mardi 22 novembre 2022

Nouveauté livre : LES MILITAIRES DE LA COMMUNE DE PARIS, 1871, par Frédéric Pineau (mots-clés : 1871, révolution, Commune, Paris, amazones, femmes combattantes)

 

La Commune de Paris de 1871 c'est vue réappropriée par de multiples tendances politiques, de l'extrême gauche à l'extrême droite, en passant par les libertaires, les nationalistes révolutionnaires, les socialistes, les communistes, etc. Objet de passions, de fantasmes et de convoitises, elle a laissé à beaucoup le goût de l'inachevé. Louise Michel, le mur des fédérés, la « semaine sanglante », autant d'évocations d'une révolution manquée, voire contrariée par ses faiblesses. Historiens, amateurs, politiques, il nous semble parfois que tout a été dit par tous, mais ce qui peut surprendre c'est l'absence d'étude sur ce qui fut l'âme, le gage de son existence, le cœur même de la Commune de 1871 : son armée, émanation voulue du peuple par le peuple. 




Mise sur pied dès le mois de mars 1871, son histoire, son organisation, ses diverses formations, ses uniformes, son armement, etc. sont autant d'aspects qui échappent à sa construction historique. C'est précisément ce que Frédéric Pineau vous présente en ces pages qu'accompagne une riche  iconographie souvent inédite. 

Outre les bataillons de gardes nationaux fédérés, vous y découvrirez d’étranges formations comme les tirailleurs blindés de La Villette, le bataillon contre-chouans,  l’artillerie maritime, les trains blindés, les équipes de fuséens, la légion Schoelcher et bien d’autres formations aux noms si bizarres que la postérité n’a pas retenus.




Une large place est consacrée aux femmes, que ce soient les femmes combattantes, les ambulancières, les cantinières ou celles qui combattront individuellement dans les bataillons de la garde nationale, comme de simples gardes.


PINEAU (Frédéric), Les Militaires de la Commune de Paris, 1871, Paris, Archives et culture, 2022  

SORTIE LE 3 DECEMBRE 2022

Nouveauté livre : JE MAINTIENDRAI, femmes, nobles et françaises, 1914-1918, Bertrand Goujon (mots-clés : Grande Guerre, Croix-Rouge, infirmière, noblesse, gotha)

 Bertrand Goujon, maître de conférences HDR en histoire contemporaine à l’université de Reims Champagne-Ardenne, nous offre avec Je Maintiendrai, femmes, nobles et Françaises, 1914-1919, une étude unique, novatrice et d’une richesse qu’il sera difficile d’égaler. Une étude unique donc, dans la mesure où elle s’attaque profondément au rôle des femmes de la noblesse pendant et juste après la guerre.



La vie qu’elles mènent est celle de beaucoup de Françaises, qu’elles soient baronnes, marquises, duchesses, princesses, comtesses ou vicomtesses. L’époux absent, les pillages, les destructions, le deuil d’un mari, d’un enfant, d’un frère ou d’un père, les bombardements, le déracinement, etc. En l’absence de l’homme certaines ouvrent leurs châteaux aux blessés militaires et aux réfugiés, d’autres s’improvisent gestionnaires d’un patrimoine colossal ou modeste, etc. Il faut aussi continuer à entretenir les réseaux d’influence et même à penser à en ouvrir de nouveaux. « Pour la plupart, l’essentiel reste néanmoins de maintenir leur rang, fragilisé par une hécatombe qui a décimé leurs fils et époux, mené certaines au bord de la ruine et conduit d’autres à la mésalliance ».

Ce livre qui ne compte pas moins de 912 pages s’appuie sur un corpus de sources et une bibliographie des plus solides qui pourront servir de base à bien d’autres études à venir. C’est bien l’usage d’archives privées provenant de châteaux comme ceux de Flaugergues, de Chaumont, etc., ou de familles illustres comme les Toulouse-Lautrec ou les Tascher de La Pagerie qui nous a paru ici le plus intéressant, car jusqu’à présent jamais utilisées pour ce genre d’étude.

La noblesse a donc dû s’adapter à la guerre, l’apprivoiser en quelque sorte, se résigner à la dompter. Servir est le maître mot. C’est dans les sociétés d’assistance de la Croix-Rouge française (SSBM, ADF, UFF) et les œuvres que cet apostolat de la charité se manifestera avec grandeur et bienveillance. C’est aussi un moyen de demeurer sur place, de servir et du même coup de surveiller et protéger ses biens.

La question qui se pose et qui d’ailleurs clos l’ouvrage, est un « retour à la normale » est-il possible avec la fin de la guerre. Doit-on douter de l’avenir aux vues des bouleversements sociaux et culturels vécus et subis ? Spécialiste de la noblesse pendant la Grande Guerre, l’auteur ouvre une réelle réflexion sur un sujet complexe.

GOUJON (Bertrand), Je Maintiendra, femmes, nobles, Françaises, 1914-1919, Paris, Vendémiaire, 2022

mardi 11 octobre 2022

BD : SABOTEUSES, tome 1 Aiguille de Jean-Claude Van Rijckeghem et Thomas du Caju (Mots-clés : SOE, commandos, parachutage, WWII)

Saboteuses, est l’histoire de trois expatriées Françaises, Paulette Kincaid « Aiguille », Kay « Mouche » et « Boxeur », qui de Grande-Bretagne seront parachutées en France pour la préparation du jour J et semer le désordre, par tous les moyens possibles, au sein des lignes allemandes.
Paulette Kincaid, l’héroïne principale de ce récit, est « une jeune femme qui s’ennuie dans une ville (Londres) sous la menace des bombardements nazis. Cantonnée à un morne emploi de couturière par sa tante, elle ne rêve que d’aventure et ne peut empêcher sa nature impulsive de la fourrer dans les ennuis, allant jusqu’à voler une jeep de l’armée pour venir en aide à une femme enceinte sur le point d’accoucher. Loin de la sanctionner, les militaires lui proposent un emploi : faire partie du SOE ». 

 Le SOE (Special Operations Executive) a pour mission l’envoi d’agents secrets dans les territoires occupés d'Europe principalement, mais aussi en Abyssinie et en Asie du Sud-Est, pour renforcer la résistance locale, diriger des sabotages, organiser la réception des parachutages d'armes, de matériel et d'agents et ainsi de suite. Ce service a été créé en juillet 1940 par Sir Winston Churchill et mis en marche par Sir Hugh Dalton (ministre de la Guerre économique).

Les agents féminins y entrent sous couvert du FANY (First Aid Nursing Yeomanry), une organisation féminine d’ambulancières fondée au début du 20e siècle, en 1907, qui d’ailleurs passa rapidement de la traction hippomobile à l’ambulance automobile. Notons que les FANY étaient présentes lors des obsèques de la reine Elisabeth II à Westminster, reine qui en porta l’uniforme à la seconde guerre mondiale. Paulette et ses consœurs font partie de la section F (France) du SOE. 

Tout au long de cette bande dessinée, qui au final comprendra six parties, nous suivons Paulette depuis la Grande-Bretagne jusqu’à son parachutage en France et ses premiers pas en terre occupée. Jeune, peu expérimentée, impulsive et gaffeuse, elle met plus d’une fois ses collègues en danger. Une intéressante bande dessinée, convaincante qui est une approche graphique du monde de l’ombre qu’est celui du SOE. Nous attendons avec impatience le tome 2 du travail de Thomas du Caju et Jean-Claude Rijckeghem. 

 Jean-Claude Van Rijckeghem et Thomes du Caju, Saboteuses, tome 1, Aiguille, éditions Paquet, 14,50 euros

mercredi 31 août 2022

LIVRE : MADELEINE MICHELIS, Correspondance d’avant guerre et de guerre ( Mots-clés : résistance, occupation)

 

Quelle merveilleuse figure que celle de Madeleine Michelis (1913-1944). Ses échanges épistolaires avec son “cher vieux” (son frère Jean), ses “chers parents” et quelques amis, de 1935 à 1944, nous font découvrir, et revivre, une jeune femme à l’esprit vif, qui semble tout voir, tout comprendre et analyser l’actualité et ce qui l’entoure avec une folle perspicacité. De la douce Angleterre en paix à la France occupée, au travers des lignes, Madeleine est incisive, primesautière, drôle, sarcastique… Sa correspondance se lit comme un très bon livre, presque comme un roman. Le style, le ton, la langue font d’elle un talentueux prosateur : “Toujours la même amitié entre mes gosses, moi et la mer. Les couleurs se ternissent de jour en jour, le temps s’étouffe. Il fait froid” (novembre 1939). 

 


 


Lorsque la guerre vient puis s’installe, malgré les revers de l’armée française, Madeleine ne perd pas confiance : “quoiqu’il arrive, je crois invinciblement en l’avenir de la France. Je suis trop attachée à sa culture, à son âme pour ne pas être bouleversée par ce qui se passe” (23 mai 1940). À la différence de sa mère, elle ne peut se résoudre à approuver le discours du maréchal Pétain, “quel coup ? On vient d’entendre Pétain. On espérait la résistance à outrance, au moins.”


Dans ses lettres tout explose, tout est dit sans retenue, mais avec beaucoup de finesse, à une époque ou il faut être discret : “Maman est affectée d’une anglophobie suraiguë, doublée pa l’histoire navale d’avant hier. Elle chante les louanges du gouvernement français “qui vient de signer l’armistice pour sauver la vie de tant d’hommes” and so on. Très agréable à entendre surtout quand on vient d’une zone occupée” ou encore “je me suis brillant magnifiquement retapée, mais le moral est beaucoup moins brillant, surtout depuis que le pays est pourri d’hôtes supplémentaires. On les ignore le plus possible, voilà tout.” De caractère, elle n’en est pas dépourvu. La stigmatisation des juifs lui fait perdre toute contenance : “toutes ses mesures prises sont admirablement préparées : hier, mesures odieuses contre les juifs. Or, depuis 2 mois, articles de toutes sortes sur les juifs, attaques personnelles et nominales, “comment ils volent, comment ils s’insinuent, comment ils ont créé une internationale dans l’État, etc.”


Lorsque l’on parcours cette correspondance on découvre la joie, l’insouciance, la vie, l’espérance… mais nous connaissons ce qu’elle ne connait pas encore, sa fin tragique. Ce qui rend ce livre d’autant plus émouvant. 

En octobre 1940, Madeleine Michelis écrit avec beaucoup de bon sens “Il est tellement plus facile de s’opposer à ce qui va se faire que de desserrer le noeud qui vous étrangle. Et quand l’étranglement devient volontaire et conscient !” Pour elle l’étranglement ne sera jamais volontaire et conscient. Résistante, elle est arrêtée le 13 février 1944, transférée à Paris, soumise au supplice de la baignoire, elle meurt étranglée, victime de ses bourreaux ou suicidée, nul ne le sait.


Correspondance d’avant-guerre et de guerre, n’est pas un livre sur la résistance à proprement dit, mais plus une correspondance personnelle qui au fil du temps et des pages nous fait vivre un vécu et un ressenti de la guerre. Une merveille littéraire.


MICHELIS (Madeleine), Correspondance d’avant guerre et de guerre, Paris, Le Félin, 2015, 20 euros

lundi 25 juillet 2022

Nouveautés : Frédéric Pineau OUVRIERS ET OUVRIERES DE LA GRANDE GUERRE

 La Grande Guerre est une dévoreuse de chair et de matière. Aussi pour la gagner faut-il plus d'armes, toujours plus de munitions, or pas de guerre sans munitions, pas de munitions sans ouvriers. Les premières années de guerre sont difficiles. Pour la victoire, les ouvriers mobilisés sont renvoyés dans leurs usines par milliers, on fait aussi massivement appel aux femmes et même aux enfants. Mais il faut toujours plus de bras. On se tourne alors vers une mai-d'oeuvre étrangère, arrivant parfois de l'autre bout du monde ou en provenance des colonies françaises. Le monde des industries du temps de guerre, organisé de main de maître par les sous-secrétaire d'État à l'Artillerie et aux Munitions, le socialiste Albert Thomas, est un univers à part, complexe. C'est lui que nous présentons dans toute sa diversité, mais aussi, pour la première fois, au travers des tenues et insignes distinctifs en usage chez les ouvriers et ouvrières.

 


Frédéric PINEAU, Ouvriers et ouvrières de la Grande Guerre, Bayeux, OREP, 2022, 6,7 euros

Nouveautés : Frédéric Pineau NATIONS OUBLIEES DE LA GRANDE GUERRE

 L'Europe étant le principal théâtre des affrontements, nous oublions parfois le caractère "mondial" de la Grande Guerre. Cet ouvrage a donc pour objectif de retracer l'histoire des nations "oubliées" de ce conflit. Parmi les pays belligérants, on trouve le Portugal, le Siam, le Japon ou encore le Brésil ; il y a aussi les pays ayant seulement rompu leurs relations diplomatiques avec les empires centraux ou encore ceux ayant marqué une neutralité stricte ou quelque peu ambiguë. Sans oublier ces "petites nations" chères au président américain Woodrow Wilson, les Tchèques et les Slovaques. N'omettons pas l'Irlande et la Pologne, qui renaîtront de la guerre, ou l'éphémère royaume du Monténégro qui disparaîtra en 1918 digéré par la future Yougoslavie. L'engagement des uns et des autres, même une neutralité de bon aloi, répondent à des intérêts, des volontés, des ambitions qui, en germe, annoncent déjà le second conflit mondial.

 


 

 Frédéric PINEAU, Nations oubliées de la Grande Guerre, Bayeaux, OREP, 2022     6,7 euros

jeudi 5 mai 2022

Collection : éditions Le Félin, RESISTANCE LIBERTE-MEMOIRE (Mots-Clés : résistants, résistance, déportation, France libre)

 

Partant du postulat que beaucoup d’ouvrages essentiels concernant la résistance sont aujourd’hui introuvables, l’association Liberté-Mémoire et les éditions du Félin ont décidé, pour reprendre leurs mots, de “remettre à la disposition du public des livres qui non seulement témoignent d’un passé crucial, mais aussi peuvent tracer les lignes de l’avenir.” 

 


 

En effet, ces livres ne se trouvaient jusqu’alors que dans le circuit de l’occasion. Circuit fréquenté seulement par ceux qui s'y intéressent. Ce choix est aussi le moyen de faire redécouvrir, à ceux qui ne les connaissaient pas, des livres intenses de personnages qui ont, à leur niveau, contribué au salut de la France pendant la seconde guerre mondiale. Parmi les membres fondateurs de l’association Liberté-Mémoire, Lucie et Raymond Aubrac, François Bédarida, Jacques de Bourbon-Busset, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Stéphane Hessel et bien d’autres noms qui parleront à ceux qui connaissent, quelque peu, l’histoire de la résistance.



La Plastiqueuse à Bicyclette de Jeanne Bohec nous présente tout à la fois la résistance extérieure et la résistance intérieure. Jeanne, tout juste 21 ans en 1940 rejoint le Corps féminin du général De Gaulle à Londres, puis est parachutée en Bretagne comme instructrice auprès de la résistance locale. Là “à bicyclette, elle parcourt la région sans relâche n’hésitant pas à demander l’aide des camions de l’armée allemande quand la côte est trop rude !” Une femme au fort tempérament qui, en juin 1944, prendra part aux combats du maquis de Saint-Marcel situé en Bretagne.


Autre récit de française libre, celui de Madeleine Gex-Le Verrier, dont le livre publié à Londres en 1942 ne fut réédité qu'en 1945 par les éditions Émile-Paul Frères, et, plus près de nous, en 2020 par les éditions du Félin. C’est donc un incontournable, plus sur la vie dans la France occupée et celle de Vichy que sur la France libre. Une espèce de themomètre qui donne la température d’une époque trouble et troublée. Madeleine “reconnue dans les milieux politiques et économiques de la IIIe république” était, en 1939, directrice de publication de la revue L’Europe nouvelle. C’est donc le regard d’une femme cultivée qui s’offre à nous avec une réflexion sur les événements en cours et la vie quotidienne des Français tel qu’ils, et elle, l’ont vécu.


Deux autres témoignages, ceux de Henriette Lasnet de Lanty et de Adélaïde Hautval nous dévoilent le système concentrationnaire allemand et toute se perversion, mais aussi la fin de guerre, les difficultés rencontrées avec les libérateurs et un retour long et pénible à travers une Allemagne en ruine. Sous la schlague, de Henriette Lasnet de Lanty, est un titre qui pousse à la curiosité. Une curiosité qui nous fait glisser petit à petit de la résistance au terrible parcours des camps de concentration, les privations, la mort omniprésente tout comme l’espérance. Adélaïde Hautval sera l’une de ses nombreuses femmes du refus. Refus de vendre ce que l’on a de plus beau et de plus cher, son âme. Médecin, elle refusera, avec la plus grande des bravoures, de participer aux expériences médicales insensées des médecins de la SS. Pour autant, l’une comme l’autre survivront et nous laissent deux témoignages d’importance.


Odile Vasselot est la plus jeune des femmes dont nous venons de parler, elle aligne 18 printemps en 1940. Entrée très tôt dans la résistance, elle devient agent de liaison pour le service de renseignement Zéro. Elle rejoint ensuite le réseau Comète. Elle est l’un des maillons d’un large réseau de convoyage de pilotes anglais entre la Belgique, la France et l’Espagne. Des missions non sans risques, mais que Odile aura la chance d’effectuer jusqu’en fin de guerre. C’est d’une plume alerte qu’elle retrace son expérience de guerre et nous plonge dans le quotidien d’un réseau d’évasion.


BOHEC (Jeanne), La Plastiqueuse à bicyclette, Paris, éditions du Félin, 2022

GEX-LE VERRIER (Madeleine), Une Française dans la tourmente, Paris, éditions du Félin, 2020

VASSELOT (Odile de), Tombés du ciel, histoire d’une ligne d’évasion, Paris, éditions du Félin, 2019,

HAUTVAL (Adélaïde), Médecin et crimes contre l’humanité, Paris, éditions du Félin, 2019

LASNET DE LANTY (Henriette), Sous la schlague, Fresnes, Sarrebrück, Ravensbrück, Schönfeld, 1943-1945, Paris, éditions du Félin, 2018

 

Également dans la collection Résistance liberté-mémoire :

 

FRIANG (Brigitte), Regarde toi qui meurs

Collectif, Femmes dans la guerre

PAGNIEZ (Yvonne), Évasion 44

CHEVRILLON (Claire), Une résistance ordinaire, septembre 1939-août 1944

MICHELIS (Madeleine), Correspondance d'avant-guerre et de guerre

 

 

mardi 3 mai 2022

Sujet : Rochambelles (Mots-clés : 2e DB, seconde guerre mondiale, ambulancières, France libre, France combattante)

Le livre d’Ellen Hampton, Women of valor, The Rochambelles on the WWII front, est paru pour la première fois aux éditions Palgrave Macmillan en 2006. En langue anglaise, le livre a été très bien accueilli par la critique anglo-saxonne de l’époque. Il s’appuyait, qui plus est, sur les témoignages d’anciennes (toujours en vie à ce moment), la littérature fournie concernant le sujet, mais aussi les archives de lieux incontournables comme le Mémorial du Maréchal Leclerc. Étonnament pas de traduction française du livre à cette date. En France on le trouve alors dans des boutiques parisiennes comme Brentano’s ou WH Smith. 

 



En 2021 une deuxième édition du livre, revisitée, est publiée aux éditions Mc Farland avec une nouvelle couverture, mais toujours pas d’édition française à l'horizon. 

Cette année, heureusement, l’édition française voit enfin le jour aux éditions Tallandier sous le titre Les Rochambelles ambulancières de la France combattante, 1943-1945, avec une nouvelle préface et de nombreuses corrections. 

Nous ne reviendrons pas sur Les Rochambelles ambulancières de la France combattante, car nous avions déjà présenté Women of valor dans un post plus ancien. 

 

Notons aussi la sortie de deux autres livres sur ce même sujet : 

Pauline Brunet, Les Rochambelles, Mémorablia, 2021 

Karine Lebert, Pour l’honneur des Rochambelles, presses de la cité, 2021 (roman)

mardi 19 avril 2022

Nouveauté livre : Journal de Séraphine Pommier, infirmière pendant la Grande Guerre, 1914-1918 (mots-clés : infirmière, Grande Guerre, première guerre mondiale, hôpital, malades)

 


Ici pas de patriotisme de carte postale, d’ange blanc éplorée ou de lyrisme journalistique, car ce journal n’était pas destiné à être publié. Séraphine Pommier, sent, ressent, vie, entend, ce qu’elle voie et le retranscrit à merveille. À l’hôpital nous voyons tout. Ce que sont réellement, soldats, infirmières et religieuses. Avec ses mots nous savons qu’il y a la réalité vécue et celle des livres et de la presse d’époque. 345 pages c’est beaucoup, mais enfin trop peu si l’on tient compte des 1800 pages du manuscrit d’origine. En effent, le Journal de Séraphine Pommier, infirmière pendant la Grande Guerre (1914-1918) a été réalisé à partir de 1800 pages de cahiers d’écolier desquelles ont été extraites et annotées quelque 300 pages, illustrées de 19 croquis de sa main et de 10 photos qu’elle a prises.




Mais laissons la parole à Patrick Rolland, ancien élève du Prytanée Militaire, qui a eu la bonne idée de rassembler ces textes qu’il a minutieusement sélectionnés. 

“Comme je vous le disais, je viens de signer aux éditions Les Passionnés de Bouquins un ouvrage consacré au journal d’une infirmière bénévole de la Croix-Rouge engagée dans deux hôpitaux de l’arrière pendant les quatre années de la Grande guerre. Nous avons découvert avec surprise qu’il n’existait pas dans l'édition française d’autres journaux d’infirmières aussi complets et sur une aussi longue période de 51 mois. Séraphine Pommier a donné des soins à 762 malades et blessés ; elle a été décorée de la Croix de guerre et de la Palme d’or des infirmières.”

 




Dès la brutale invasion de la France en août 1914, les pertes sont élevées et le ministère de la Guerre, les services de Santé, la Croix-Rouge créent ensemble et dans l’urgence 1500 hôpitaux auxiliaires en application de plans établis dès 1903. Une jeune femme de la bourgeoisie lyonnaise se demande comment elle pourrait servir son pays envahi par les « Prussiens » : «Je sentis plus que jamais le besoin de me dévouer et de faire quelque chose» écrit-elle sur un cahier d'écolier. Elle est recrutée comme infirmière bénévole à l’hospice de Meximieux, dans l’Ain, devenu hôpital militaire, puis au lycée de garçons Ozanam à Lyon. Elle a la bonne idée de tenir de septembre 1914 à fin décembre 1918 un journal quotidien ; en effet, tout l’étonne dans ce métier nouveau pour elle : le brassage des Poilus venus de toutes la France et des colonies, la pharmacopée où se mêlent le vin aromatisé ou la pommade des Reclus et le Dakin qui vient d’être inventé, les prothèses de plus en plus élaborées pour les blessés, les concerts caritatifs et les loisirs dans les hôpitaux, les pénuries alimentaires, l’accueil des prisonniers, les visites aux blessés, les trains de réfugiés de la Croix-Rouge, etc. La figure héroïque du Poilu, les pieds dans la boue de sa tranchée, s’enrichit d’une autre réalité sous la plume bienveillante de Séraphine. «Le médecin soigne les blessures. Nous, nous soignons les hommes.» écrit-elle. Elle évoque, entre autres, de façon ironique les blessés. Par exemple, le 6 août 1916, elle écrit : "Le costume des soldats s’appelle « », quelle ironie ! C’est «multiforme» qu’il faudrait dire car chacun s’habille à sa fantaisie, on ne trouverait pas dans tout l’hôpital deux hommes mis de la même façon. Les coiffures à elles seules sont très variées : bonnets de police, bérets, képis bleus ou rouges, il y en a pour tous les goûts. Pouzet est parti en permission, superbe dans un costume kaki, Ragonnaud a couvert son pansement de tête du béret de Morel ; artilleurs, cuirassiers, chasseurs ou fantassins, il faudrait être bien malin pour s’y reconnaître."




Ces quelques passages contextualisés proposés et annotés par Patrick Rolland sont loin d’évoquer ce que l’on trouve dans le journal de Séraphine Pommier. Pour le découvrir plus en profondeur, nous vous invitons à l’acheter au plus vite.


Rolland (Patrick), Journal de Séraphine Pommier, infirmière pendant la Grande Guerre, 1914-1918, éditions les passionnés de bouquins, Craponne, 2021, 18,50 euros

 

Voir aussi :


Editeur Les Passionnés de Bouquins. http://www.les-passionnes-de-bouquins.com/journal-infirmiere-grande-guerre/ 

vendredi 14 janvier 2022

Nouveauté livre : Hélène Martin & Yves Lecouturier ANNICK UNE RÉSISTANTE AU SERVICE DE LA MÉMOIRE (Mots-clés : FFI, résistance, MLN, Gestapo, Montluc, Lyon)

 

Annick Burgard n'a malheureusement pas eu la chance de tenir dans ses mains le livre qu'ont publié Yves Lecouturier et Hélène Martin aux éditions OREP en 2019. En effet Annick est décédée le 16 janvier 2019 à l'âge de 96 ans. Née le 7 février 1923 à Lyon, Clémence Jayet, qui deviendra l'Annick de la résistance, a grandi dans « les souvenirs de son père, revenu marqué par les tranchées de la première guerre mondiale ». Son prénom lui a été donné en hommage à Georges Clemenceau (1841-1929). 

 



Étudiante en droit en 1940, elle n'accepte ni l'armistice, ni le régime de Vichy entrant progressivement dans la résistance. En 1942, elle rejoint le mouvement Libération sud mais sans même le savoir. Étant donné son âge et son sexe, elle y exerce la fonction d'agent de liaison. Un temps elle travaille avec l'Armée secrète (AS) puis, en janvier 1944, passe aux Groupes francs (GF) de Lyon sous les ordres de Jacques Breyton, alias capitaine Marin. De caporal en 1942, elle termine au grade de sous-lieutenant le 27 août 1944. Dénoncée, elle est arrêtée le 3 août 1944. Conduite dans les locaux de la gestapo, elle y subit de dures interrogatoires avant d'être emprisonnée à la prison de Montluc à Lyon. Elle aura plus de chance que nombre de ses compagnons d'infortune déportés ou fusillés puis brulés. Annick Burgard « n'a pas été déportée et n'est jamais passée par le camp de Natzweiler-Struthof au cours de la guerre, elle n'en était pas moins une figure majeure de ce lieu de mémoire ». Libérée le 24 août 1944, elle travaille un temps au troisième bataillon de la prévôté régionale FFI puis rejoint les équipes affectées au retour des prisonniers déportés et réfugiés (PDR). Comme le soulignent les auteurs « Annick Burgard représentait un exemple de courage et d'engagement à une époque où cela pouvait entraîner la mort. » Toujours pour reprendre Yves Lecouturier et Hélène Martin « elle demeure l'une des personnes les plus engagées pour l'histoire et la mémoire de la Résistance et de la déportation comme en témoignent ses nombreuses expositions, ses actions envers l'amicale des rescapés de Montluc, le mémorial national de la prison de Montluc, le mémorial de Verdun, le musée de l'ancien camp de Natzweiler-Stuthof ou le musée de l'ordre de la libération » ou encore le musée de l'armée aux Invalides où elle fit un court passage comme documentaliste.


Ce petit livre illustré rend bien compte de ce que fut le travail d'un agent de liaison de la résistance. Outre cet aspect, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, le mémorial de Verdun, le MLN ou encore la libération de Lyon sont abordés dans de courts chapitres. Il est également intéressant de suivre le parcours d'Annick, de l'après guerre jusqu'à 2019, qui « demeure pour l'éternité une vois très active de la résistance ». Une figure touchante qui ne laisse pas insensible pas son parcours et sa volonté.


MARTIN (Hélène) et LECOUTURIER (Yves), Annick, une résistante au service de la mémoire, Bayeux, OREP éditions, 2019, 172 p. (illustrations en couleur et noir et blanc) 19,9 €

mardi 11 janvier 2022

La Russie s'invite : Lioudmila Pavlitchenko LA MORT ROUGE mémoires de guerre d'un sniper de Staline (Mots-clés : sniper, guerre patriotique, URSS)

La Mort rouge est un récit publié pour la première fois en Russie au cours des années 1970. Il s'agit du récit autobiographique de Lioudmila Pavlitchanko, la jeune femme aux 309 « victoires » sur l'envahisseur allemand. Son père un « homme robuste, droit, entièrement dévoué à la cause (communiste) » a participé à la guerre civile dans la « division de fer » qui combat les forces blanches de l'amiral Kolchak dans la région de la Volga et au sud de l'Oural. Lioudmila grandit avec sa sœur dans un foyer modeste soudé, instruit et aimant. Elle se passionne pour l'histoire, plus particulièrement l'histoire militaire. À Kiev, où sa famille s'installe, elle travaille à l'usine, c'est ainsi qu'elle s'inscrit au club de tir. Elle y fait la découverte des armes, apprend à les manipuler et à tirer.

En 1936, elle s'inscrit à la faculté d'histoire de l'université d'État de Kiev. La guerre d'Espagne lui fait prendre conscience que la guerre est inéluctable et qu'elle sera à sa porte un jour ou l'autre. Elle décide de reprendre des cours de tir au sein de l'organisation Osoaviakhim. Lioudmila s'avère être un excellent tireur, par ailleurs les armes sont devenues une passion. Son entrée à l'école de snipers de Kiev et sa rencontre avec Alexander Potapov, son instructeur, vont changer sa vie pour les années à venir. Lorsque l'Allemagne envahit la Russie en 1941, Lioudmila veut s'engager comme sniper, mais les militaires ne la prennent pas au sérieux. La plupart ne savent même pas ce qu'est un sniper. Heureusement après avoir servi un temps comme infirmière au front, on lui donne les moyens de faire ses preuves comme sniper. Blessée deux fois, la jeune femme qui compte pas moins de 309 « victoires », sert sur le front de Sébastopol et à Odessa. Son état d'esprit ressort dans ce court passage : « La haine fait apprendre beaucoup de choses. Elle m'a appris à tuer mes ennemis. Je suis un sniper. À Odessa et Sébastopol, j'en ai abattu 309 avec mon fusil à lunette. La haine a aiguisé ma vue et mon ouïe, m'a rendu plus attentive, m'as appris à me camoufler pour leurrer l'ennemi. La haine m'a appris à traquer les snipers ennemis patiemment pendant des heures. Assouvir une soif de vengeance est tout bonnement impossible. » Après des jours de convalescence suite à une seconde blessure, elle est retenue avec deux autres jeunes snipers pour faire partie de la délégation soviétique devant s'envoler pour les États-Unis. Outre les États-Unis, où Lioudmila se lie d'une amitié durable avec la première dame des États-Unis, Eleanor Roosvelt, la délégation se rend au Canada et en Grande-Bretagne, elle y rencontre Winston Churchill. À son retour en URSS, Staline, qui lors de son départ lui avait prêté un dictionnaire russe-anglais, refuse qu'elle retourne au front. Elle finit la guerre plus paisiblement qu'elle ne l'avait commencée. 

Ce livre, très bien traduit, se lit avec délectation. Lioudmila est une merveilleuse compteuse. On vit les durs combats de Crimée avec elle comme si on s'y trouvait. Des pages très imagées qui décrivent ce qu'est la vie d'un sniper. La peur, le froid, la mort omniprésente et les duels avec les snipers allemands. L'auteur appelle encore les Allemands « les fascistes » comme c'était le cas à l'époque. Mais c'est la seule marque d'une idéologie révolue. 

 Ce qui nous a particulièrement intéressé, le fait que l'auteur décrive d'un manière technique le rôle de sniper : armes, armement, techniques de camouflage, méthodes de tir, etc. On sent son goût et sa parfaite maîtrise des armes, ce qui d'ailleurs permet de découvrir dans les moindres détails les armes en usage chez les Russes mais également chez les Allemands. 

 PAVLITCHANKO (Lioudmila), La Mort rouge, les mémoires de guerre d'un sniper de Staline, Overlord press, 2020