En
octobre 1941,
les Allemands sont aux portes de Leningrad
et de Moscou.
Arrivent alors dans la capitale soviétique de jeunes femmes
recrutées pour devenir pilotes sous la direction de Maria
Raskova, navigatrice et, last
but not least, agent du NKVD.
Face aux pertes catastrophiques subies par les forces
aériennes soviétiques lors de
l’opération Barbarossa, Staline demande la constitution de
régiments de femmes pilotes. Ce seront les 586,
587 et 588e
régiments.
L’auteur,
une russe, nous conte
l’histoire de ces dizaines de jeunes filles, en s’attardant bien
sûr sur les deux as Lydia
Litvak et Iekaterina
Boudonova. Toutes
deux meurent d’ailleurs
entre la fin juillet et le 1er
août 1943 au moment où se déroule la bataille de Koursk qui suit
la fin de la bataille de Stalingrad. Après ces deux combats, l’armée
allemande ne reprendra jamais l’offensive et pratiquera ce que
Pierre Dac appellera la défense élastique (Voir ici).
Une autre pilote, Valeriya
Khomyakova fut la première
femme à abattre un avion allemand ; un bombardier, le 24
septembre 1942, lors d’un vol de nuit au-dessus de Saratov. Elle
décède, lors d’un décollage de nuit, une dizaine de jours après
ce combat.
Lydia Litvak |
Marina Mikhaïlovna Raskova. |
L’auteur dresse le parcours dans le civil, puis sous l’uniforme, de ces
femmes qui durent vaincre les préjugés de leurs compatriotes et
apprirent vite que les pilotes allemands avaient la hantise de voir
leur avion descendu par elles. C’était pour eux au départ une
profonde honte, toutefois elles gagnèrent assez vite l’estime des
as de la Luftwaffe qui les surnommèrent "les sorcières de la
nuit". Au passage on prend de nombreuses informations par
exemple sur les concepteurs russes d’avions (tous dans une prison
du NKVD en 1940 à l’exception d’Alexandre Yakolev), les modèles
successifs d’avions utilisés par les soviétiques ou sur les
superstitions ou porte-bonheurs des aviateurs russes (pages 263-264).
Leur
épopée est tout particulièrement liée à l’ensemble des
réactions des armées soviétiques face à l’agression
hitlérienne, aussi ce sont de nombreux épisodes de cette dernière
que l’on revisite. Nous trouvons même la reproduction d’une
photographie d’une famille de réfugiés prise par Iakov Khalip en
juillet 1941 près de Kiev. Ce sont ainsi une trentaine de clichés,
représentant en grande partie des aviatrices soviétiques, qui sont
proposés. Par ailleurs, le livre dispose d'un index des noms des
personnes citées dans l’ouvrage.
En
fait la première combattante de la Guerre patriotique élevée au
rang d'héroïne ne fut pas une aviatrice, c’est Zoïa
Kosmodemianskaïa (dite
"Tania"), décédée fin novembre 1941, qui faisait partie
d’un groupe de partisans laissés derrière les lignes allemandes
à environ 100 km à l’ouest de Moscou (voir pages 118 à 121).
Après elle quelques aviatrices rentrèrent dans ce panthéon bien
gardé.
Le
récit ne va pas au-delà de la fin 1943, à l’exception de
quelques remarques, si bien qu’il y a une impasse sur les
circonstances dans lesquelles l’avion d’Anna
Aleksandrovna Iegorova ou
Egorova fut abattu en août 1944 près de
Varsovie et sur son devenir ultérieur. Présumée morte, elle se vit
attribuer à titre posthume le titre de "Héros
de l’Union soviétique" mais, libérée le 31 janvier 1945,
elle se vit retirer cet honneur. Suspecte, comme tous les Russes
faits prisonniers, elle s’est vue réattribuer le titre de
"Héros
de l'Union soviétique" seulement en
1965. Née en 1916, elle décéda en 2009.
Nous sommes ici face
à un véritable travail d’historien réalisé tant à partir
d'archives historiques de première main que de témoignages des
survivantes ou de personnes les ayant côtoyées. A ce sujet notons
que l'auteur, Liouba
Vinogradova, née à Moscou, est docteur en biologie, mais aussi diplômée
en allemand et en anglais. Par ailleurs, en 1995, elle a
assisté l'historien Antony Beevor dans la rédaction de Stalingrad.
Alain
CHIRON
Liouba
Vinogradova, Les
combattantes: Les aviatrices soviétiques contre les as de la
Luftwaffe, éditions
Héloïse d’Ormesson, 2016, 496 pages
PRIX : 25 euros et 18,99
au format Kindle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire