Nous avions parlé de la mode sous
l'Occupation lors de deux précédents messages. Nous constations
d'ailleurs le retard de la France dans ce domaine en comparaison des
pays anglo-saxons. Le Ciel semble nous avoir entendu puisque un
merveilleux ouvrage vient de paraître aux éditions Libel.
L'idée vient du musée des Métiers de la chaussure qui, dans
son projet, s'est vu soutenu par de nombreux mécènes.
En 1941 l'Allemagne enjoint la France
de livrer 6 millions de paires de chaussures soit « 2,9
millions de paires de chaussures et 2 millions à titre de bons pour
les services de la wehrmacht ainsi que 575000 paires de chaussures
pour homme et 525000 paires de chaussures de ville pour femme. »
Ce chiffre considérable est d'autant plus contraignant que la France
de 1940 produit difficilement 8 à 10 millions de paires de
chaussures. Et que par ailleurs il faudra continuer à chausser tant
bien que mal les Français.
A cela il faut ajouter la fermeture de
nombreux commerces juifs liés à la profession, les limitations
imposées au secteur de la chaussure et la faillite de commerces spécialisés pour cause de raréfaction des matières nécessaires
à leur confection.
La création par l'Etat français du marché des
« chaussures nationales », chaussures civiles,
économiques et abordables financièrement, destinées avant tout aux personnes à
faible revenu et aux travailleurs, n'est qu'une goutte d'eau qui est
loin de régler le problème auquel la France doit faire face.
Les fabricants font donc avec les
moyens du bord. On en revient ainsi aux bonnes vieilles galoches, chaussures peu élégantes à semelles de
bois mais pratiques quand il n'y a rien d'autre à chausser. Tout est bon pour confectionner : raphia, pneus, chaussures à
semelles de bois articulées, sisal, chanvre, cuirs exotiques
(serpent, lézard, crocodile, etc.). On mobilise tous les matériaux
hors rationnement : synderme, rabanne, etc. Les particuliers se
lancent eux aussi dans la fabrication de chaussures parfois avec l'aide de
revues de mode qui distillent leurs bons conseils, mais la qualité n'est pas toujours au rendez-vous.
Et comme si tout cela n'était qu'une vaste
farce, à la Libération, les chaussures se parent de couleurs chatoyantes, dont l'inspiration vient des drapeaux des forces alliées victorieuses (URSS, France, USA, Grande-Bretagne). Mais les pénuries dureront encore longtemps après guerre, jusqu'au tout début des années 50.
Collection du musée de la chaussure, photographie
© Olivier Rahard
|
Collection du musée de la chaussure, photographie © Olivier Rahard |
C'est toute cette histoire que raconte
le livre de Sandy Antelme, livre qui bénéficie d'une préface de
Dominique Veillon (l'auteur (sans E !) de La Mode sous l'Occupation,
ouvrage précurseur s'il en est). L'iconographie en couleur est majoritairement
issue du musée des Métiers de la chaussure. Les fonds Neuville
(magasin « Les Chaussures d'Aurore ») et Chauvin du musée
sont d'une rare qualité puisque provenant de fonds de magasins de
chaussures. Leur présentation au côté des boîtes à chaussures d'origine est merveilleux. Tout comme la présentation de tickets et de bons de rationnements pour chaussures, de registres de cordonnerie,
etc.
Collection du musée de la chaussure, photographie © Olivier Rahard |
L'iconographie d'époque est peu connue
et colle spécifiquement au sujet, les photos de chaussures et autres
natures mortes sont d'une extrême qualité et le fruit du travail du photographe Olivier Rahard.
Pour une réussite, s'en est une.
1940-1944, se chausser sous l'occupation est sans nul doute le
meilleur ouvrage dans le domaine de la mode sous l'occupation. Un
livre à retrouver sur l'une des étagères de votre
bibliothèque. Son prix très bas en fait plus encore un beau « paquet
de feuilles » bien attractif.
Editions Libel, Lyon
www.editions-libel.fr
Livre disponible en librairie et sur les sites de vente en ligne.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimer