vendredi 14 janvier 2022

Nouveauté livre : Hélène Martin & Yves Lecouturier ANNICK UNE RÉSISTANTE AU SERVICE DE LA MÉMOIRE (Mots-clés : FFI, résistance, MLN, Gestapo, Montluc, Lyon)

 

Annick Burgard n'a malheureusement pas eu la chance de tenir dans ses mains le livre qu'ont publié Yves Lecouturier et Hélène Martin aux éditions OREP en 2019. En effet Annick est décédée le 16 janvier 2019 à l'âge de 96 ans. Née le 7 février 1923 à Lyon, Clémence Jayet, qui deviendra l'Annick de la résistance, a grandi dans « les souvenirs de son père, revenu marqué par les tranchées de la première guerre mondiale ». Son prénom lui a été donné en hommage à Georges Clemenceau (1841-1929). 

 



Étudiante en droit en 1940, elle n'accepte ni l'armistice, ni le régime de Vichy entrant progressivement dans la résistance. En 1942, elle rejoint le mouvement Libération sud mais sans même le savoir. Étant donné son âge et son sexe, elle y exerce la fonction d'agent de liaison. Un temps elle travaille avec l'Armée secrète (AS) puis, en janvier 1944, passe aux Groupes francs (GF) de Lyon sous les ordres de Jacques Breyton, alias capitaine Marin. De caporal en 1942, elle termine au grade de sous-lieutenant le 27 août 1944. Dénoncée, elle est arrêtée le 3 août 1944. Conduite dans les locaux de la gestapo, elle y subit de dures interrogatoires avant d'être emprisonnée à la prison de Montluc à Lyon. Elle aura plus de chance que nombre de ses compagnons d'infortune déportés ou fusillés puis brulés. Annick Burgard « n'a pas été déportée et n'est jamais passée par le camp de Natzweiler-Struthof au cours de la guerre, elle n'en était pas moins une figure majeure de ce lieu de mémoire ». Libérée le 24 août 1944, elle travaille un temps au troisième bataillon de la prévôté régionale FFI puis rejoint les équipes affectées au retour des prisonniers déportés et réfugiés (PDR). Comme le soulignent les auteurs « Annick Burgard représentait un exemple de courage et d'engagement à une époque où cela pouvait entraîner la mort. » Toujours pour reprendre Yves Lecouturier et Hélène Martin « elle demeure l'une des personnes les plus engagées pour l'histoire et la mémoire de la Résistance et de la déportation comme en témoignent ses nombreuses expositions, ses actions envers l'amicale des rescapés de Montluc, le mémorial national de la prison de Montluc, le mémorial de Verdun, le musée de l'ancien camp de Natzweiler-Stuthof ou le musée de l'ordre de la libération » ou encore le musée de l'armée aux Invalides où elle fit un court passage comme documentaliste.


Ce petit livre illustré rend bien compte de ce que fut le travail d'un agent de liaison de la résistance. Outre cet aspect, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, le mémorial de Verdun, le MLN ou encore la libération de Lyon sont abordés dans de courts chapitres. Il est également intéressant de suivre le parcours d'Annick, de l'après guerre jusqu'à 2019, qui « demeure pour l'éternité une vois très active de la résistance ». Une figure touchante qui ne laisse pas insensible pas son parcours et sa volonté.


MARTIN (Hélène) et LECOUTURIER (Yves), Annick, une résistante au service de la mémoire, Bayeux, OREP éditions, 2019, 172 p. (illustrations en couleur et noir et blanc) 19,9 €

mardi 11 janvier 2022

La Russie s'invite : Lioudmila Pavlitchenko LA MORT ROUGE mémoires de guerre d'un sniper de Staline (Mots-clés : sniper, guerre patriotique, URSS)

La Mort rouge est un récit publié pour la première fois en Russie au cours des années 1970. Il s'agit du récit autobiographique de Lioudmila Pavlitchanko, la jeune femme aux 309 « victoires » sur l'envahisseur allemand. Son père un « homme robuste, droit, entièrement dévoué à la cause (communiste) » a participé à la guerre civile dans la « division de fer » qui combat les forces blanches de l'amiral Kolchak dans la région de la Volga et au sud de l'Oural. Lioudmila grandit avec sa sœur dans un foyer modeste soudé, instruit et aimant. Elle se passionne pour l'histoire, plus particulièrement l'histoire militaire. À Kiev, où sa famille s'installe, elle travaille à l'usine, c'est ainsi qu'elle s'inscrit au club de tir. Elle y fait la découverte des armes, apprend à les manipuler et à tirer.

En 1936, elle s'inscrit à la faculté d'histoire de l'université d'État de Kiev. La guerre d'Espagne lui fait prendre conscience que la guerre est inéluctable et qu'elle sera à sa porte un jour ou l'autre. Elle décide de reprendre des cours de tir au sein de l'organisation Osoaviakhim. Lioudmila s'avère être un excellent tireur, par ailleurs les armes sont devenues une passion. Son entrée à l'école de snipers de Kiev et sa rencontre avec Alexander Potapov, son instructeur, vont changer sa vie pour les années à venir. Lorsque l'Allemagne envahit la Russie en 1941, Lioudmila veut s'engager comme sniper, mais les militaires ne la prennent pas au sérieux. La plupart ne savent même pas ce qu'est un sniper. Heureusement après avoir servi un temps comme infirmière au front, on lui donne les moyens de faire ses preuves comme sniper. Blessée deux fois, la jeune femme qui compte pas moins de 309 « victoires », sert sur le front de Sébastopol et à Odessa. Son état d'esprit ressort dans ce court passage : « La haine fait apprendre beaucoup de choses. Elle m'a appris à tuer mes ennemis. Je suis un sniper. À Odessa et Sébastopol, j'en ai abattu 309 avec mon fusil à lunette. La haine a aiguisé ma vue et mon ouïe, m'a rendu plus attentive, m'as appris à me camoufler pour leurrer l'ennemi. La haine m'a appris à traquer les snipers ennemis patiemment pendant des heures. Assouvir une soif de vengeance est tout bonnement impossible. » Après des jours de convalescence suite à une seconde blessure, elle est retenue avec deux autres jeunes snipers pour faire partie de la délégation soviétique devant s'envoler pour les États-Unis. Outre les États-Unis, où Lioudmila se lie d'une amitié durable avec la première dame des États-Unis, Eleanor Roosvelt, la délégation se rend au Canada et en Grande-Bretagne, elle y rencontre Winston Churchill. À son retour en URSS, Staline, qui lors de son départ lui avait prêté un dictionnaire russe-anglais, refuse qu'elle retourne au front. Elle finit la guerre plus paisiblement qu'elle ne l'avait commencée. 

Ce livre, très bien traduit, se lit avec délectation. Lioudmila est une merveilleuse compteuse. On vit les durs combats de Crimée avec elle comme si on s'y trouvait. Des pages très imagées qui décrivent ce qu'est la vie d'un sniper. La peur, le froid, la mort omniprésente et les duels avec les snipers allemands. L'auteur appelle encore les Allemands « les fascistes » comme c'était le cas à l'époque. Mais c'est la seule marque d'une idéologie révolue. 

 Ce qui nous a particulièrement intéressé, le fait que l'auteur décrive d'un manière technique le rôle de sniper : armes, armement, techniques de camouflage, méthodes de tir, etc. On sent son goût et sa parfaite maîtrise des armes, ce qui d'ailleurs permet de découvrir dans les moindres détails les armes en usage chez les Russes mais également chez les Allemands. 

 PAVLITCHANKO (Lioudmila), La Mort rouge, les mémoires de guerre d'un sniper de Staline, Overlord press, 2020