dimanche 29 juillet 2018

LIVRE : JEANNE DE BELLEVILLE LA TIGRESSE BRETONNE (Mots-clés : Bretagne, Moyen-Age, guerrière, femme pirate, amazone)

 
Philippe le Bel mort, lui succèdent ses trois fils puis, du fait en particulier de l’affaire de la Tour de Nesle, la couronne revient en 1294 à Charles IV de la branche de Valois, issue du frère de Philippe le Bel. Philippe VI de Valois, fils de Charles IV, monte sur le trône en 1328 et y reste jusqu’en 1350. Depuis l’époque d’Aliénor et de Ricard Cœur de Lion, les prétendants au duché de Bretagne sont généralement sous l’influence anglaise avec parfois un compétiteur qui essaie de s’appuyer sur le roi de France. 



Le duc Jean III meurt en 1341 et sa succession est réclamée par Jeanne de Penthièvre petite-fille du duc Arthur II et de sa première épouse ainsi que par Jean de Montfort fils d’Arthur II et de sa seconde épouse Yolande de Dreux (anciennement reine d’Écosse). Notons qu’Arthur II est mort en 1312, non pas à seulement cinquante ans comme le dit wikipédia mais à l’âge respectable pour l’époque de cinquante ans. Par ailleurs Élie Durel, aurait mérité d’être plus clair dans une partie de sa présentation des choses. En effet il écrit « Jean de Monfort a respecté la loi salique », disposition qui évidemment ne s’applique qu’à la couronne de France (et encore tardivement) et n’a jamais régi les successions à la tête des duchés et comtés du royaume de France ni celles à la direction d’autres pays (dont évidemment l’Écosse, ce que Jean de Monfort ne peut ignorer). 

Charles de Blois est l’époux de Jeanne de Penthièvre alors que Jean de Montfort s’est marié à Jeanne de Flandre. Le conflit breton, qui les met en scène, va durer de 1341 à 1364 et va donc prendre pour nom "La guerre des deux Jeanne". C’est là que du Guesclin commence, en prenant le parti français de Jeanne de Penthièvre, à s’illustrer en prenant en particulier en 1354 le château du Grand-Fougeray, y gagnant le surnom de "Dogue noir de Brocéliande". Plus tardivement il combattra d’abord contre Olivier V de Clisson puis à ses côtés lorsque ce dernier se ralliera au roi de France alors que la Guerre de succession de Bretagne est terminée depuis 1364 et ceci au profit du fils de Jean de Montfort qui devient duc sous le nom de Jean IV. 

Olivier IV père d’Olivier V, choisit le camp de Charles de Blois et du roi de France, toutefois ce dernier reçoit des indices comme quoi Olivier IV aurait passé des accords secrets avec le roi d’Angleterre. Élie Durel, en s’appuyant sur Froissart, raconte très bien l’origine des soupçons, la traîtrise qui permet d’arrêter Olivier IV et les conditions ignominieuses faites à son corps. Il ajoute une pincée de romanesque autour de manœuvres ourdies par William de Salibury et le roi Édouard III pour laisser croire qu’Olivier IV a servi leurs intérêts en certaines circonstances et trahira à l’avenir Philippe VI (pages 126-129). Notons que si ce dernier condamne Olivier IV, ce seigneur breton est réhabilité en 1360 par Jean le Bon fils de Philippe VI. 

Jeanne de Belleville, image du XIXe siècle absente du roman d’Élie Durel


Jeanne de Belleville, veuve d'Olivier IV, a des origines poitevines que l’on aurait aimé voir explicités, elle fait jurer à ses fils Olivier et Guillaume de venger leur père. Elle consacre sa fortune à lever tout d’abord une armée pour assaillir les troupes de Charles de Blois puis, en difficulté sur terre, décide de combattre sur mer en prenant, selon notre romancier, l’exemple légendaire d’Alfihld la Viking rapportée dans la Geste des Danois (un chef d’œuvre de la littérature médiévale). On a pu d’ailleurs découvrir, en visitant en 2018 l’exposition sur les Vikings au château de Nantes, que des femmes scandinaves prirent effectivement la direction d’expéditions guerrières.

Elle fait armer trois navires, dont un appelé  "Ma Vengeance" et accompagnée de ses deux fils, mène une guerre de course contre les bateaux de commerce français. C’est près de Caen en 1343 qu’elle dirige sa première attaque. Toutefois des vaisseaux du roi de France s'emparent des navires de Jeanne de Belleville qui, heureusement par ruse, parvient à s'échapper avec ses deux fils. Réfugiée en Angleterre, elle épouse en 1349 Walter de Bentlley lieutenant d’Édouard IIII. Dix ans plus tard elle décède en Bretagne, selon ce récit (mais les historiens hésitant entre Hennebont et un château en Angleterre). On est trois ans après la bataille de Poitiers et un peu plus de quatre-vingt ans avant la mort de Jeanne d’Arc. 

En 1868, le roman en vers de l'écrivain français Émile Péhant Jeanne de Belleville est publié en France. Sorti, huit ans avant sa mort, et écrit par un natif de Guérande, au plus fort du mouvement romantique français, ce récit porte de nombreux détails rapportés plus par la légende que l’Histoire. 

Voici un extrait de l’ouvrage :

« Si Dieu ne trompe point demain mon espérance,
Demain se lèvera le jour de la vengeance.
Pardonne mon retard, pauvre époux adoré ;
Tu le sais, mon seul crime est d’avoir ignoré.
Mais le retard n’a fait qu’accumuler ma haine
Tremblez, lâches, tremblez, car la mesure est pleine :
Le châtiment sur vous est enfin suspendu.
Et vous ne perdrez rien pour l’avoir attendu… ».

Plusieurs ouvrages en langue anglaise ont consacré celle qui est appelée outre-Manche The Lioness of Brittany. Voir aussi la vidéo en français ici : 

 https://www.youtube.com/watch?time_continue=15&v=KldxxCYEVlQ

ELIE DUREL, Jeanne de Belleville, la tigresse bretonne, éditions Ancre de marine, 2018   22 €


Alain CHIRON