Nous
débutons notre série sur la littérature jeunesse liée aux femmes
dans la guerre en présentant trois auteurs des éditions OSKAR, nous
poursuivrons par un panorama chronologique des livres sur ce même
sujet de 1871 à 2015.
Les
éditions OSKAR ont eu la merveilleuse idée, depuis plusieurs années
maintenant, de développer toute une serie de livres sur les femmes,
jeunes femmes et jeunes filles impliquées d'une façon directe ou
indirecte (guerre subie) dans les deux guerres mondiales de 1914-1918
et 1939-1945. Ces titres se retrouvent dans deux collections dédiées
à la jeunesse : Histoire et société et Les aventures de
l'Histoire. Les figures abordées sont surtout celles de la
résistances (Lucie Aubrac, Germaine Tillion, etc.), mais trois
titres au moins abordent aussi avec grand intérêt et précision les
femmes de la Grande Guerre (Elles aussi ont fait la Grande Guerre
; Docteure à Verdun ; Il fallait survivre). Saluons
donc ces éditions qui ont le courage de publier de pareils ouvrages destinés à un jeune public et donnons donc la parole à trois de ses auteurs que nous remercions de leur participation : Pauline Raquillet, Valentine Del Moral et Catherine
Le Quellenec.
Pauline
Raquillet et Valentine Del Moral : Pourquoi et comment écrire Elles
aussi ont fait la Grande Guerre
Sur
nous, rien à dire sauf à s’amuser de l’alliance dans l’écriture
d’une historienne des plus précises et d’une historienne de
l’art très imaginative. Plusieurs livres écrits par l’une et
par l’autre mais qui sont à des années-lumière des femmes en
uniforme.
Plusieurs réflexions
nous ont poussées à nous atteler à cet album.
Tout
d’abord, nous avons constaté qu’en littérature jeunesse,
l’Histoire version féminine était soit limitée à des grandes
figures qui finissent par paraitre rabâchées, à l’instar de
Marie-Antoinette ou Cléopâtre ; soit était cantonnée à des
bluettes ou pseudo-journaux intimes. Nous pensions au contraire que
raconter l’Histoire en décalant l’angle de vue, en choisissant
de nous placer derrière le regard des femmes nous permettrait
de promouvoir l’histoire d’une manière vivante et concrète
auprès des jeunes lecteurs qui se projetteraient dans la vie de ces
femmes d’exception.
D’autre
part, nous avons considéré que nous étions vieilles ! Assez
vieilles en tous cas pour avoir connu enfant, par nos familles
ou par les médias, des acteurs de la guerre de 14, témoins vivants
de la période. Depuis février 2012, ces témoins ont tous disparus.
Autour de nous, nous
avons constaté que la Grande Guerre était bien connue mais souvent
à la manière d’une Image d’Epinal.
Pour ces raisons, nous
avons ressenti le besoin d’écrire « notre » guerre. Et
pour lui donner de la proximité, pour la rendre concrète, nous
avons décidé de mettre de côté le récit académique. Notre
réflexion nous a amenées à nous pencher sur les destins et les
histoires individuelles de celles qui ont vécu au quotidien cette
première guerre.
Très vite, nous avons compris que la
vision de l’action des femmes de la guerre de 14 était souvent
restreinte aux archétypes de suffragette ou munitionnette, marraine
de guerre, au mieux infirmière ou espionne.
Le travail que nous avons alors
entrepris a été de longue haleine. Près de deux ans. Beaucoup de
lectures généralistes et pointues, de prospection de biographies
souvent n’existant qu’en anglais, de recherche iconographique
poussée, iconographie qui a été utilisée par la suite par le
maquettiste d’Oskar éditeur.
Le choix des quarante héroïnes
présentées a été drastique. Ce qui importait était que toutes
portent en elles un double message :
- Chacune devait pouvoir nous permettre d’aborder un aspect de la guerre.
- Chacune devait avoir dans sa biographie, une anecdote assez saillante pour donner vie à un récit alerte, précis, étonnant si possible.
Un autre point qui nous
tenait à cœur, était de mettre en lumière, certes les plus
illustres qui renforçaient notre double fil conducteur, mais aussi
les héroïnes méconnues, voire inconnues qui avaient croisé notre
chemin de recherche.
Quoiqu’il en soit,
toutes celles qui figurent dans l’album, partagent les valeurs de
courage, d’intelligence, d’ingéniosité, de pugnacité. Leur
enthousiasme, leur humour parfois, font d’elles des modèles
particulièrement vivants qui parlent à notre monde contemporain.
Nous commencerons par les
femmes qui ont effectivement porté l’uniforme. Nous les avons
choisies, dans la mesure du possible, dans un maximum de pays ayant
participé au conflit.
Les femmes n’étaient
pas censées aller au combat. L’appel de Viviani était sur ce
point très clair. Elles devaient faire marcher le pays à l’arrière.
Si pourtant elles se sont engagées, si elles ont revêtu l’uniforme,
c’est pour des raisons diverses.
L’envie de
combattre en tant que soldat :
Maria
Bochkareva L’amazone russe ;
Flora
Sandes Un garçon manqué.
Toutes deux
furent promues officier et furent particulièrement respectées après
un moment de latence.
L’envie de
témoigner : Dorothy Lawrence
Reporter de guerre ;
L’opportunité
de servir : Nicole Mangin Une
femme + un médecin = un soldat ;
Le désir de
partager un savoir : Marie Marvingt
Un pilote en jupe-culotte ;
Nous ne pouvons pas
passer sous silence la médecine qui a toujours accompagné la guerre
de manière étroite.
Sur le
terrain, il faut citer les interventions de Marie
Curie Une scientifique à l’esprit pratique, qui met
au point les camions de radiologie, et à nouveau Marie
Marvingt Un pilote en jupe-culotte
à qui l’on doit l’aviation sanitaire.
Représentant
le corps infirmier, Blanche Lavallée &
Yvonne Baudry Bluebird’s girl ont eu – c’est une
exception notable - le rang d’officier dans l’armée canadienne.
Au sortir de la guerre, « Blanche est envoyée à Washington
pour persuader le Congrès que les infirmières des États-Unis, à
leur exemple, méritent d’obtenir un grade militaire ».
A l’arrière, deux
artistes se sont penchées sur le cas des gueules cassées et des
corps martyrisés et méritent une mention particulière.
Anna Coleman |
Grace
Gassette L’artiste prothésiste ;
Et
surtout Anna
Coleman Ladd
Sculpteur
de Gueules.
Nous vous engageons à regarder le film qui a été tourné à
l’époque :
Enfin,
laissez-nous penser que les deux héroïnes suivantes, étaient à
leur manière de bons soldats !... Il s’agit de :
Nénette
(et Rintintin) Porte-bonheur qui montait au front aux
revers des vareuses des soldats. Le haut commandement interdit sa
présence quand elle devint, selon lui, trop visible et envahissante
;
Peau-d’âne
Jument de guerre qui rappelle l’enrôlement massif
des bêtes dans le conflit.
Nées au XIXe siècle,
ces femmes sont devenues par leur passage sous l’uniforme, par leur
fréquentation de la guerre, les femmes d’un siècle nouveau.
On ne peut pas affirmer
qu’elles ont été des modèles pour les générations suivantes
puisque bon nombre d’entre-elles n’ont même pas été reconnues.
En revanche, il nous est apparu qu’elles pouvaient être des
modèles pour les filles et les garçons d’aujourd’hui si
éloignés de la réalité de cette guerre qui souvent se limite dans
l’imaginaire collectif, aux tranchées, aux poilus, aux taxis de la
Marne et à Verdun.
L’accueil des enfants a
dépassé nos attentes.
Nous nous
sommes aussi rendu compte en présentant le livre dans les écoles et
dans les bibliothèques, que les « grandes personnes »
aussi étaient touchées par Elles aussi ont fait la Grande
Guerre. Les parents, les grands-parents et les adultes se
replongeant autrement dans cette guerre d’Epinal, sont devenus de
vrais lecteurs et des passeurs de l’album.
En ce qui
nous concerne, il faut dire combien nos quarante épatantes nous
portent depuis le début de cette aventure éditoriale et combien
leur exemple resurgit quasi quotidiennement. Nous pensions les mettre
en lumière. Ce sont elles qui nous rendent lumineuses.
La page facebook de Pauline et Valentine
La page facebook de Pauline et Valentine
Catherine
Le Quellenec : un « petit roman » sur la doctoresse
Nicole Mangin
"Donc
je m'appelle Catherine Le Quellenec, j'ai 45 ans et suis institutrice
depuis 20 ans. Née à Guingamp dans les Côtes d'Armor, j'ai fait
mes études à Rennes.
J'ai
commencé à travailler avec les éditions Oskar en créant pour eux
des dossiers pédagogiques : il s'agit de fichiers en
lecture/littérature, gram/conj, voc/ortho et jeux de lectures.
Ceux-ci sont destinés aux instituteurs travaillant sur des romans
jeunesse dont voici les titres :
-
La femme noire qui ne voulait pas se soumettre. Rosa Parks ;
-
Les soldats qui ne voulaient plus se faire la guerre. Noel 14 ;
-
Le chemin des Dames. Avril
17 ;
-
Marion du Faouët" en co-éditions avec le CNDP ;
-
Les sanglots longs des violons... ;
-
Les Brigades du Tigre ;
-
Les enfants d'Iréna Sendlerowa.
En
2009, Françoise Hessel, directrice éditoriale de Oskar m'a proposé
d'écrire une histoire sur le sujet de mon choix. Je n'avais jamais
écrit de ma vie et ne pensais pas en être capable...
Bref,
un jour de vacances, en feuilletant le Nouvel Obs, je suis tombée
sur une petite nécro de quelques lignes parlant d'une très vieille
femme polonaise qui, pendant la seconde guerre mondiale a sorti et
sauvé 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Inhumée dans
l'anonymat et le dénuement le plus total, j'ai pensé qu'il serait
pas mal de mettre cette femme en lumière...
J'ai
continué d'écrire en choisissant toujours des femmes qui ont fait
l'Histoire ; elles ont en commun le courage, le dévouement,
l'intérêt général...
J'ai
fait la rencontre de Nancy Wake également en lisant sa nécro dans
le Ouest-France. Ce qui m'a plu chez cette femme, c'est son
engagement pour la France qui n'était pas son pays natal, et son
souhait outre de se faire incinérer de faire éparpiller ses cendres
au-dessus du Mont Mouchet, là où elle s'était occupée d'un groupe
de maquisards... Australienne, Nancy Wake s'est engagée dans le SOE
en Angleterre et est "enterrée" sur le sol français...
En
ce qui concerne le Docteur Nicole Mangin, c'est en participant au
salon du livre de Verdun, lors d'une exposition sur les femmes dans
la guerre, que je l'ai découverte. Il y avait un petit texte et une
photo sur laquelle on voit Nicole Mangin avec l'uniforme des
doctoresses Anglaises (les femmes médecin au front en 1914
n'existaient pas dans l'armée française et n'avaient donc pas
d'uniforme). Elle y figure avec son chien Dun. Le fait que ce soit la
seule femme médecin française à agir dans les HOE m'a interessée
et j'ai choisi de lui consacrer un petit roman. » Catherine
Le Quellenec
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