010.


Ouvrage disposible sur les sites de vente en ligne : Amazon, Fnac, Priceminister, etc.

Merci à Marie-José Chavenon d'avoir répondu si aimablement à nos questions.




vendredi 6 septembre 2013

8 QUESTIONS A : CHANTAL ANTIER (mots-clés : Grande Guerre, première guerre mondiale, résistance, espionne, espionnage, Ramble)


Cette nouvelle rubrique donne la parole à un auteur, un historien... Pour l'inaugurer, nous donnons la parole à l'historienne Chantal Antier pour son livre Louise de Bettignies paru chez Tallandier. Notre prochaine invitée sera Marie-José Chavenon pour son livre Inès Lyautey paru aux éditions Gérard Louis et dont nous ferrons une recension dans un futur post.




1/ Pourquoi ce choix de Louise de Bettignies et pas une autre héroïne ?

Après avoir vu un film sur Louise de Bettignies pendant la seconde guerre, et très frappée par son destin,  j’ai décidé plus tard de m’intéresser en tant qu’historienne de la Grande Guerre à ces femmes dont on a peu parlé en dehors des films sur Mata-Hari la « fausse espionne ».

2/ Qui était-elle ?

Louise de Bettignies est le huitième enfant d’une famille lilloise d’origine belge dont le père dirige une usine de faïence renommée à Saint-Amand-Les-Eaux en association avec un frère et un beau-frère. Elevée dans un pensionnat religieux selon la tradition des familles catholiques du Nord, elle montre rapidement sa personnalité originale, indépendante mais profondément pieuse. Envoyée par son père en Angleterre, pour y poursuivre ses études, elle apprécie la liberté offerte et les débuts du féminisme. La mort de son père la pousse à trouver du travail comme préceptrice en France et en Europe jusqu’à la veille de la Grande Guerre. A son retour se déchaîne la guerre de 1914 où dès octobre sa ville est envahie par les Allemands, après la Belgique déjà occupée. Elle envisage très vite de résister soit en nourrissant les combattants français près de chez elle, soit en acceptant de transporter plus de 600 messages de Lillois à leurs parents réfugiés en France lors de son voyage pour retrouver sa famille. Elle est sollicitée en passant à Folkestone en Angleterre pour travailler avec les services secrets britanniques puis en France par les services secrets français. Elle accepte de créer le réseau Ramble à Lille pour les Britanniques et prend le nom d’Alice Dubois. La dureté de son combat la pousse à trouver une amie chaleureuse, prête à partager ses angoisses et ses distributions de messages  : Léonie Vanhoutte devenue Charlotte Lameron. Toujours ardente, sans peur devant les pires difficultés, elle traverse avec son amie au péril de sa vie la Belgique occupée. Elles sont arrêtées en septembre 1915 l’une après l’autre sans que la police allemande ne fasse le rapport entre elles. Elles se retrouvent dans la prison de Saint Gilles à Bruxelles où par une ruse de la police, leur travail commun est découvert. Le 16 mars 1916, Louise est d’abord condamnée à mort puis au bagne à perpétuité et Léonie à 15 ans de prison. Très maltraitée au bagne de Siegburg, considérée comme rebelle, car elle veut faire appliquer les Conventions de Genève, elle garde malgré tout espoir de sortir grâce aux démarches de sa famille, de ses amis et de ses prières. Très malade après deux jours au cachot, une opération faite en prison, elle est enfin emmenée à l’hôpital de Cologne où elle garde encore espoir d’être envoyée en Suisse. Elle meurt le 18 septembre 1918. Ce courage, cette droiture et cette liberté d’agir et de penser l’ont parfois fait juger comme exaltée à une époque de guerre où pourtant des femmes se sont révélées aussi courageuses que les soldats.

3/ Espionne ou résistante ?

De résistante Louise est passée agent secret, le rôle est différent quoiqu’aussi périlleux et courageux. Parlant plusieurs langues, dirigeant un groupe d’espions, parfois arrêtés et à remplacer, transportant des messages, parfois du matériel radio ou des pigeons voyageurs, elle doit suivre les consignes de ses chefs britanniques et même aller parfois jusqu’à Londres prendre les consignes.

4/ Un mot sur le réseau Ramble

Le réseau Ramble est un des rares dirigés de l’extérieur, par les services secrets britanniques au contraire de plusieurs essentiellement belges et dirigés par une femme. Un bureau se trouve à Flessingue, Pays-Bas, le Foreign Office dirige des bureaux en Angleterre à Folkestone ou à Londres. Très rapidement, Louise réunit quarante personnes grâce à une équipe de résistants déjà spécialisés dans le passage de soldats ou de jeune gens de Belgique aux Pays-Bas pour continuer le combat contre les Allemands.

Les secteurs d’espionnage sont confiés à des hommes et des femmes de ce groupe qui recrutent, surveillent et réunissent les messages à jour fixe dans des lieux passagers (bars, commerces) Louise lit ces informations et les condense, Léonie est chargée de les mettre sur papier japon avant leur transfert dans des cachettes sous les déguisements.

Au moment de l’arrestation de Léonie, quatre-vingts personnes travaillent soit régulièrement soit temporairement pour ce réseau.

(Depuis mon livre plusieurs personnes m’ont écrit pour me dire que leur grand-mère ou arrière-grand-mère avait travaillé avec ce réseau et m’ont envoyé des preuves)

5/ Peut-on comparer la résistance de la Grande Guerre à celle de la seconde guerre mondiale ?

Je ne pense pas que la résistance en 1940-1945 ait été la même qu’en 1914. Il y a eu une organisation de la Résistance en France, parce qu’elle a été entièrement occupée, même si l’aide de l’Angleterre a été importante. Différents groupes ou partis avant l’arrivée de Jean Moulin existent  : militaires démobilisés ou mis à la retraite anticipée, parti communiste : FTP, FFI, jeunes contre le STO etc. Peu de femmes ont dirigé un réseau mais les peines ont été parfois aussi violentes, camps de déportées, déjà commencés en 1915 en Allemagne mais moins organisés comme en 1940-1945.

6/ Quels apports nouveaux les archives de la famille de Louise de Bettignies ont apporté à la réalisation du livre ?

Les archives et photos familiales surtout les lettres écrites en prison, les contacts avec des descendants, m’ont permis de sortir de l’image présentée par les livres écrits sur Louise surtout par ses proches. Je pense avoir appréhendé la personnalité réelle de cette femme que la famille si elle l’a considérée comme une héroïne n’a pas voulu que son nom reste attaché à l’idée d’espionnage. J’ai tenté de comprendre aussi sa haine des Allemands, même avant la guerre, sans doute parce qu’elle avait été élevée dans les souvenirs de la guerre de 1870 dans le Nord.

Les livres antérieurs écrits entre 1919 et 1938, témoignages d’espionnes ou de résistantes, également les archives de Bruxelles avec les lettres de femmes du réseau Ramble recueillies en 1920 sont intéressants, car ils montrent aussi comment à cette époque où on pense surtout aux années folles le drame de nombreuses femmes dévouées à leur patrie a existé.

7/ Sur quelle autre héroïne de la Grande Guerre souhaiteriez-vous écrire ?

Pour le moment je ne pense pas à écrire un autre livre même si la biographie de certaines femmes m’intéressent.

8/ Selon vous, l'histoire des femmes, au cours des deux conflits mondiaux, a-t-elle trouvé son public en France ?

Je me réjouis de savoir qu’un livre d’histoire écrit par de nombreuses historiennes commence à être utilisé dans les programmes scolaires. Françoise Thébaud, la première à écrire sur les femmes en 1914 a ouvert une voie qui m’a encouragée, son livre sera prochainement réédité. (Ndb : Françoise Thébaud, La Femme au temps de la guerre de 14, Paris, Stock, 1986)

Merci à Chantal Antier d'avoir répondu à nos questions.

vendredi 30 août 2013

Livre : Annick de Fornel, Femmes à la guerre, 1940-1944 (mots-clés : seconde guerre mondiale, AFAT, SANA, CRF, Calcutta, ambulancière, conductrice, Force 136, Corse, Alger, Tunisie )


L'ouvrage captivant de Marthe Varnier, publié par sa fille Annick de Fornel, est bien plus proche du récit de voyage que du récit de guerre. Il est tiré de son carnet de route et des lettres envoyées à sa famille. 

Marthe Varnier est née en 1919 à Bérouaghia, près d'Alger. "Petite-fille d’un haut-commissaire de France au Maroc, cadette de deux sœurs jumelles plus âgées qu’elle, elle grandit dans le sérail de ces familles dont bien des aïeux ont marqué l’Histoire." D'ailleurs son père est administrateur des communes mixtes de l’arrière pays. 

Sa carrière militaire débute en juin 1940 à la Section sanitaire automobile féminine (SSA) d'Alger, puis elle s'engage à la Section automobile nord africaine (SANA) de la Croix-Rouge française en avril 1942. Le 1er janvier 1943, elle est décorée de la Croix de guerre, avec citation à l'ordre de la brigade, pour son courage lors d'événements survenus au mois de novembre 1942. Le mois suivant, elle s'engage dans l'Arme féminine de l'armée de terre (AFAT) comme conductrice. Les affectations se succèdent Tunisie, Alger, la Corse, un bref passage en Egypte et enfin la Force 136 à Calcutta. Ces 183 pages se lisent avec plaisir et d'un trait. Illustré de croquis et de dessins originaux de l'auteur (en couleur et en noir et blanc), artiste peintre, émailleur, diplômée des beaux arts d'Alger et de Calcutta, le récit n'en est que plus magnifié.



Marthe Varnier donne une vision très humaine de la guerre qui dans le cas présent se libère (volontairement ?) des récits guerriers. Le chapitre 3, un cimetière "sans dessus dessous" est terrifiant et bouleversant de par sa description crépusculaire. Sans doute, les pages les plus dures d'un voyage gai, vif, parsemé d'humour.

Ce tome est le premier d'une série de trois. Les deux autres, non parus à ce jour, parlent de l'Inde et de l'Indochine, une période couvrant les années 1944 à 1948.

Bien que paru récemment, en 2011, ce livre est aujourd'hui introuvable.

Pour en savoir plus sur les dessins de Marthe Varnier c'est ICI

FP

jeudi 1 août 2013

Livre : Corinna von List, Résistantes (Mots-clés : résistantes, résistante, résistance, seconde guerre mondiale)


Résistantes, au titre original de Frauen in der Résistance, est une vision allemande de la résistance française vécue au féminin. La version allemande de l'ouvrage est parue en 2010.

L'auteur de cette étude, Corinna von List, est berlinoise. Docteur en histoire, elle est chargée du projet "La France dans la deuxième guerre mondiale" à l'institut historique allemand de Paris.



Son approche est quelque peu déconcertante, car ne répondant à aucune structure. Les sujets se suivent, sans lien, ni logique particulière. Chaque chapitre aborde une thématique liée à la résistance et à l'action qu'y menèrent les femmes : presse clandestine, assistantes sociales, faux papiers, opératrices radio, etc. La présence du chapitre sur Berty Albrecht peut donc surprendre car ne répondant pas à une thématique spécifique. Pourquoi elle et pas une autre ? Dans ces pages, la résistance intérieure est trop souvent divisée en deux groupes (communiste et gaulliste), sans nuances, ni contrastes.
Quelques propos ne sont pas suffisamment étayés, ce qui peut, parfois, laisser penser à des suppositions de l'auteur. Ce qui n'est sans doute pas le cas.

Un livre intéressant, bien documenté (sources et bibliographie), complémentaire de ce qui a été écrit sur les résistantes. Une approche par thématiques nouvelle pour une historiographie fournie. Notons la présence d'un chapitre sur un sujet peu connu les femmes de la Cimade.

Corinna von List
Résistantes
Paris, Alma éditeur
2012

384 pages.

Livre disponible en librairie ou sur les sites vente par correspondance.

mardi 30 juillet 2013

Livre : Guy Perrier, 12 résistantes qui ont changé l'Histoire (Mots-clés : résistantes, résistante, résistance, seconde guerre mondiale)


La collection 12 femmes qui ont changé l'Histoire, des éditions Pygmalion, c'est attaquée aux résistantes Françaises de l'intérieur et de l'extérieur pendant la seconde guerre mondiale. Par ce biais, l'auteur, Guy Perrier, entré dans la résistance dès l'âge de 15 ans, en décembre 1940, nous présente ici 12 portraits de résistantes qui ont "changé l'Histoire" avec un grand H. Ces douze figures, n'ont certes pas changé l'Histoire, mais y ont contribué. Des personnalités connues comme Berty Albrecht, Lucie Aubrac, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, etc. côtoient des figures bien moins familières au grand public comme la comtesse Leila du Luart, Jeanne Bohec, Anne-Marie Bauer ou Laure Diebold.



Comme l'auteur l'évoque en introduction, "la résistance s'est progressivement transformée en un mythe fondateur qui a donné à la France ses valeurs et aux Français une image idéalisée d'eux mêmes." Une idéalisation qui touche la France des vainqueurs et non celle des vaincus qui ne s'y retrouvent pas. Car en 1945, il n'y a pas une France, mais des France. Par ailleurs cette idéalisation de la femme résistante est un fort instrument de propagande politique, particulièrement pour le parti communiste français (PCF) et l'Union des femmes françaises (proche du PCF) après guerre. Ces figures de résistantes sont donc bien représentatives d'une époque, mais pas représentatives, dans cette mesure, des résistantes au sens large.
Elles cachent par leur aura idéologique nombre de jeunes femmes aux destins tragiques comme Marie-Louise Cloarec ou Suzie Mertzizen pour ne citer qu'elles, non évoquées en ces pages, ou d'autres jeunes filles résistantes n'appartenant à aucun parti. De même pour Françoise Meifredy des Amitiés africaines, pétainiste et résistante qui participe à la Libération qu'elle relate dans un ouvrage écrit après guerre.

Agréable à lire, ce livre s'appuie en partie sur la littérature parue sur le sujet depuis les années 1950 jusqu'à nos jours. Il est donc une intéressante synthèse et une approche sympathique de la question.
Indispensable à ceux qui n'auraient pas lu les livres sur Lucie Aubrac, Berty Albrecht et consoeurs.

FP.

Guy Perrier
12 résistantes qui ont changé l'Histoire
Paris, Pygmalion, 2013

286 pages.

Livre disponible en librairie et sur les sites de vente en ligne (Amazon.fr, FNAC.com, etc.)

vendredi 5 juillet 2013

Livre : Louise de Bettignies, espionne et héroïne de la Grande Guerre, Chantal Antier (Mots-clés : espionne, espionnage, Grande Guerre, héroïnes)


On a beaucoup écrit sur les héroïnes, les espionnes et les résistantes à l'occupant allemand de la Grande Guerre. Les plus connues se nomment Edith Cavell, Marthe Richer, Gabrielle Petit, Marie de Croÿ, Léonie Vanhoutte,  Louise Thuliez et,  pour le post qui nous intéresse ici, Louise de Bettignies.



Comment, en effet, une jeune femme "de bonne famille, qui se destine à entrer dans les ordres, se retrouve à la tête d'un réseau de renseignements ? Célébrée en son temps comme une figure héroïque majeure, celle que l'on surnomma alors la "Jeanne d'Arc du Nord", est depuis tombée dans l'oubli."

Née à Saint-Amand-Les-Eaux dans une famille de la noblesse catholique industrielle du Nord, Louise de Bettignies (1880-1918), d'un caractère complexe, est profondément marquée par une éducation catholique. Elle songe d'ailleurs un temps à entrer au Carmel, mais la vie en décidera autrement. Au cours des années qui précèdent la guerre, elle est préceptrice en Europe pour de grandes familles de la noblesse.

A la déclaration de guerre, elle prend ses quartiers à Wissant au sud-ouest de Calais, puis dans les premiers jours du conflit rejoint Lille. Le front ayant avancé vers le sud, Louise se trouve dans la zone occupée par les Allemands.

Bien vite, elle se dévoue pour les soldats blessés de tous bords dans un hôpital de la ville. C'est lors d'un voyage de Lille à Béthune qu'un officier en civil des services secrets britanniques lui propose de devenir agent de renseignement à Lille. Elle accepte la mission. En définitive, elle organise le réseau de renseignement Ramble.

Louise agit dans l'ombre sous le pseudonyme d'Alice Dubois. Responsable d'au moins quatre-vingts personnes, elle surveille les mouvements allemands, "les transports de troupes sur les lignes de chemin de fer de Lille à Bruxelles, étudiant la situation des bases militaires allemandes situées au nord de la France et en Belgique, rassemblant une masse considérable de renseignements pour les états-majors alliés." Arrêtée le 20 octobre 1915, avec Léonie Vanhoutte, elle refuse de dénoncer ses compagnons d'armes. Malgré l'intervention du roi d'Espagne Alphonse XIII et du pape, malade, après de longs mois passés dans la "sinistre forteresse de Siegburg", elle meurt d'un cancer du poumon dans un hôpital de Cologne en 1918 .

Tout comme Edith Cavell, Louise de Bettignies a directement ou indirectement suscité plusieurs écrits. Gem Moriaud, Louise de Bettignies (1928) ; Antoine Redier, La Guerre des femmes (1929) ; Hélène d'Argoeuves, Louise de Bettignies (1937) ; Henriette Celarie, Les jeunes filles déportées par les Allemands ; Pro Patria, Louise de Bettignies ; etc. Jusqu'à présent, l'ouvrage le plus récent, et le plus abouti, sur Louise de Bettignies était celui de René Deruyk édité par La voix du Nord en 1998, et depuis plus rien ou presque. Une évocation dans l'un des chapitres du très documenté Héroïnes de la Grande Guerre de Jean-Marc Binot paru chez Fayard en 2008.





L'ouvrage de l'historienne Chantal Antier, Louise de Bettignies espionne et héroïne de la Grande Guerre, paru en 2013, vient donc dépoussiérer le sujet grâce aux nombreux documents inédits de la famille de la "Jeanne d'Arc du Nord", c'est d'ailleurs tout l'intérêt du livre. Une histoire rafraichie, corrigée qui, avec le soutien de correspondances, donne plus de contour à la vie de Louise de Bettignies.

Livre disponible en librairie et sur les sites de vente en ligne (Amazon.fr, FNAC.com, etc.)

Louise de Bettignies
Espionne et héroïne de la Grande Guerre
éditions Tallandier
256 pages

FP


jeudi 20 juin 2013

La voiture des cantinières-vivandières modèle 1881 (Mots-clés : vivandières, cantinières, cantinière, vivandière)


En mars 1914, Le Petit journal titrait "Celles qu'on ne verra plus sur les champs de bataille". Un dernier hommage à la "fin des cantinières" qui n'eurent pas le mérite d'entrer dans la Grande Guerre avec leur petite voiture. Le véhicule des cantinières est tout aussi emblématique que leur fameux tonnelet tricolore. Moyen de transport utilisé dès le premier Empire, le fourgon de cantinière, souvent un simple chariot à ses débuts, évolue avec le temps.

En 1881, une note émanant du ministère de la Guerre parait sur "la voiture de la cantinière-vivandière" adoptée par décision ministérielle comme voiture type pour tous les corps de troupe. Cette note est approuvée le 24 août 1881.

Voici, en substance, ce qu'elle dit :

"Afin d'amener une uniformité, très désirable à tous les points de vue, dans les voitures dont se servent les cantinières et qui sont quelquefois de lourds et incommodes véhicules, difficiles à traîner en campagne et encombrants lorsqu'il s'agit de les transporter par voies ferrées, le service de l'artillerie a été invité à faire étudier une voiture présentant des conditions de volume et de poids en rapport avec les moyens de traction mis à disposition des cantinières-vivandières.
Cette voiture, après avoir été soumise, dans plusieurs corps d'infanterie et de cavalerie, à des épreuves de roulement et des essais de chargement qui ont donné des résultats satisfaisants, a été adoptée comme type et au fur et à mesure du remplacement de leurs voitures actuelles, les cantinières devront être munies d'une voiture semblable ; en cas de mobilisation, elles ne pourront se servir d'aucun autre modèle.
Afin de faciliter aux intéressés la construction de leurs voitures pour l'industrie, il a été établi des planches de dessin indiquant les données principales qui devront servir de guide dans cette construction. Toutefois, les cantinières pourront aménager l'intérieur de leur voiture comme elles le jugeront convenable, mais elles seront astreintes à se conformer aux dimensions extérieures du corps de voiture et à na pas dépasser les poids de la voiture type, qui est de 625 kilogrammes. Elles devront aussi faire peindre les parties extérieures de la voiture et les roues à la couleur vert-olive, employée par le matériel des équipages militaires, les ferrures seront rechampies en noir. L'intérieur de la voiture et du cabriolet pourra être peint en blanc, ou en gris clair ou en jaune foncé.
En outre, et afin de permettre en campagne le remplacement des roues et des essieux qui viendraient à manquer, ces principaux éléments de la voiture devront être, de tous points, conformes aux modèles en usage dans le matériel des équipages."

Cantinière-vivandière du 16e régiment d'infanterie. Derrière elle un fourgon réglementaire. 


Sur les flancs des voitures de cantinières des marques peintes indiquent le nom de la propriétaire, l'unité à laquelle elle appartient. Voici quelques exemples :

Mme Crosnier cantinière
17e Regt de chasseurs
2e division de cavalerie
2e brigade

Equipages régimentaires
18e régiment d'infanterie
15e corps
Baudoin cantinière
? bataillon

Ou encore :

Corps d'armée des troupes coloniales
2e division
1re brigade
1er régiment d'infanterie coloniale
1e bataillon
Mme ??? cantinière

Les informations sont parfois plus courtes :

Mme Bonnot
cantinière-vivandière
9e dragons

Ou encore :

Mme Lafon cantinière
au
4e bat. d'artillerie à pied




Une circulaire du 7 août 1883, du ministère de la Guerre, indique qu'en temps de guerre les voitures doivent être attelées à deux chevaux :

"Les cantinières qui consentiraient à faire l'achat d'un deuxième cheval, pourront atteler leurs voitures à deux chevaux dès le temps de paix, mais il doit être établi que cette acquisition est absolument facultative et ne saurait leur être imposée comme une obligation."

Le 29 mai 1884, le comité d'artillerie envoie aux corps de troupes la note suivante :

"Les essais faits dans les corps de troupes sur le nouveau type de voiture de cantinière-vivandière adopté le 3 juin 1880, ont permis de reconnaître qu'un seul cheval suffisait pour l'attelage lorsqu'on parcourait des chemins ou des routes ordinaires ; mais, comme la voiture peut, en raison de sa capacité, recevoir un chargement plus considérable et de nature à satisfaire plus facilement aux besoins qui se produiront en campagne, il a paru nécessaire d'atteler à deux chevaux , en temps de guerre, toutes les voitures des cantinières-vivandières."

Ces diverses notes laissent la porte ouverte aux interprétations et c'est ce que montrent les photographies d'époque. Mais pas le temps de voir un modèle fixe et définitif s'imposer. Les cantinières constatent que leur métier disparaît inévitablement. En 1914 le journal L'Excelsior publiait l'information suivante :

" Depuis quelques années, les règlements militaires ne faisaient plus mention des voitures de cantinières dans les trains de combat des diverses unités. Mais on croyait volontiers, dans le public, qu'on les verrait apparaître encore sur le champ de bataille et que, pour avoir perdu le droit de porter leur pittoresque uniforme, les cantinières n'en conserveraient pas moins la faculté de suivre nos soldats en campagne." 

Le ministère de la guerre donna la réponse suivante pour lever le doute : 

"les cantinières en dehors du temps de paix, n'ont plus d'existence légale. A la première heure de la mobilisation, l'autorité militaire peut réquisitionner leurs chevaux et leurs voitures. (...) Et les cantinières peuvent tout au plus continuer d'habiter à la caserne leur logement habituel." Le chapitre est clos, la guerre le fera oublier.

"Ainsi se termine officiellement la tradition des cantinières", conclue Le Petit journal du 22 mars 1914.


Frédéric Pineau


Note : une bonne partie des informations de cet article sont tirées du livre du capitaine Richard, Cantinières et vivandières françaises, du Petit journal et de L'Excelsior.

lundi 3 juin 2013

Livre : Hôpitaux militaires dans la guerre, 1914-1918, François Olier et Jean-Luc Quénec' hdu (Mots-clés : Grande Guerre, infirmières, service de santé, hôpitaux)


En 1979 sortait le Catalogue oblitérations Croix-Rouge, 1914-1918*, de Max Altarovici. Entièrement consacré à la marcophilie et à l'histoire postale de la CRF (SSBM, ADF, UFF) du premier conflit mondial, ce catalogue de 270 pages donnait une classification par département des structures de la CRF et du service de santé des armées. Un ouvrage de base, enrichi de reproductions de cachets faits à la main et de cartes postales d'époque. Il n'avait nullement la prétention de répertorier ou d'estimer la totalité des estampilles et marques relatives au sujet. A cette époque n'existait pas internet et les sites de vente en ligne permettant d'approcher une certaine exhaustivité. Cependant, une merveilleuse base pour commencer, aujourd'hui encore.





Depuis 2008, les éditions YSEC ont eu la merveilleuse idée de publier la série qui vient renouveler l'étude de 1979. Pas un ouvrage mais cinq ! Répondant au titre de Hôpitaux militaires dans la guerre, 1914-1918, ce répertoire général des marques postales sanitaires écrit et mis en oeuvre par François Olier, major du service de santé de l'armée de terre, et Jean-Luc Quénec'hdu, ingénieur chimiste de formation, est une résurrection.

Chaque tome présente une zone géographique :

Tome 1 : France nord-ouest (2008) 302 pages, 600 illustrations
Tome 2 : France centre-est / Paris (2010) 320 pages, 950 illustrations
Tome 3 : France sud-ouest (2013) 333 pages, 1000 illustrations
Tome 4 : France sud-est (à paraître)
Tome 5 : Front du nord-est (à paraître)




Incroyablement bien pensé, didactique, chaque tome donne des informations sur la localisation des formations, leur fonctionnement, le nombre de lits, les dates d'ouverture et de fermeture. Mais aussi, des précisions sur la chaîne sanitaire, l'organisation et le fonctionnement des structures. Riche d'images multiples et de marques postales sanitaires, la série n'aborde toutefois que les seuls hôpitaux militaires et ne présente pas les structures comme les foyers, les cantines, etc. que l'on trouve dans l'ouvrage de Max Altarovici.

En définitive ce sont 10 000 hôpitaux qui auront été étudiés au terme du 5e tome.

Trois ouvrages sont déjà parus avec une appréciable régularité. Ils sont incontournables si vous vous intéressez à l'histoire de la CRF, du service de santé, des infirmières ou de la Grande Guerre. Vous pouvez vous les procurer via YSEC ou sur des sites de vente comme Amazon.fr

Frédéric Pineau

* Ouvrage épuisé que l'on peut trouver d'occasion sur des sites comme e.bay ou Delcampe.