Fondé en 1975, le groupe L’Harmattan, basé à Paris depuis
sa création, fait partie des rares maisons d’éditions à proposer avec constance
des livres sur les femmes en temps de guerre : rééditions de livres français
ou étrangers épuisés (Sœur Grete Kühnhold, Une infirmière Allemande au
Cameroun, 1913-1916 ; Maria
Zdziarska-Zaleska, Sur les fronts de guerre méconnues, Pologne 1918-1921,
mémoires d’une femme médecin de bataillon ; Ana de Castro Osorio, En
temps de guerre, aux soldats et aux femmes de mon pays, Portugal 1914-1918) ;
documents d’époque commentés (Didier Chauvet, Irma Grese et le procès de
Belsen ) ; études thématiques ( Les Assistantes
sociales dans la tourmente, 1939-1946, de Cyril Le Tallec, etc.) ;
témoignages ( Gargamelle, mon
ambulance guerrière 2ème DB de Edith Vézy ; Des
ambulancières dans les combats de la libération, Suzanne
Lefort-Rouquette ) ; biographies (La Vie brisée d’Eugénie
Djendi de l’Algérie à Ravensbrück, par Dominique Camusso et
Marie-Antoinette Arrio). Le choix est donc vaste et généralement de qualité.
Comme nous pouvons le constater, ces publications ne se
limitent pas à la seule France. Sont traités la Pologne, le Portugal, l’Allemagne,
mais aussi l’Italie et les Etats-Unis d’Amérique dans le cadre du livre La
Grande Guerre et le combat féministe.
Dans le présent post nous avons fait le choix de ne
présenter que quelques-uns des livres cités plus haut, soit ceux parus entre
2008 et 2020.
La Vie brisée d’Eugénie Djendi de l’Algérie à
Ravensbrück, de Dominique Camusso et Marie-Antoinette Arrio, raconte,
un peu à la manière d’une enquête à la fois historique et généalogique, la vie
et le destin tragique d’Eugénie Djendi, née en Algérie, à Bône, en 1923. Elle s’engage
très jeune, à peine âgée de 20 ans, en janvier 1943, dans le Corps féminin des
transmissions (CFT), créé par le général Merlin, en cours de formation à Alger.
Et que l’on appelle familièrement les Merlinettes. Elle prend part à la dure campagne
de Tunisie.
Transférée en Grande-Bretagne, après avoir été formée par le
Special Operation Executive (SOE), elle est parachutée en France, dans le Loiret,
comme ce fut le cas d’autres jeunes issues du CFT mes à des dates différentes.
Trahies, toutes sont arrêtées à peine ont-elles foulé la terre de France. Eugénie
est déportée vers le camp pour femmes de Ravensbrück le 11 août 1944. Comme l’ensemble
de ses camarades, le 18 janvier 1945 elle est exécutée d’une balle dans la
nuque. Le livre s’appuie sur de solides sources.
Sœur Grete Kühnhold, Une infirmière Allemande au
Cameroun, 1913-1916 est un petit livre de 90 pages, paru pour la
première fois en 1917 sous le titre In Friedens-und kriegszeiten in
Kamerun. La présente édition a été traduite et préfacée par Gilles René
Vannier. L’auteur, membre de l’association allemande des femmes de la
Croix-Rouge pour les colonies, nous fait vivre l’invasion du Cameroun par le
nord-ouest (Britanniques), le sud et l’est par les Français et les Belges. Son
récit nous fait traverser le Cameroun, au travers de ses affectations et
missions, jusqu’à ce qu’elle se réfugie, avec nombre de ses compatriotes, dans
la colonie neutre qu’est la Guinée espagnole. C’est un récit plein d’allant,
que l’on peut qualifier d’aventure, qui dévoile un certain état d’esprit propre
à l’époque et aux idées de supériorité raciale allemande. L’histoire se clôt
avec son retour en Allemagne métropolitaine.
Il existe trop peu de livres en langue française sur le rôle
du Portugal pendant la Grande Guerre. Celui de Ana de Castro Osorio, En
temps de guerre, aux soldats et aux femmes de mon pays, Portugal 1914-1918
en est désormais un. Ana de Castro « présentée comme l’un des fers de
lance su féminisme au Portugal » dévoile tout à la fois un féminisme
portugais et le rôle des femmes dans la Grande Guerre. Son recueil est édité en 1918 sous la forme d’une
compilation d’articles écrits et diffusés pendant la guerre. Les sujets qu’elle
y aborde (guerre, féminisme, éducation, travail des femmes) ont été largement
abordés par le « mouvement spontané et magnifique représenté par la
petite commission féminine Pour la Patrie, laquelle a essuyé toutes réflexions
et malveillances propres aux idées nouvelles, a été suivi par la splendide
affirmation qu’est la Croisade des femmes portugaises. » Ana de Castro
est le type même de la féministe réformiste qui tout à la fois soutient son
pays dans l’effort de guerre et veut, en même temps, y faire participer les
femmes pour provoquer leur émancipation. Son discours est sans ambages : « la
femme ne peut plus être aujourd’hui ce simple personnage poétique des légendes
médiévales, qui ouvre son giron dans lequel le pain se transforme en fleurs et
les fleurs en pain pour les mendiants, conformément à l’offre et à la demande
que les généreux idéaux masculins, arbitres et seigneurs de la vie économique,
entendent établir. La Patrie, qui est comme qui dirait la société, attend
aujourd’hui un plus de ses femmes, à savoir travail et initiative. »
Le récit de guerre de Maria Zdziarska-Zaleska, Sur les
fronts de guerre méconnues, Pologne 1918-1921, mémoires d’une femme médecin de
bataillon pourrait être celui de n’importe quel homme, mais il s’agit
de celui d’une jeune polonaise. Catholique, instruite, issue d’une famille
éclairée, libre et patriote. Bien que ne se qualifiant pas de féministe elle en
a la fibre. Elle s’engage en tant qu’infirmière
en 1918, tout comme ses deux sœurs, dont l’une sera tuée au front. « En
1918, ils (ses parents) n’étaient pas seulement d’avis que mes frères
devaient aller servir dans l’armée, mais ils ont accepté que je m’engage moi
aussi. Ils comprenaient parfaitement mes motifs car ils pensaient, comme moi,
que je ne faisais là que remplir mon devoir le plus élémentaire. Ainsi, en
1918, nous étions trois dans les troupes armées ; en 1920, deux de plus.
Le plus jeune d’entre nous n’avait alors même pas seize ans. » Elle
participe aux combats contre les Allemands, les Ukrainiens puis les Bolchéviques,
sera blessée à plusieurs reprises, capturée par deux fois, elle réussit à s’enfuir
puis à rejoindre les lignes polonaises. Son récit passionnant, durant lequel
elle fait preuve d’une rare bravoure, couvre surtout la guerre russo-polonaise (1919-1921) jusque 1921.
La Grande Guerre et le combat féministe s’articule
comme un acte de colloque. Réalisé sous la direction de Claire Delahaye et
Serge Richard, il aborde, comme son titre l’indique, des thématiques liées à la
Grande Guerre, mais parfois avec des références plus anciennes : les
suffragistes américaines, face à la première guerre mondiale, revisitent la
guerre de Sécession. Le chapitre sur le féminisme italien dans la Grande Guerre
démontre l’internationalisation du féminisme à cette époque. Selon Claire
Delahaye et serge Ricard, le féminisme c’est construit autour de trois
principes pendant les années de guerre : « la revendication d’une
égalité entre les hommes et les femmes, la remise en cause de la féminité comme
construction culturelle et l’action collective qui suppose une communauté d’intérêts
et une identité partagée (…) La Grande Guerre ( …) constitua ainsi un
moment privilégié au cours duquel les femmes eurent l’impression de vraiment
faire l’Histoire. »
L’ouvrage de Didier Chauvet, Irma Grese et le procès
de Belsen, s’appuie pour beaucoup sur les dépositions et
interrogatoires d’Irma Grese lors du procès de Belsen, mais il permet surtout
de suivre le parcours de cette jeune « femme ordinaire », née en 1923
à Wrechem, jusqu’à la chute du IIIème Reich. Son enfance fut marquée par les
infidélités de son père envers sa mère, et le suicide de cette dernière par absorption
d’acide chlorhydrique. Irma fut d’abord membre des Bund Deutscher Mädel
(BDM), puis elle effectua six mois de travail dans le Reichsarbeitdienst (RAD).
Après son service, elle exerça divers métiers (fille de ferme, vendeuse, aide-soignante,
etc.). Attirée par le métier d’infirmière, à 18 ans elle cherche à entrer dans
une école d’infirmière. Après avoir essuyé plusieurs refus, elle s’oriente vers
le métier de surveillante SS (Aufseherin). Ce choix fera d’elle l’une de ces jeunes
surveillante SS des camps de concentration allemands connues, pour une majorité
d’entre-elles, pour leur cruauté. Irma fut condamnée à mort par un tribunal
militaire britannique en 1945, lors du procès de Belsen, avant d’être pendue à
la prison de Hameline.
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