Bertrand Goujon, maître de conférences HDR en histoire contemporaine à l’université de Reims Champagne-Ardenne, nous offre avec Je Maintiendrai, femmes, nobles et Françaises, 1914-1919, une étude unique, novatrice et d’une richesse qu’il sera difficile d’égaler. Une étude unique donc, dans la mesure où elle s’attaque profondément au rôle des femmes de la noblesse pendant et juste après la guerre.
La vie qu’elles mènent est celle de beaucoup de Françaises, qu’elles
soient baronnes, marquises, duchesses, princesses, comtesses ou vicomtesses.
L’époux absent, les pillages, les destructions, le deuil d’un mari, d’un
enfant, d’un frère ou d’un père, les bombardements, le déracinement, etc. En
l’absence de l’homme certaines ouvrent leurs châteaux aux blessés militaires et
aux réfugiés, d’autres s’improvisent gestionnaires d’un patrimoine colossal ou
modeste, etc. Il faut aussi continuer à entretenir les réseaux d’influence et
même à penser à en ouvrir de nouveaux. « Pour la plupart, l’essentiel
reste néanmoins de maintenir leur rang, fragilisé par une hécatombe qui a
décimé leurs fils et époux, mené certaines au bord de la ruine et conduit
d’autres à la mésalliance ».
Ce livre qui ne compte pas moins de 912 pages s’appuie sur
un corpus de sources et une bibliographie des plus solides qui pourront servir
de base à bien d’autres études à venir. C’est bien l’usage d’archives privées
provenant de châteaux comme ceux de Flaugergues, de Chaumont, etc., ou de
familles illustres comme les Toulouse-Lautrec ou les Tascher de La Pagerie qui
nous a paru ici le plus intéressant, car jusqu’à présent jamais utilisées pour
ce genre d’étude.
La noblesse a donc dû s’adapter à la guerre, l’apprivoiser
en quelque sorte, se résigner à la dompter. Servir est le maître mot. C’est
dans les sociétés d’assistance de la Croix-Rouge française (SSBM, ADF, UFF) et
les œuvres que cet apostolat de la charité se manifestera avec grandeur et
bienveillance. C’est aussi un moyen de demeurer sur place, de servir et du même
coup de surveiller et protéger ses biens.
La question qui se pose et qui d’ailleurs clos l’ouvrage,
est un « retour à la normale » est-il possible avec la fin de la
guerre. Doit-on douter de l’avenir aux vues des bouleversements sociaux et
culturels vécus et subis ? Spécialiste de la noblesse pendant la Grande
Guerre, l’auteur ouvre une réelle réflexion sur un sujet complexe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire