jeudi 16 mai 2024

NOUVEAUTE LIVRE : Laurence Voïta LA GINGOLAISE Jeune femme soldat au destin singulier (Mots-Clés : guerrière, amazone, Espagne, Bourbon, Suisse)

 


La chose que l’on ne saura jamais est pourquoi une jeune femme, se présentant comme une jeune fille de dix-sept ans, fit autant d’efforts pour s’enrôler dans l’armée en tant qu’un homme. Cette dernière la refusa plusieurs fois, du fait de sa taille non réglementaire ; il lui manquait en effet trois centimètres pour obtenir les 1m64 réglementaires. Pour obtenir son recrutement, elle prit prétexte d’une possibilité de gagner ultérieurement les quelques centimètres nécessaires, du fait qu’elle avoisinerait seulement les dix-sept ans.

Elle rentra pour le service du roi Charles III d’Espagne, petit-fils de Philippe V le premier roi de ce pays à appartenir à la famille des Bourbons. Cet engagement dura du 26 décembre 1780 au 27 décembre 1781. C’est pour valoriser la reprise de l’île de Minorque par les Hispaniques (avec l’aide des Français) que l’on doit de connaître le soldat Carlos (traduction de Charles) Garain. En effet ce territoire fut britannique depuis la guerre de Succession d’Espagne qui vit également tombé Gibraltar dans l’escarcelle anglaise. La révolte des colons américains amena France, Espagne et Pays-Bas à déclarer la guerre à l’Angleterre.

Ce militaire était en fait une jeune femme vierge qui avait également triché sur son âge comme on l’a vu. Se disant native du village de Saint-Gingolph, partagé en deux domaines territoriaux différents depuis 1569. À cette époque la partie occidentale, par le traité de Thonon, resta aux mains du duc de Savoie alors que la partie orientale revenait aux autorités du Valais.

Vu la réputation de combattant exceptionnel des Suisses, la prime d’engagement versée à ceux-ci était bien plus élevée que pour ceux qui se déclaraient sujets du roi de France.  Ainsi cette jeune personne, née pourtant dans les terres du duché de Savoie autour de Thonon-les-Bains, en s’engageant à Monthey en Bas-Valais se dit ressortissante Valaisienne. 

Laurence Voïta reconstitue la vie possible de cette personne, à partir d’un court texte publié en décembre 1781 à Barcelone, afin de rapporter la mort héroïque du soldat Carlos Garain qui avait dissimulé son identité de femme. On nous propose une reconstitution nécessairement romancée de l’enfance et des aventures, sous le drapeau d’un régiment helvétique. L’essentiel du temps militaire de Carlos Garain décrit ici, se passe dans le voyage qui l’emmène de Suisse aux îles Baléares.

C’est la dure vie en temps de campagne pour arriver sur les lieux des combats qui est bien approchée. Voilà un thème qui n’a jamais été traité que fort parcimonieusement et cela permet de découvrir les affreuses conditions sanitaires dans lesquels vivait alors la troupe.

Auteur : Villoteau

 

Laurence VOÏTA (Laurence), La Gingolaise : Jeune femme soldat au destin singulier, Paris,  Favre, 2024, 174 pages

 


mardi 14 mai 2024

NOUVEAUTE LIVRE : Jean-Paul Bonami L'HONNEUR AU FEMININ Portraits de femmes au service de la France libre (Mots-Clés : France libre, volontaires féminines, seconde guerre mondiale, VFFL)

 


Jean-Paul Bonami, dont nous avions déjà parlé sur le blog, réédite aux éditions OREP son livre L’Honneur au féminin, dans une version revue et corrigée. Le livre nous propose de croiser le destin de plusieurs Françaises libres incontournables. Parmi ces dernières, des noms qui ne nous sont pas inconnus :  Janine Hoctin, Jeanne Bohec, Joséphine Baker, Hélène Terré, Simonne Mathieu, Tereska Torrès, etc. Des figures emblématiques des Volontaires françaises de la France libre. Cette galerie de portraits, qu’accompagnent de nombreuses illustrations, fera découvrir, à ceux qui ne les connaissent pas encore, y compris aux plus jeunes, celles qui avaient choisi de poursuivre la guerre, quoi qu’il en coute.

Un petit livre, agréable à lire, que nous conseillons vivement.

Jean-Paul BONAMI, L’Honneur au féminin, portraits de femmes au service de la France libre, éditions OREP, 2024

LIVRE : Barbara Necek FEMMES BOURREAUX GARDIENNES ET AUXILIAIRES DES CAMPS NAZIS (Mots-clés : nazisme, helferin, SS, seconde guerre mondiale, camps de concentration)

 

Première étude poussée sur les gardiennes et auxiliaires de la SS en service dans les camps de concentration et les prisons, Femmes bourreaux, gardiennes et auxiliaires des camps nazis de Barbara Neck, est, sans nul doute, la première étude sérieuse et approfondie sur un sujet encore mal connu. Le livre nous permet de suivre nombre de ces protagonistes de la prise du pouvoir par les nationaux socialistes jusqu’à la vie qu’elles mèneront après la guerre. 



Ce qui nous intéresse ici, c’est la dimension psychologique. Ces femmes ne doivent pas être perçues comme de simples bourreaux, mais comme des êtres complexes qui ne se connaissent sans doute pas toujours elles-mêmes. Ces « maîtresses de la vie et de la mort », cruelles, sadiques, violentes, brutales, sans pitié et sans état d’âme peuvent parfois faire preuve d’une forme « d’humanité » et c’est là que leur profil devient compliqué et intéressant à suivre. « Elles n’étaient pas inhumaines envers celles qu’elles considéraient comme des êtres humains », écrit la rescapée d’Auschwitz Ella Lingens à propos des gardiennes ». A Auschwitz Maria Mandl en est le parfait exemple. Elle se prend d’affection pour un enfant juif blond dont elle vient d’envoyer la mère à la chambre à gaz. Il devient, en quelque sorte, son jouet, elle l’habille, le nourrit, joue pendant huit jours avec lui. Mais cela est de courte durée, Maria Mandl envoie le petit garçon avec d’autres dans une chambre à gaz. Fania Fénelon, une rescapée du camp, se remémore que Mandl éprouva de la « peine en envoyant son petit jouet à la mort ». Et que sans doute son sens du devoir l’emporta ou peut-être subit-elle la pression de sa hiérarchie.

Ce livre aborde les différents lieux concentrationnaires où les gardiennes et auxiliaires SS prirent du service, comme Ravensbrück, le premier camp de concentration pour les femmes, Auschwitz, Majdanek, etc. Les postes étaient le plus souvent proposés par voie de presse sans préciser de quoi il s’agissait. Les candidates pouvaient donner leur démission, quelques-unes le firent. Il ne fallait que quelques jours pour que des jeunes filles, belles, douces et sans expérience deviennent des monuments de cruauté, comme ce fut le cas Luise Danz « qui a suivi son amoureux ».

Les trois derniers chapitres du livre sortent de la guerre. Ils abordent les gardiennes traduites en justice entre 1945 et 1947 ; la vie des gardiennes après la guerre et enfin le procès de Majdanek. Tout au long de ces pages nous croisons à plusieurs reprises les noms de Maria Mandl, Irma Grese « la bête de Belsen », Johanna Langefeld ou Hermine Braunsteiner.

Cette étude approfondie, et bien documentée, de la documentaliste et historienne Barbara Necek est une première puisque, à ce jour, aucune étude poussée n’avait été écrite.

Ce livre complète celui dont nous avions parlé dans un précédent post sur Irma Grese.

 

Barbara NECEK, Femmes bourreaux, gardiennes et auxiliaires des camps nazis,  Texto, éditions Grasset & Fasquelle, Paris, 2022